Les principales mesures de la loi de santé du 26 janvier 2016 (2e partie) - Objectif Soins & Management n° 245 du 01/04/2016 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 245 du 01/04/2016

 

LOI DE SANTÉ

Droit

Gilles Devers  

Suite et fin des dispositions marquantes de la loi de santé du 26 janvier 2016, s’agissant de la pratique des soins. Cette loi d’une centaine de pages justifiera des analyses approfondies, au cours de l’année.

Autonomie du mineur face à la santé

Par dérogation aux règles sur l’autorité parentale, un médecin était autorisé par l’article L. 1111-5 du Code de la santé publique (CSP) à pratiquer des actes de soins sans le consentement des parents, par dérogation aux règles de l’autorité parentale (Code civil, article 371-1). Cette règle est étendue aux actes « de prévention, de dépistage et de diagnostic », mais aussi aux sages-femmes et aux infirmiers s’agissant de la santé sexuelle et reproductive d’une personne mineure.

Nouveau régime général

Article L. 1111-5. – Par dérogation à l’article 371-1 du Code civil, le médecin ou la sage-femme peut se dispenser d’obtenir le consentement du ou des titulaires de l’autorité parentale sur les décisions médicales à prendre lorsque l’action de prévention, le dépistage, le diagnostic ou l’intervention s’impose pour sauvegarder la santé d’une personne mineure, dans le cas où cette dernière s’oppose expressément à la consultation du ou des titulaires de l’autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé. Toutefois, le médecin ou la sage-femme doit dans un premier temps s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à cette consultation. Dans le cas où le mineur maintient son opposition, le médecin ou la sage-femme peut mettre en œuvre l’action de prévention, le dépistage, le diagnostic ou l’intervention. Dans ce cas, le mineur se fait accompagner d’une personne majeure de son choix.

Lorsqu’une personne mineure, dont les liens de famille sont rompus, bénéficie à titre personnel du remboursement des prestations en nature de l’Assurance maladie et maternité et de la couverture complémentaire mise en place par la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle, son seul consentement est requis.

Pour les infirmières

Article L. 1111-5-1. – Par dérogation à l’article 371-1 du Code civil, l’infirmier peut se dispenser d’obtenir le consentement du ou des titulaires de l’autorité parentale sur les décisions à prendre lorsque l’action de prévention, le dépistage ou le traitement s’impose pour sauvegarder la santé sexuelle et reproductive d’une personne mineure, dans le cas où cette dernière s’oppose expressément à la consultation du ou des titulaires de l’autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé. Toutefois, l’infirmier doit, dans un premier temps, s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à cette consultation. Dans le cas où le mineur maintient son opposition, l’infirmier peut mettre en œuvre l’action de prévention, le dépistage ou le traitement. Dans ce cas, le mineur se fait accompagner d’une personne majeure de son choix.

Service de prévention des universités

Article L. 5134-1, dernier alinéa. – Dans les services de médecine de prévention des universités, la délivrance de médicaments ayant pour but la contraception d’urgence s’effectue dans des conditions définies par décret. Les infirmiers exerçant dans ces services peuvent procéder à la délivrance et l’administration de ces médicaments. Ces services s’assurent de l’accompagnement psychologique de l’étudiant et veillent à la mise en œuvre d’un suivi médical. La loi prévoit également une procédure de médiation pour une négociation globale.

Action de groupe en droit de la santé

En droit commun, chacun agit en justice pour défendre son propre intérêt. L’actualité a montré que cette donnée est dépassée face à des problèmes de santé publique qui concernaient de nombreuses personnes. Aussi, la loi crée une “action de groupe” qui permet à une association d’usagers d’agir en justice pour obtenir réparation des préjudices individuels subis par des usagers du système de santé placés dans une situation similaire avec pour cause communne le manquement d’un producteur de produits de santé ou d’un prestataire lors de l’utilisation de ce produit.

Qualité pour agir

Article L. 1143-1. – Une association d’usagers du système de santé agréée en application de l’article L. 1114-1 peut agir en justice afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des usagers du système de santé placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d’un producteur ou d’un fournisseur de l’un des produits mentionnés au II de l’article L. 5311-1 ou d’un prestataire utilisant l’un de ces produits à leurs obligations légales ou contractuelles.

L’action n’est pas ouverte aux associations ayant pour activité annexe la commercialisation de l’un des produits mentionnés au même?II. L’action ne peut porter que sur la réparation des préjudices résultant de dommages corporels subis par des usagers du système de santé.

Jugement sur la responsabilité

Article L. 1143-2. – Dans la même décision, le juge constate que les conditions mentionnées à l’article L. 1143-1 sont réunies et statue sur la responsabilité du défendeur au vu des cas individuels présentés par l’association requérante. Il définit le groupe des usagers du système de santé à l’égard desquels la responsabilité du défendeur est engagée et fixe les critères de rattachement au groupe.

Le juge détermine les dommages corporels susceptibles d’être réparés pour les usagers constituant le groupe qu’il définit.

Le juge saisi de la demande peut ordonner toute mesure d’instruction, y compris une expertise médicale.

Art. L. 1143-3. – Le juge qui reconnaît la responsabilité du défendeur ordonne, à la charge de ce dernier, les mesures de publicité adaptées pour informer de cette décision les personnes susceptibles d’avoir subi un dommage du fait du manquement constaté.

Ces mesures ne peuvent être mises en œuvre qu’une fois que la décision mentionnée à l’article L. 1143-2 ne peut plus faire l’objet de recours ordinaires ni de pourvoi en cassation.

Article L. 1143-4. – Dans la décision mentionnée au premier alinéa de l’article L. 1143-2, le juge fixe le délai dont disposent les usagers du système de santé remplissant les critères de rattachement et souhaitant se prévaloir du jugement prévu à l’article L. 1143-2 pour adhérer au groupe afin d’obtenir la réparation de leurs préjudices. Ce délai, qui ne peut être inférieur à six mois ni supérieur à cinq ans, commence à courir à compter de l’achèvement des mesures de publicité ordonnées.

Au choix de l’usager, la demande de réparation est adressée à la personne reconnue responsable soit directement par lui, soit par l’association requérante, qui reçoit ainsi mandat aux fins d’indemnisation.

Le mandat donné à l’association requérante ne vaut ni n’implique adhésion à cette association.

L’usager donnant mandat à l’association lui indique, le cas échéant, sa qualité d’assuré social ainsi que les organismes de Sécurité sociale auxquels il est affilié pour les divers risques. Il lui indique également les prestations reçues ou à recevoir de ces organismes et des autres tiers payeurs du chef du dommage qu’il a subi, afin que ceux-ci puissent faire valoir leurs créances contre le responsable. L’association informe du mandat reçu les organismes de Sécurité sociale et les tiers payeurs concernés.

Article L. 1143-11. – À la demande des personnes remplissant les critères de rattachement au groupe, ayant adhéré à celui-ci et demandant la réparation de leur préjudice sous l’une ou l’autre forme prévue au deuxième alinéa de l’article L. 1143-4, les personnes déclarées responsables par le jugement mentionné à l’article L. 1143-2 procèdent à l’indemnisation individuelle des préjudices subis du fait du manquement reconnu par ce jugement. Toute somme reçue par l’association au titre de l’indemnisation des usagers est immédiatement versée en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations. Ce compte ne peut faire l’objet de mouvements en débit que pour le versement des sommes dues aux intéressés.

Droit à l’oubli

Quel recours aux assurances après une grave maladie ? Le terrain avait été préparé par la signature de la convention Aeras (s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé). Désormais, le droit lui est consacré par la loi. Une personne est autorisée à ne pas déclarer une grave maladie sans encourir le risque de fausse déclaration.

Article L. 1141-5. – La convention nationale mentionnée à l’article L. 1141-2 détermine les modalités et les délais au-delà desquels les personnes ayant souffert d’une pathologie cancéreuse ne peuvent, de ce fait, se voir appliquer une majoration de tarifs ou une exclusion de garanties pour leurs contrats d’assurance ayant pour objet de garantir le remboursement d’un crédit relevant de ladite convention. La convention prévoit également les délais au-delà desquels aucune information médicale relative aux pathologies cancéreuses ne peut être recueillie par les organismes assureurs dans ce cadre.

Sur la base des propositions établies et rendues publiques par l’institut mentionné à l’article L. 1415-2, la liste des pathologies et les délais mentionnés au premier alinéa du présent article sont fixés conformément à une grille de référence, définie par ladite convention, permettant de fixer, pour chacune des pathologies, les délais au-delà desquels aucune majoration de tarifs ou d’exclusion de garantie ne sera appliquée ou aucune information médicale ne sera recueillie pour les pathologies concernées. Cette grille de référence est rendue publique.

Dans tous les cas, le délai au-delà duquel aucune information médicale relative aux pathologies cancéreuses ne peut être recueillie par les organismes assureurs ne peut excéder dix ans après la date de fin du protocole thérapeutique ou, pour les pathologies cancéreuses survenues avant l’âge de dix-huit ans, cinq ans à compter de la fin du protocole thérapeutique. Ces modalités et ces délais sont mis à jour régulièrement en fonction des progrès thérapeutiques et des données de la science.

La convention prévoit l’extension des dispositifs prévus aux deux premiers alinéas aux pathologies autres que cancéreuses, notamment les pathologies chroniques, dès lors que les progrès thérapeutiques et les données de la science attestent de la capacité des traitements concernés à circonscrire significativement et durablement leurs effets.

Article L. 1141-6. – Les personnes atteintes ou ayant été atteintes d’une pathologie pour laquelle l’existence d’un risque aggravé de santé a été établi ne peuvent se voir appliquer conjointement une majoration de tarifs et une exclusion de garantie au titre de cette même pathologie pour leurs contrats d’assurance ayant pour objet de garantir le remboursement d’un crédit relevant de la convention nationale mentionnée à l’article L. 1141-2.

Prélèvement d’organes post-mortem

Le régime du prélèvement d’organes post-mortem connaît une légère modification pour en faciliter la pratique. Le rôle du registre national automatisé est renforcé, même s’il reste possible d’apporter la preuve contraire par d’autres moyens que la loi ne précise pas. C’est surtout vis-à-vis des proches de la famille que la loi évolue. Auparavant, le médecin devait vérifier auprès des proches l’existence d’un refus de don d’organes éventuellement exprimé de son vivant par le défunt. Une obligation est supprimée par la loi nouvelle, qui n’impose qu’une « information de la famille ». C’est une inflexion notable ne passera pas inaperçue dans la pratique.

Article L. 1232-1. – Le prélèvement d’organes sur une personne dont la mort a été dûment constatée ne peut être effectué qu’à des fins thérapeutiques ou scientifiques.

Le médecin informe les proches du défunt, préalablement au prélèvement envisagé, de sa nature et de sa finalité, conformément aux bonnes pratiques arrêtées par le ministre chargé de la santé sur proposition de l’Agence de la biomédecine.

Ce prélèvement peut être pratiqué sur une personne majeure dès lors qu’elle n’a pas fait connaître, de son vivant, son refus d’un tel prélèvement, principalement par l’inscription sur un registre national automatisé prévu à cet effet. Ce refus est révocable à tout moment.

L’Agence de la biomédecine est avisée, préalablement à sa réalisation, de tout prélèvement à fins thérapeutiques ou à fins scientifiques.

Interruption volontaire de grossesse

Le législateur poursuit son œuvre de dramatisation de l’IVG. Avec la loi du 4 août 2014, il avait supprimé la référence à la détresse de la femme. L’étape nouvelle est la suppression du délai de réflexion d’une semaine entre la première consultation obligatoire et la confirmation écrite par de la volonté de la femme d’interrompre sa grossesse. Ces dispositions sont modifiées par l’article L. 2212-5 du CSP. Par ailleurs, la loi établit la compétence de la sage-femme pour les interruptions de grossesse par voie médicamenteuse.

Article L. 2212-1. – La femme enceinte qui ne veut pas poursuivre une grossesse peut demander à un médecin ou à une sage-femme l’interruption de sa grossesse. Cette interruption ne peut être pratiquée qu’avant la fin de la douzième semaine de grossesse.

Toute personne a le droit d’être informée sur les méthodes abortives et d’en choisir une librement.

Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables.

Article L. 2212-2. – L’interruption volontaire d’une grossesse ne peut être pratiquée que par un médecin ou, pour les seuls cas où elle est réalisée par voie médicamenteuse, par une sage-femme.

Article L. 2212-3. – Le médecin ou la sage-femme sollicité par une femme en vue de l’interruption de sa grossesse doit, dès la première visite, informer celle-ci des méthodes médicales et chirurgicales d’interruption de grossesse et des risques et des effets secondaires potentiels.

Article L. 2212-5. – Si la femme renouvelle, après les consultations prévues aux articles L. 2212-3 (consultation médicale) et L. 2212-4 (consultation conjugale), sa demande d’interruption de grossesse, le médecin ou la sage-femme doit lui demander une confirmation écrite. Cette confirmation ne peut intervenir qu’après l’expiration d’un délai de deux jours suivant l’entretien prévu à l’article L. 2212-4.

Politique de santé mentale

C’est l’un des aspects les plus positifs de la loi : instaurer un cadre légal pour une politique de santé mentale, faisant le lien entre la ville et l’hôpital.

Article L. 3221-1. – La politique de santé mentale comprend des actions de prévention, de diagnostic, de soins, de réadaptation et de réinsertion sociale. Elle est mise en œuvre par des acteurs diversifiés intervenant dans ces domaines, notamment les établissements de santé autorisés en psychiatrie, des médecins libéraux, des psychologues et l’ensemble des acteurs de la prévention, du logement, de l’hébergement et de l’insertion.

Article L. 3221-2. – I. - Un projet territorial de santé mentale, dont l’objet est l’amélioration continue de l’accès des personnes concernées à des parcours de santé et de vie de qualité, sécurisés et sans rupture, est élaboré et mis en œuvre à l’initiative des professionnels et établissements travaillant dans le champ de la santé mentale à un niveau territorial suffisant pour permettre l’association de l’ensemble des acteurs mentionnés à l’article L. 3221-1 et l’accès à des modalités et techniques de prise en charge diversifiées.

Il tient compte des caractéristiques socio-démographiques de la population, des caractéristiques géographiques des territoires et de l’offre de soins et de services contribuant à la réponse aux besoins des personnes souffrant de troubles psychiques.

En l’absence d’initiative des professionnels, le directeur général de l’agence régionale de santé prend les dispositions nécessaires pour que l’ensemble du territoire de la région bénéficie d’un projet territorial de santé mentale.

II. - Le projet territorial est défini sur la base d’un diagnostic territorial partagé en santé mentale établi par les acteurs de santé du territoire. Le projet territorial associe notamment les représentants des usagers, les professionnels et les établissements de santé, les établissements et les services sociaux et médico-sociaux, les organismes locaux d’assurance maladie et les services et les établissements publics de l’État concernés, les collectivités territoriales, ainsi que les conseils locaux de santé, les conseils locaux de santé mentale ou toute autre commission créée par les collectivités territoriales pour traiter des sujets de santé mentale, dès lors qu’ils comprennent en leur sein les représentants des usagers et les professionnels de santé, sociaux et médico-sociaux.

III. - Le projet territorial de santé mentale organise la coordination territoriale de second niveau. Il définit les actions à entreprendre afin de répondre aux besoins identifiés par le diagnostic territorial partagé.

Il organise les conditions d’accès de la population :

à la prévention et en particulier au repérage, au diagnostic et à l’intervention précoce sur les troubles ;

à l’ensemble des modalités et techniques de soins et de prises en charge spécifiques ;

aux modalités d’accompagnement et d’insertion sociale.

À cet effet, il organise l’accès de la population à un ensemble de dispositifs et de services répondant à des priorités définies par voie réglementaire.

Il précise les objectifs poursuivis, les évolutions de l’offre de soins et de services et des organisations nécessaires ainsi que les indicateurs de suivi du projet. Il s’appuie sur la transmission et le partage des savoirs acquis et des bonnes pratiques professionnelles, sur le développement professionnel continu et sur le développement de la recherche clinique.

Un programme relatif au maintien dans le logement et d’accès au logement et à l’hébergement accompagné est développé pour les personnes en souffrance psychique qui en ont besoin.

La coordination territoriale de second niveau est déclinée dans l’organisation des parcours de proximité pour assurer à chaque patient, notamment aux patients pris en charge dans le cadre de la mission de psychiatrie de secteur, l’accès à cet ensemble de dispositifs et de services.