Développer une compétence interculturelle - Objectif Soins & Management n° 244 du 01/03/2016 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 244 du 01/03/2016

 

Ressources humaines

Laurent Soyer  

L’interculturalité est devenue une composante essentielle de l’activité soignante. Ceci pour deux raisons : la première concerne le contexte sociétal où la mondialisation des échanges a confirmé et amplifié, notamment en France, les phénomènes d’échanges entre cultures de pays différents ; la seconde est intiment liée à la diversification des professions de santé coopérant ou collaborant au sein d’équipes pluridisciplinaires.

L’interculturalité touche aussi bien les interactions culturelles entre professionnels de santé, que celles entre soignants et demandeurs de soins ou santé. Développer une compétence interculturelle dans les pratiques infirmières est devenue une exigence accrue. Soignants et soignés sont donc le plus souvent un reflet d’une mosaïque culturelle. « Dans la société multiculturelle d’aujourd’hui, la compétence interculturelle est devenue un composant critique du portefeuille de compétences d’éducateur de santé. Cette compétence est exigée pour comprendre notre culture et des cultures différentes […] pour développer et mettre en œuvre les programmes qui correspondent aux besoins de publics(1) ».

DIMENSION INTERCULTURELLE ET PRATIQUE SOIGNANTE

Près d’un million de personnes en France ont une profession paramédicale, et le secteur regroupe une quinzaine de métiers phares. Le milieu sanitaire constitue donc un melting pot de cultures professionnelles. Le terme même de “soin” est porteur d’une connotation interculturelle. Nadot en 1990(2) en recensait 45 qualificatifs !

Chaque professionnel de santé est porteur d’une culture polymorphe (cf. figure p.29). Cette culture est issue de sa propre construction identitaire, développée à partir des valeurs de son groupe social (parents, familles, proches…), puis influencée par son environnement (médias, voyages…), et modifiée par la construction identitaire professionnelle en lien avec le milieu de formation et celui du travail. L’hôpital constitue un « huis clos structuré autour de la logique médicale »(3). Néanmoins, l’approche interculturelle des soins s’inscrit davantage dans un modèle holistique des soins. L’interculturalité constitue en fait la dimension environnementale actuelle des soins liée en partie à la dynamique transversale de décloisonnement et de brassage professionnel opérée par la mise en œuvre des pôles d’activité hospitaliers. Considérant que la culture se réfère à « l’ensemble des significations et des représentations qu’un groupe d’individus élabore, conserve et s’efforce de transmettre »(4), les situations de travail et donc de soins peuvent être appréhendées comme un lieu privilégié de représentations identitaires culturelles, c’est-à-dire de rencontres entre différents acteurs.

L’image de la fonction

La fonction de représentation consiste à jouer un certain rôle, attendu socialement, devant le ou les autres. En s’affichant extérieurement comme cadre de santé ou infirmier (ère) face à un patient, ou un membre de l’équipe soignante, “l’acteur” ne répond pas seulement à une fonction mais adhère à un rôle, une “face”(5). Dans l’interaction entre acteurs et plus encore lorsque les cultures diffèrent, il est question de revendiquer son propre territoire culturel et de valoriser son image (sous-entendue professionnelle), bref, de ne pas “perdre la face” !

Des zones sensibles

Toutes ces situations où les différences de classes sociales professionnelles ou ethnoculturelles sont marquées, constituent des zones sensibles de confrontation interculturelles(6). C’est le cas lorsqu’une personne hospitalisée se trouve placée en situation de “patient objet”, tributaire de l’organisation des soins et destituée de ses propres vêtements au profit d’une casaque anonyme. Il est alors question d’une forme de dépossession identitaire, condition potentielle d’une confrontation interculturelle. « Cette dépossession est d’autant plus difficile à vivre que la distance sociale et culturelle est grande entre le malade et les soignants qui l’entourent. »(7). Heureusement, les équipes soignantes étant, comme nous l’avons souligné, enrichies de soignants d’origines culturelles variées, cette plus-value permet de disposer de personnes ressources maîtrisant par exemple une langue étrangère et réalisant ainsi une médiation établissant un lien interculturel. Toute culture comporte une double visée et une dynamique récursive, la culture s’autoproduisant dans la confrontation interculturelle : « Une fonction ontologique qui permet à l’être humain de se signifier à lui-même et aux autres, et une fonction instrumentale qui facilite l’adaptation aux environnements nouveaux en produisant des comportements, des attitudes, c’est-à-dire de la culture. »(8)

DE LA COMPÉTENCE INTERCULTURELLE

En regard de la diversification des points de vue et des identités culturels, que ce soit face aux patients ou aux différentes corporations soignantes en présence, il semble légitime de souligner l’intérêt de prendre en considération la reconnaissance et le développement d’une compétence interculturelle.

Une définition

Flye Sainte-Marie(9) énonce que la compétence interculturelle s’adosse à une « capacité qui permet à la fois de savoir analyser et comprendre les situations de contact entre personnes et entre groupes porteurs de cultures différentes, et de savoir gérer ces situations »(10). Analyse et compréhension sont des termes que l’on retrouve dans la démarche clinique infirmière(11), notamment en ce qui concerne le raisonnement clinique et la réflexion critique.

Compétence interculturelle et rôle infirmier

La compétence interculturelle est donc intimement liée au rôle propre infirmier, car c’est bien l’analyse qui confère à la situation de soins un caractère interculturel(12). Cette compétence ne peut donc être réduite à une vision biomédicale des soins, mais se comprend dans une pensée infirmière située dans le “prendre soin”(13 ; 14). Le concept de prendre soin s’oppose à la notion de “prendre en charge” où le terme “charge” renvoie sémantiquement à “ce qui pèse”. Le prendre soin est conceptualisé comme une attention à la personne, comme une interaction soigné-soignant intersubjective et donc nécessairement interculturelle.

Nature de la compétence interculturelle

Flye Sainte-Marie définit la nature de la compétence interculturelle à partir de deux grandes dimensions : les compétences sociales et relationnelles de base et les capacités cognitives (cf. figure p.30).

Compétences sociales et relationnelles de base

Pour la première dimension, l’auteure parle d’un « comportement social équilibré » qui implique une capacité à entrer en relation et à alimenter cette relation, une faculté à saisir la pensée de l’autre et partager ses émotions (empathie), une capacité à interagir avec l’autre (coopération) et enfin une capacité d’influence sur l’autre sans contrainte (assertivité). Cette dernière caractéristique n’est pas sans rappeler la dimension éthique liée à la notion de consentement éclairé institué par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

Capacités cognitives

La seconde grande dimension de la compétence interculturelle, c’est-à-dire les capacités cognitives, fait écho à une faculté de raisonnement mental dans l’optique d’orienter l’action, dimension qui rappelle le jugement clinique infirmier. Parmi ces capacités cognitives se retrouvent la capacité d’analyse, de mise en relation des faits, de mobilité mentale (variété des stratégies et solutions déployées, transformations, mise en jeu des représentations, passage d’un fonctionnement mental à un autre), de comparaison, de décentration et de relativisation.

LE DÉVELOPPEMENT PERSONNEL DE COMPÉTENCES

Tout humain est porteur d’une identité culturelle construite socialement. En fait, la compétence interculturelle s’initie dès la petite enfance et se poursuit tout au long de la vie par l’éducation que chacun reçoit. « L’éducation est par excellence un moyen de transmission des valeurs culturelles nationales et universelles et doit permettre d’assimiler les connaissances scientifiques et techniques sans porter atteinte aux capacités et aux valeurs des peuples. »(15) Cette éducation ne dépend pas uniquement de la cellule familiale mais comprend l’ensemble des interactions produites par l’immersion sociétale (scolaire, associative…). Ce processus de construction se fonde sur la rencontre avec l’autre, celui qui nous ressemble et qui nous conforte dans notre culture, mais aussi avec l’étranger, “celui qui nous paraît étrange”, qui interroge notre culture, la met en question, voire la remet en question. Cette dynamique correspond à un ancrage dans la théorie d’apprentissage socioconstructiviste(16) et fort logiquement dans le développement des compétences professionnelles(17). Au niveau professionnel, l’apprentissage de l’interculturalité n’est donc pas inscrit dans une initiation, mais plutôt dans une continuité de développement de compétences. Des recherches ont bien montré la plus-value engendrée par le développement professionnel de la compétence interculturelle(18).

L’exemple du Canada

Au Canada, un programme de formation initiale infirmière à l’interculturalité (Social Cultural Competency for Success SCCS, program) a fait l’objet d’une étude de type expérimental. Les résultats ont souligné que les étudiants en soins infirmiers ayant bénéficié du programme (groupe expérimental) géraient sans difficulté et avec efficience les interactions verbales interculturelles. A contrario, les étudiants en soins infirmiers n’ayant pas participé au programme (groupe témoin) montraient une tendance à adopter des stratégies d’évitement face à des situations interculturelles.

L’exemple de la Suède

Une autre recherche de type qualitatif a été menée en Suède auprès d’infirmières chargées d’actions de promotion de la santé envers un public d’immigrants. La conclusion de cette étude met en exergue la nécessité que les infirmières développent plus avant des compétences en communication interculturelle et préconise que « ces compétences devraient donc être incluses dans la formation des infirmières ».(19)

Et en France ?

Il serait donc légitime de trouver en France une formation à la compétence interculturelle au niveau de la formation professionnelle tout au long de la vie (FPTLV) et depuis l’avènement de la loi HPST du 21 juillet 2009, dans le cadre du programme de Développement professionnel continu (DPC). Le DPC constitue une obligation commune pour les professionnels de santé, et surtout une opportunité de mener de front une activité professionnelle et des sessions de formations courtes centrées sur l’analyse des pratiques professionnelles. Car, comme l’a bien montré le programme de recherche européen Intercultural education of nurses and health professionals in Europe(20), c’est bien aussi l’expérience de la pratique soignante quotidienne, clinique, dans un environnement multiculturel, qui contribue au développement d’une compétence interculturelle.

L’analyse des pratiques professionnelles est un moyen de formation et de professionnalisation reposant sur les savoirs expérientiels. Elle est adaptée aux professions où l’inventivité et l’aspect relationnel est prégnant. « L’analyse des pratiques est présentée comme une modalité de formation particulièrement intéressante quand une partie importante du travail ne peut être prescrite, quand le praticien est dans l’obligation de construire en permanence des réponses adaptées à des situations toujours singulières. »(21) Dans le cas d’un DPC axé sur l’interculturalité dans les pratiques soignantes, le prérequis est que les participants puissent témoigner d’un exercice professionnel auprès de patients issus de cultures variées ou spécifiques.

LE RÔLE DU CADRE DE SANTÉ

Le cadre de santé, membre à part entière de l’équipe soignante et interface de la pluridisciplinarité convoquée dans les soins, est de fait interpellé par cet environnement interculturel.

L’exemple de l’auteur

Par exemple, dans sa fonction de cadre de proximité, l’auteur a eu l’occasion de recevoir une famille d’origine espagnole afin de les accompagner dans leur prise de décision concernant le placement institutionnel ou le retour à domicile de leur père. Sa posture s’est située dans l’accueil de cette culture hispanique (empathie) où il est inconcevable de ne pas garder ses aïeux au domicile jusqu’à la fin de vie. Ses interlocuteurs, d’abord fermés, se sont peu à peu sentis reconnus et en confiance. De là, il a été possible d’échanger sur les aspects pathologiques, ergothérapeutiques, psychologiques et sociaux à prendre en compte (coopération) pour que le retour à domicile soit une réussite et pas une contrainte (assertivité). Cette entrevue s’est prolongée par une seconde rencontre élargie à l’ensemble des corporations interagissant avec le patient.

L’ingéniosité des cadres

Le cadre de santé n’est humblement que l’un des maillons d’un travail d’équipe. Mais le rôle du cadre de santé ne se borne pas seulement à accroître sa compétence interculturelle. Il a aussi un rôle fondamental à jouer pour organiser les conditions nécessaires afin que les personnels développent cette compétence interculturelle.

Être présent et à l’écoute

Pour ce faire, le cadre de santé ne doit pas seulement être un manager au sens où le management a une emprise sur la fonction pédagogique et clinique du cadre(22). Il doit d’abord être présent dans son unité de soins, présent et à l’écoute !

Cette dynamique le contraint souvent à opérer des choix entre le temps procédural que lui impose l’institution et le temps de proximité à son équipe que lui rappelle son éthique professionnel. C’est là, dans l’art de se ménager des marges de manœuvre ou de prendre le risque de jouer la carte de la créativité de ses collaborateurs, que le cadre de santé va déployer son ingéniosité.

Relever les défis

C’est aujourd’hui un défi de prôner le développement professionnel des compétences dans un environnement où la pression de la rationalisation des coûts pousse sans cesse à fonctionner à iso-moyens ! Quid des congés formations dans un contexte d’absentéisme chronique comme c’est le cas dans certains établissements ?

La vision stratégique et panoramique du cadre

Pour le cadre de santé, il faut donc une vision stratégique en tablant à la fois sur les perspectives de formation continue et en saisissant toutes les opportunités de formation in vivo, c’est-à-dire en exploitant les expériences de soins interculturelles lors des transmissions inter-équipes, lors des “staffs” ou dans les moments informels comme les pauses ou temps de repas…

CONCLUSION

Nous aurons tenté d’exposer que la culture ne s’impose pas mais se construit dans l’interaction sociale. Ainsi, notamment dans le cadre de l’activité professionnelle, la culture ne correspond pas à des modèles comportementaux attendus, mais davantage à une co-construction entre professionnels de soins ou/et entre professionnels de soins et demandeurs de soins ou de santé. Il est fort signifiant de terminer nos propos en rappelant l’étymologie du mot “culture”. Celui-ci vient du latin colo, colere, qui signifie “cultiver”, “soigner” la terre(23).

Culture et soin sont donc des termes indissociables, voire consubstantiels, car porteurs d’une même identité !

Avec l’avènement d’une société de plus en plus cosmopolite et d’un rôle infirmier qui se trouve de plus en plus élargi – par exemple dans le secteur extrahospitalier de la santé communautaire – la compétence interculturelle apparaît comme une réponse adaptée pour contribuer à optimiser la communication entre les membres des équipes soignantes et les personnes, familles, groupes ou communautés en demande de santé dans un paysage sanitaire de diversité culturelle.

Une compétence interculturelle dont le cadre de santé peut devenir un médiateur et un catalyseur de développement auprès des équipes soignantes.

NOTES

(1) Stoy, D. (2000). Developing intercultural competence: an action plan for health educators. Journal Of Health Education [serial on the Internet], 31(1). Available from: CINAHL Plus with Full Text.

(2) Nadot, M. (1990). “En quoi les soins infirmiers sont-ils infirmiers ?” Soins infirmiers, (10), 15-19.

(3) Le Breton D. (2002). “Hôpital et communication”. Soins, (670), 26-29.

(4) Tison, B & Hervé-Désirate, E. (2007). Soins et cultures formation des soignants à l’approche interculturelle. Paris : Masson.

(5) Goffman, E. (1973). La mise en scène de la vie quotidienne. Les relations en public. Tome 2. Paris : Minuit.

(6) Cohen-Emerique, M. (1984). “Choc culturel et relations interculturelles dans la pratique des travailleurs sociaux”. Cahiers de sociologie économique et culturelle, (2), 183-218.

(7) Le Breton, D. (1989). “Soins à l’hôpital et différences culturelles”, in : Cohen-Emerique M, Camilleri C. Choc de Cultures : concepts et enjeux pratiques de l’interculturel (165-191). Paris : L’Harmattan.

(8) Abdallah-Pretceille, M. (1999). L’éducation interculturelle. Paris : PUF.

(9) Flye Sainte-Marie, A. (1997). “La compétence interculturelle dans le domaine de l’intervention éducative et sociale”. Les cahiers de l’Actif, (250/251), 53-63.

(10) Clanet, C. (1990). L’interculturel. Introduction aux approches interculturelles en Education et en Sciences Humaines. Toulouse : Presses universitaires du Mirail.

(11) Psiuk, T. (2010). “Le concept de raisonnement clinique”. Soins, (742), 1-2.

(12) Muller, B.K. (1999). Interkulturelles Lernen und Multikulturalität. Hildesheim : Institut für Sozialpädagogik der Universität Hildesheim.

(13) Collière, M. F. (1982). Promouvoir la vie. Paris?: Inter-éditions.

(14) Hesbeen W. (1997). Prendre soin à l’hôpital, inscrire le soin infirmier dans une perspective soignante. Paris : Masson.

(15) Unesco. (1982). Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles. Conférence mondiale sur les politiques culturelles. Mexico City : Unesco.

(16) Vygotski, L. (1998). Langage et pensée. 1934. Trad. Paris : La Dispute.

(17) Jonnaert, P. (2006). Compétences et socioconstructivisme. Bruxelles : De Boeck Université.

(18) Shergill, AS. (1997). Doctoral dissertation research. Ph. D. University of British Columbia (Canada). ISBN : 978-0-612-25158-8.

(19) Samarasinghe, K., Fridlund, B., & Arvidsson, B. (2010). Primary health care nurses’ promotion f involuntary migrant families’ health. International Nursing Review [serial on the Internet], 57(2): 224-231. Available from: CINAHL Plus with Full Text.

(20) Taylor, G., Papadopoulos, I., Dudau, V., Maerten, M., Peltegova, A., & Ziegler, M. (2011). Intercultural education of nurses and health professionals in Europe (IENE). International Nursing Review [serial on the Internet]. 58(2): 188-195. Available from: CINAHL Plus with Full Text.

(21) Lagadec, A.M. (2009). “L’analyse des pratiques professionnelles comme moyen de développement des compétences : ancrage théorique, processus à l’œuvre et limites de ces dispositifs”. Recherche en soins infirmiers, (97), 4-22.

(22) Coudray, M.A. (2004). Le cadre soignant en éveil : la fonction d’encadrement au défi de la quête de sens. Paris : Séli Arslan.

(23) Gaffiot, F. (1934). Dictionnaire latin-français. Paris : Hachette.

La France au confluent des flux migratoires

La situation française est assez singulière en Europe puisque l’Hexagone est le seul pays de l’Union européenne où les descendants d’immigrés sont plus nombreux que les immigrés. En effet, selon les statistiques de l’Insee, « en 2008, 3,7 millions d’étrangers et 5,3 millions d’immigrés ont été recensés en France […]. Au total, on peut donc estimer à environ 6,7 millions de personnes le nombre de descendants directs d’immigrés nés en France »(1). La configuration topographique de la France est donc propice à l’immigration. La France est également historiquement un état colonisateur tout autant qu’une terre d’accueil, ce qui a joué et continue de jouer sur les flux migratoires. La Révolution française a instauré des valeurs citoyennes et une laïcisation de la société. Au niveau des établissements de soins se retrouvent d’ailleurs certains stéréotypes pointés lors de recherches(2) et liés principalement aux codes de politesse, aux notions d’hygiène, à l’expression de la douleur, aux habitudes alimentaires, aux croyances et aux pratiques religieuses. Un certain militantisme républicain laïc, porté par la bourgeoisie, a contribué jusqu’à la Première Guerre mondiale à une déchristianisation de la société française, ainsi qu’à une marginalisation du judaïsme. Durant les deux conflits mondiaux, l’incorporation dans les troupes françaises d’immigrés a permis d’engendrer un « compromis républicain »(3). Après 1945 et durant les Trente Glorieuses, la reconstruction de la France a motivé une affluence accrue d’une main d’œuvre issue de l’immigration. Aujourd’hui, l’Islam constitue la seconde religion de France après la religion catholique. Parallèlement, de nouveaux courants spirituels prennent un essor significatif, comme le bouddhisme ou les églises évangélistes. Aujourd’hui, la France est donc bien un foyer de diversité culturelle. Cette diversité se retrouve dans les services de soins. « Côtoyant au quotidien la maladie, la souffrance et l’appréhension de l’au-delà, les soignants sont les témoins diligents de la quête spirituelle des patients et de leurs familles, chacun s’enrichissant mutuellement par son histoire sociale, culturelle et religieuse. »(4)

(1) Insee. (2012). Fiches techniques. Population immigrée. Immigrés et descendants d’immigrés en France, édition 2012. Via le lien raccourci bit.ly/1omjPPd

(2) Vega, A. (2001). Une ethnologue à l’hôpital. L’ambiguïté du quotidien infirmier. Bruxelles : De Boeck Université.

(3) Via le lien raccourci bit.ly/1TDrzxb

(4) Lévy I. (2001). Soins & croyances. Paris : Estem.

Le concept d’interculturalité

Le concept d’interculturalité se définit comme un processus de rencontre entre cultures. Le préfixe “inter” signifie une réciprocité. Il renforce la notion de rencontre avec celle d’interaction. Le Conseil de l’Europe énonce que l’interculturalité « se caractérise par des relations réciproques et la capacité des entités à bâtir des projets communs, assumer des responsabilités partagées et forger des identités communes »(1). La rencontre entre cultures ne va pas de soi. Elle implique un vécu intersubjectif de l’étrange (l’étranger étant celui différent de notre culture) et par conséquent une modification des représentations des protagonistes pour changer leur vision du monde(2). Déjà en 1990, Clanet étendait le concept d’interculturalité, en plus des groupes sociaux, aux interactions institutionnelles, en précisant que cette relation se situe « dans une perspective de sauvegarde d’une relative identité culturelle des partenaires en relation »(3).

(1) Birzea, C. (2003). Learning Democracy. Education Policies within the Council of Europe. Session of the Standing Conference of European Ministers of Education on Intercultural education : managing diversity, strengthening democracy. Athènes : Council of Europe.

(2) Muller, B.K. (1999). Interkulturelles Lernen und Multikulturalität. Hildesheim : Institut für Sozialpädagogik der Universität Hildesheim.

(3) Clanet, C. (1990). L’interculturel. Introduction aux approches interculturelles en éducation et en sciences humaines. Toulouse : Presses universitaires du Mirail.