Le Crex, ciment de la sécurité des soins - Objectif Soins & Management n° 240 du 01/11/2015 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 240 du 01/11/2015

 

Qualité Gestion des risques

Anne-Lise Favier  

Le Crex s’inspire de l’expérience de l’industrie aéronautique pour gérer au mieux les événements indésirables et accroître la sécurité des soins. Focus sur cet outil indispensable du gestionnaire de risques.

QU’EST-CE QU’UN CREX ?

Crex : quatre lettres pour désigner le Comité de retour d’expérience, méthode de gestion de la sécurité des soins. Instance de décision, le Crex met en place, selon une définition qu’en donne la Haute Autorité de santé, « une démarche organisée et systématique de recueil et d’exploitation des signaux que donne le système de santé ». Performances, erreurs évitées, incidents ou accidents, toute expérience, a fortiori mauvaise, apporte un bénéfice pour maîtriser les actions à venir, l’idée étant de « tirer des enseignements des erreurs, inhérentes à toute activité humaine afin d’empêcher qu’elles ne se reproduisent », comme l’explique James Reason, dans une étude de 2013. La démarche inclut aussi l’analyse des signes précurseurs, car tout incident/accident est précédé d’événements annonciateurs, en quelque sorte, de la suite, eux-mêmes placés sous l’influence de facteurs contributifs (environnement, technique, processus organisationnel, facteur humain).

DEPUIS QUAND ?

Si, historiquement, les premières revues de mortalité/morbidité (RMM) du début du XXe siècle sont les prémices du Crex, ce dernier a réellement connu un essor dans le monde de la santé avec l’accident de radiothérapie d’Épinal(1), de mai 2004 à août 2005, qui a incité le domaine de la santé à le mettre en place en routine dans les établissements de santé. Une démarche qui s’inscrivait alors dans l’exigence croissante qu’avaient les établissements de santé à mettre en place une politique de gestion des risques globale.

LE CREX, POUR QUI, POUR QUOI ?

Le Crex s’adresse à l’ensemble des activités de soins, quel que soit le domaine de risque : infections associées aux soins, douleurs, erreurs médicamenteuses, chute, organisation, radiothérapie, son champ d’applications est forcément large dès lors qu’il touche à la sécurité des soins. Il implique en conséquence un grand nombre de personnes et s’inscrit donc dans une démarche collective. Il permet une gestion du risque sur deux volets : a priori, pour anticiper un danger, ou a posteriori, pour éviter qu’une erreur ne se reproduise.

LE CREX, COMMENT ?

Mener un Crex ne se fait pas au hasard et obéit à certaines règles, que rappelle la Haute Autorité de santé : il se déroule idéalement chaque mois et dure a minima une heure trente, en réunissant chacune des fonctions de l’hôpital, médical, non-médical, pharmacie. Au cours d’un Crex, on présente les événements indésirables du mois puis, lors d’un choix collégial (fonction de la criticité), on en retient un sur lequel on va travailler. Un pilote est alors choisi. On présente ensuite l’événement du mois précédent, selon la méthode Orion (lire l’encadré du haut page ci-contre) puis on discute des actions correctrices à mettre en œuvre. Un responsable des actions et des échéances à tenir est désigné et l’on passe au suivi des actions correctives décidées au Crex précédent. Le Crex n’est pas un tribunal et ne sert donc pas à juger, voire sanctionner un coupable d’une erreur. Il vise à avancer pour éviter à l’avenir la reproduction d’erreurs évitables. Pour cela, la communication sur ce retour d’expérience est primordiale : compte rendu de réunion et rapport par le pilote, suivi de mise en œuvre, diffusion de manière la plus formelle possible mais surtout au plus grand nombre. C’est du partage que l’expérience grandit.

UN EXEMPLE DE CREX EN RADIOTHÉRAPIE

La radiothérapie a été l’un des premiers secteurs sanitaires à expérimenter le retour d’expérience. Avec l’accident d’irradiation d’Épinal, les autorités sanitaires – et notamment l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) – ont cherché à transposer au domaine de la santé un système qui fonctionne dans certaines industries à risque (nucléaire, aviation) combinant culture de sécurité et retour d’expérience.

Une étude(2) menée au Centre de lutte contre le cancer Oscar-Lambret à Lille (Nord) montre que l’outil qu’est le Crex est devenu indispensable au mangement de la sécurité. Dans celle-ci, l’enregistrement de 403 événements précurseurs a permis de retrouver une prépondérance d’événements liés à la prescription médicamenteuse, à la présence médicale ou à la validation de la dosimétrie. Ces derniers ont donc été analysés et ont conduit à faire l’objet de Crex spécifiques. Avec un apport indéniable au centre : dégager des actions correctives telles que la réalisation d’imagerie de contrôle. Pour améliorer la qualité des soins dispensés aux patients.

LE CREX ET LA GESTION DU RISQUE

Le retour d’expériences est un mode de gestion du risque a posteriori. Il ne se soustrait pas à d’autres systèmes de gestion du risque, il en fait partie intégrante et interagit avec les autres dispositifs de signalement que sont par exemple les vigilances. Donnée importante, il repose sur une éthique spécifique, fondée sur la confidentialité, à la fois des patients concernés et des professionnels de santé, ne se substituant jamais à une procédure disciplinaire.

Désormais, les Crex se sont étendus aux différents services tels que ceux afférant à la sécurité du médicament, à la cancérologie ou aux urgences. Cette extension montre l’intérêt que les professionnels de santé portent à l’outil et sa faisabilité à tous les domaines d’activités de l’hôpital. Reste que, pour le moment, les résultats concernant les événements indésirables graves demeurent stables (Enquêtes nationales sur les événements indésirables liés aux soins de 2004 et 2009)(3).

Mais une chose est sûre : la culture sécurité est en marche !

La méthode Orion

Recommandée par la Haute Autorité de santé pour mettre en œuvre des revues de morbidité mortalité (RMM) et des Crex efficaces, la méthode Orion vient de l’aéronautique. Elle s’appuie sur six étapes d’analyse confiées à un pilote qui interroge les différentes catégories du personnel hospitalier concerné :

• il collecte les données ;

• il reconstitue la chronologie de l’événement ;

• il identifie les écarts ;

• il identifie les facteurs contributifs et les facteurs influents que sont le domaine technique, l’environnement de travail, l’organisation et les procédures ainsi que les facteurs humains ;

• il propose des actions à mettre en œuvre ;

• il rédige un rapport d’analyse. Intuitive et simple, cette méthode est en application dans de nombreux centres hospitaliers, et notamment dans les services des radiothérapies.

Pour aller plus loin

→ Regards croisés autour du Crex entre aviation et nucléaire Via le lien raccourci tinyurl.com/namahpe

→ Méthodologie de retour d’expérience (Direction générale de la santé, 2007) www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/retour_experience.pdf

→ Améliorer la sécurité des organisations de soins – exploiter les retours d’expérience, guide MEAH Via le lien raccourci tinyurl.com/oltdzd3

→ Instruction DGOS/PF2/2012/352 du 28 septembre 2012 circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2012/10/cir_35887.pdf