Le Concept Room pour un séjour high-tech - Objectif Soins & Management n° 235 du 01/04/2015 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 235 du 01/04/2015

 

Qualité Gestion des risques

Anne-Lise Favier  

Imaginez une chambre d’hôpital épurée, favorisant le confort des patients et facilitant le travail des soignants : cette chambre existe et a été imaginée à Lille, dans le Nord. Visite guidée et points forts.

Si la qualité des soins est primordiale à l’hôpital, la prise en charge du patient (et ce qui l’entoure) participe également à la qualité globale du séjour à l’hôpital. « Depuis 2011, le CHRU de Lille et le Clubster santé (cf. encadré page suivante) ont réfléchi ensemble à une solution hôtelière qui permet d’améliorer la satisfaction du patient », explique Philippe Mayjonade, coordinateur général des pôles hôteliers au CHRU de Lille. De là, l’équipe en charge du projet s’est mise à imaginer une chambre d’hôpital idéale permettant de donner une meilleure perception de l’espace à ceux qui l’occupent, patients, soignants mais aussi accompagnants.

Basé sur le bien-être du patient, le développement durable et une maîtrise des coûts, ce Concept Room est d’abord resté à l’état de projet sur le papier, pour peu à peu s’installer, en partie d’abord, au CHRU lillois avant d’être exporté à Charleroi, en Belgique. Il s’est depuis décliné en divers projets, notamment autour de l’ambulatoire et des Ehpad.

ESPACE, CONFORT ET MODULARITÉ

« Ce concept room repose sur quatre innovations majeures : un espace salle de bains, des interfaces de communications, un espace accompagnant et un espace patient », décrit Philippe Mayjonade. Mais, sur certains points, passer du concept à la standardisation a été plus compliqué qu’il n’y paraît.

Salle de bain

Par exemple, pour la mise en place de la salle de bain telle qu’elle était imaginée par les équipes de conception, des questions d’hygiène et de nettoyage se sont vite posées, interdisant le déploiement du projet sous la forme initialement prévue.

Les sanitaires rabattables avec désinfection automatique et la cloison mobile prévue n’étaient pas la panacée en matière de maîtrise du risque nosocomial.

Espace patient et espace accompagnant

Du côté de l’espace, un gros travail a été fait pour maximiser l’impression de place dans la chambre : « L’idée a été de cacher un maximum d’éléments habituellement visibles et de limiter le nombre d’équipements présents en mutualisant les fonctions », résume Philippe Mayjonade. Pari réussi puisque cette chambre nouvelle génération dispose d’un lit accompagnant double fonction, version fauteuil pour le visiteur de passage ou version lit pour le couchage de l’accompagnant ; un gain de place appréciable, déployé pour le moment dans certaines chambres de la maternité Jeanne de Flandre du CHRU lillois. Côté patient, une tête de lit multifonction facilite, pour le soignant, la pratique des soins avec un éclairage intégré, des fluides médicaux à disposition et une barrière malade. Le lit peut aisément passer de la position fauteuil à une position allongée : c’est un fauteuil-lit revalidant qui participe aussi bien au repos du patient qu’à son rétablissement puisqu’il favorise l’autonomie.

HYPER-CONNECTIVITÉ AU LIT DU PATIENT

Au lit du patient, un bond dans le futur : des commandes pour gérer l’équipement domotique de la chambre, avec le système Kinect qui reconnaît la voix ainsi que les mouvements du corps et une vaste interface de communication pour apporter un maximum d’informations au lit du patient.

Patients et soignants sont gagnants, l’un au niveau du confort et de l’autonomie, l’autre pour la facilité de travail. Une deuxième phase, à vocation professionnelle, est en cours de déploiement pour permettre à l’imagerie, la biologie et tout le reste du dossier patient d’être directement accessibles d’un seul geste de la main à l’aide de bornes tactiles. Un développement futuriste très vite appréhendé par les patients qui apprécient ce bond en avant et validé par les soignants qui perdent moins de temps : « Là où nous avions prévu de passer au minimum une demi-journée pour expliquer à certains patients âgés le fonctionnement du système, nous nous sommes faits mettre dehors au bout de cinq minutes », s’amuse Philippe Mayjonade pour expliquer à quel point le système multimédia est intuitif. Ce module de communication multimédia a été déployé à l’ensemble du CHRU au moment où le vieux système hôtelier – TV, téléphonie, radio, messagerie – devait être changé, en s’adaptant aux besoins actuels : la télé ne règne plus en seul maître dans les chambres puisque l’Internet et les réseaux sociaux font désormais leur entrée au lit des patients. Une véritable révolution qui répond en outre à des contraintes de développement durable, d’économie d’énergie et rationalise les matériaux utilisés, soit par l’emploi de matériaux recyclés, soit par la politique d’achat. Une démarche réfléchie depuis la conception jusqu’à la mise en place. Dans sa version complète, le Concept Room version initiale a été installé à l’hôpital de Charleroi et déployé pour partie au CHRU de Lille. Il a depuis fait des petits, avec deux versions complémentaires pour la prise en charge des patients à l’hôpital.

UN AMBULATOIRE QUI VISE UNE AUTONOMIE RAPIDE DU PATIENT

Ainsi, la seconde version du Concept Room part du postulat que la chirurgie tend de plus en plus vers l’ambulatoire* : de ce fait, le Concept Room version 2 se base sur une organisation spécifique pour faciliter cette évolution, à savoir marche en avant et autonomie du patient.

Patient autonome

Marche en avant avec un fauteuil-lit trois-en-un qui passe de fauteuil à brancard et de brancard à table d’opération, le tout pour justement faciliter l’autonomie et la sortie du patient en toute sécurité.

Soignants connectés

Et, ajoutée à cela, une connexion qui permet le recueil de données sur le patient, sans fil, à distance et avec une traçabilité accrue : puces RFID (Radio Frequency Identification), retranscription en temps réel via écrans et SMS, bracelet connecté, accoudoir doté de joysticks, caméra infrarouge, tout a été pensé et réfléchi pour aller plus vite, sans sacrifier le confort du patient, sa sécurité et en prenant en compte le travail des soignants.

L’ambulatoire de demain

Et même si, pour le moment, ce Concept Room opus 2 n’augure que sur le papier le service ambulatoire de demain, il y a fort à parier que la marche en avant et l’ultra-connectivité sera la clé de l’évolution du secteur : rappelons que la prise en charge en ambulatoire doit atteindre les 50 % d’ici l’an prochain.

Un pari sur l’avenir pour le Clubster santé qui avoue ne pas vouloir en rester là avec ses projets : preuve en est avec le dernier projet en date, le Silver Concept (lire l’encadré ci-dessous) et de possibles déclinaisons autour de l’hospitalisation à domicile.

* En France, moins de 40 % de la chirurgie est réalisée en ambulatoire, tandis que les chiffrent atteignent 79 % en Grande-Bretagne et même 83 % aux États-Unis.

le Clubster santé à la clé du projet

Le Clubster santé est un réseau d’entreprises de santé du Nord-Pas-de-Calais. Ses quelque 200 membres – des entreprises spécialisées dans le domaine de la santé – mènent une réflexion pour mutualiser leurs forces, innover et vendre ensemble. La rencontre de ces acteurs de l’industrie de la santé et du CHRU de Lille a conduit à la mise en place d’un living lab’ associant ceux qui créent et innovent (l’industrie), ceux qui décident (les acheteurs hospitaliers), ceux qui utilisent (le personnel hospitalier et les patients) pour revenir vers l’industrie qui fabrique et commercialise : dans ce domaine, c’est la société Clinifit qui mène la barque.

Un pas de plus vers l’avenir avec le Silver Concept

Où s’arrêtera la saga des concept rooms ? En fin d’année dernière, le Clubster santé et le CHRU de Lille ont présenté le dernier-né du concept, le Silver concept, dernier volet du concept room hospitalier qui préfigure l’Ehpad de demain. Une innovation en trois points. Tout d’abord avecune chambre évolutive et des équipements spécifiques pour la sécurisation du patient dans son environnement : paroi opacifiante et mobile entre le coin nuit et le coin réception, main courante continue, tapis de sol détecteur de chutes, domotique, éléments techniques présents mais cachés. Ensuite avec un local spécifiquement dédié aux services proposés aux résidents (coiffeur, libraire, fleuriste, etc.), entièrement modulable, adaptable et mobile jusqu’aux patients assignés en chambre. Enfin, avec une salle d’animation conviviale et modulable, qui invite les résidents à se tourner vers l’extérieur et à profiter d’espaces interactifs (table tactile, cuisine thérapeutique, frigo intelligent, espace de télémédecine, etc.).