Du pacte territoire-santé au plan Ondam - Objectif Soins & Management n° 235 du 01/04/2015 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 235 du 01/04/2015

 

Économie de la santé

Didier Jaffre  

Lancé en décembre 2012 par la ministre de la Santé pour lutter contre les déserts de santé, le pacte territoire-santé entre dans sa troisième année de déploiement par les agences régionales et les professionnels de santé, avec la mise en œuvre concertée sur le terrain des douze engagements, en lien étroit avec les collectivités territoriales.

Parmi les mesures qui visent à rendre attractif les territoires pour les professionnels de santé et stopper ainsi leur hémorragie, au-delà des clivages entre exercice salarié et exercice libéral, est enfin réapparu un outil “innovant” qui avait été peut-être oublié depuis la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) de juillet 2009 : le centre hospitalier local. La loi HPST avait supprimé la notion d’hôpital local en faisant de ces établissements des centres hospitaliers comme les autres. C’était enfin les reconnaître comme tels, et non plus comme de simples établissements pour personnes âgées. Mais, dès lors, ils ont été un peu oubliés.

La tarification à l’activité pour leurs services de médecine a heureusement été abandonnée pour un système de financement mixte, garantissant un minimum de ressources pour couvrir les coûts fixes. Qui n’est pas plus à l’interstice de la médecine libérale et de la médecine hospitalière que le centre hospitalier local ? Un établissement hospitalier qui fonctionne avec des médecins généralistes libéraux, parfois praticiens hospitaliers à temps partiel, reconnus au sein de la population. Le pacte territoire-santé s’appuie sur les centres hospitaliers locaux encore existants car, si bon nombre ont été transformés au cours des dix dernières années, il en reste encore un grand nombre d’entre eux (environ 250) qui maillent le territoire français, souvent dans des territoires isolés et ruraux, la cible du pacte.

Et pourtant les dernières déclarations sur la mise en œuvre du plan Ondam (Objectif national des de penses d’Assurance maladie) font naître à nouveau des inquiétudes sur les centres hospitaliers locaux, et en particulier les éléments concernant le virage ambulatoire et ses conséquences sur les capacités des établissements, mais également les mesures de maîtrise des dépenses et de la masse salariale. La mise en œuvre du plan Ondam n’est-elle pas contraire au maintien, voire au développement, des centres hospitaliers locaux ?

Le pacte territoire-santé ne risque-t-il pas d’être sacrifié au profit du plan Ondam en ce qui concerne les centres hospitaliers locaux ? L’occasion pour nous de rappeler les 44 recommandations de l’ANHL (Association nationale des hôpitaux locaux) et de l’AGHL (Association des médecins généralistes des hôpitaux locaux), puis de vérifier si le plan Ondam est une menace ou non pour les centres hospitaliers locaux.

LE CHL AU SERVICE DE LA FORMATION ET DE L’INSTALLATION DES JEUNES PROFESSIONNELS

Le centre hospitalier local (CHL) doit être reconnu comme lieu de stage en médecine générale : en effet, les jeunes qui font leur stage chez un médecin généraliste à son cabinet libéral peuvent très bien ensuite faire leur stage en médecine générale dans un hôpital local, avec le même maître de stage. Or, aujourd’hui, les centres hospitaliers locaux ne sont pas encore reconnus comme lieu de stage par les facultés de médecine. Par ailleurs, le CHL constitue une super plateforme de services, qui peut assurer le gîte et le couvert pour les jeunes étudiants.

Les bourses proposées aux médecins doivent aussi l’être à l’ensemble des professionnels de santé, qui exercent également à l’hôpital local. Sans ces professionnels (infirmiers, kinésithérapeutes, dentistes, orthophonistes, etc.), non seulement l’accès aux soins primaires n’est pas assuré, mais le fonctionnement des centres hospitaliers locaux n’est lui-même plus garanti. La présence d’un CHL pour caractériser les zones fragiles dans lesquelles les jeunes professionnels titulaires de la bourse s’engagent à exercer doit être un critère, au même titre que la présence d’une maison de santé pluri professionnelle : le CHL n’est-il pas là aussi un lieu d’exercice coordonné ?

Le CHL est un support logistique important pour les futurs professionnels de santé libéraux. La présence d’un CHL est un facteur incitatif non négligeable. Les médecins qui exercent dans ces structures sont aussi les prémices de ces praticiens territoriaux. Cela signifie en revanche que la rémunération des médecins dans les centres hospitaliers locaux est à réévaluer pour être en cohérence avec le statut de praticien territorial, dont les textes sont encore en attente.

Les référents installation des Agences régionales de santé (ARS) doivent avoir connaissance des caractéristiques d’un CHL, et ce mode d’exercice particulier de la médecine hospitalière doit être diffusé et détaillé sur la plateforme d’appui aux professionnels de santé. Car l’exercice mixte au CHL ainsi qu’en médecine de ville peut être un facteur attractif.

LE CHL COMME VECTEUR DE LA TRANSFORMATION DES CONDITIONS D’EXERCICE DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ

Les centres hospitaliers locaux sont déjà des lieux de travail en équipes professionnelles. Aussi, quand il existe un CHL dans un territoire donné, le développement des maisons de santé pluriprofessionnelles, des pôles de santé, des équipes de santé primaires, doit se faire en étroite articulation avec le CHL, qui va apporter son support logistique et technique pour porter les opérations, mais également parce qu’il fonctionne avec ces mêmes professionnels de santé. Il s’agit donc d’une opération gagnant-gagnant réciproque. D’autant que le CHL peut disposer de compétences techniques qui n’existent pas en libéral et vice-versa. Les maisons de santé doivent donc impérativement être adossées aux CHL, voire aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) quand il n’y a pas de CHL. Dans ce cadre, les CHL doivent être reconnus comme lieu de stage, et donc comme lieu de recherche, pour la soutenance de thèse.

De la même manière, la télémédecine est un outil formidable pour le CHL à plusieurs points de vue : développer des consultations de médecins spécialistes au sein de l’hôpital, médicaliser les CHL par l’intervention à distance de spécialistes dans la prise en charge, ouvrir un support technique pour les professionnels de santé libéraux, diversifier la formation des professionnels de santé à distance, etc. La télémédecine est une opportunité à la fois pour conforter la technicité de l’hôpital et ouvrir celui-ci sur l’extérieur. Enfin, des protocoles de coopération peuvent être plus facilement établis au sein des CHL dans la mesure où les professionnels ont déjà l’habitude de travailler dans de tels contextes, la mixité salariée-libérale favorisant le partage et le transfert de compétences.

LE CHL, FACTEUR DE DÉVELOPPEMENT DU TERRITOIRE DE SANTÉ ISOLÉ

Avec l’adossement de maisons médicales de garde, les CHL peuvent contribuer à la prise en charge des urgences et ainsi garantir une prise en charge en moins de trente minutes en tout point du territoire. Permanence des soins ambulatoires et permanence des soins au CHL doivent être couplées et organisées en complémentarité ; les CHL peuvent également être le lieu des médecins correspondants de Samu, d’accueil de petites urgences. À condition bien évidemment du respect de protocoles sans faille avec les Samu centres 15 et les services de médecine d’urgences.

Pour appuyer les structures ambulatoires, les CHL doivent conserver leur service de médecine et de soins de suite et de réadaptation. Sinon cet appui ne sera pas possible et, pire, il sera difficile de maintenir et d’attirer des professionnels de santé.

Le CHL doit être positionné dans le dispositif hospitalier comme premier niveau de l’offre de soins hospitalière, reconnu comme plateforme de santé au sein de son territoire de proximité. Il doit être le lieu de la coordination des acteurs d’un territoire. Ce qui suppose donc une adaptation de son mode de financement.

Enfin, il convient de ne pas vouloir substituer centre de santé et CHL : quand le CHL existe, la création d’un centre de santé n’est pas forcément la bonne solution. Il faut au contraire s’appuyer et renforcer le CHL.

LE PLAN ONDAM ET LES CHL

Pour mémoire, l’Ondam est fixé à 2 % en moyenne, pour les trois années qui viennent, soit un effort global d’économies de 10 milliards d’euros sur trois ans. En 2015, les dépenses dans le champ de l’Ondam sont contenues en évolution de 2,1 % par rapport à l’objectif 2014. La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 indique que « le respect de cet objectif nécessitera un effort inédit d’économies, de 3,2 milliards d’euros, afin de compenser une évolution tendancielle des dépenses de 3,9 % ». Le plan d’économies de l’Ondam est articulé autour de quatre axes (cf. l’encadré sur la page ci-contre).

Les CHL sont concernés par la plupart des mesures d’accompagnement de l’hôpital public du plan Ondam. Ils ont tout intérêt à être accompagnés dans l’optimisation de leurs achats, de leurs dépenses. Un des moyens pour eux d’y faire face est très certainement pour eux d’adhérer aux futurs GHT (groupements hospitaliers de territoire) afin de disposer des compétences spécialisées des établissements plus importants composant le GHT. Mais, dès lors, leur avenir va dépendre de la manière dont les ARS vont mettre en œuvre le plan Ondam. Si la mise en œuvre du plan Ondam est uniformisée et appliquée de la même manière quelle que soit la taille de l’établissement, alors oui, les CHL seront en difficulté car ils n’auront pas la taille critique leur permettant de se maintenir.

Par ailleurs, les ARS pourraient être amenées à envisager une fois de plus à supprimer les capacités sanitaires des CHL, au nom de la réduction des capacités. En revanche si la mise en œuvre est différenciée, en responsabilisant les CHT/GHT et à envisager une mise en œuvre territoriale et non plus par établissement, alors les CHL n’ont pas de crainte à avoir.

Car ils sont déjà au cœur du virage ambulatoire, de l’articulation ville-hôpital, de la mise en œuvre du parcours patients. Les économies ne sont pas à rechercher dans ces petites structures, mais dans les établissements de taille importante qui n’ont pas encore pris le virage ambulatoire ; et c’est dans ces établissements que le changement structurel entraînera des réductions de capacités.

CONCLUSION

Le rôle majeur et la place essentielle des centres hospitaliers doivent être conservés. Ne sont-ils pas depuis de nombreuses années le lieu exemplaire du décloisonnement entre les professionnels de santé, de la mixité entre salariat et libéral ?

Avant d’investir dans de nouveaux dispositifs, dans un contexte de ressources de plus en plus contraintes, il convient de s’appuyer sur ces structures innovantes des années 1970, renforcées au début des années 1990, et oubliées depuis 2009, que sont les CHL. Ne préfiguraient-ils pas les maisons de santé pluriprofessionnelles ?

Et pour un coût au sein de l’enveloppe Assurance maladie ne représentant même pas 1 %, alors que le service rendu est lui décuplé. Alors le plan Ondam ne doit pas être considéré comme une menace, mais comme une chance pour les CHL : l’occasion pour eux d’intégrer les GHT pour garantir leur maintien et leur développement, de bénéficier des compétences spécialisées des centres hospitaliers pour optimiser leurs dépenses, d’être force de proposition pour le virage de l’ambulatoire et l’articulation ville-hôpital. Oui, une vision simpliste de la mise en œuvre du plan Ondam serait de supprimer les CHL pour atteindre l’objectif de réduction des capacités en lits de médecine ; mais dans ce cas nous n’aurions pas atteint tous les autres objectifs, et notamment le virage ambulatoire. Car pour que les grands centres hospitaliers prennent le virage de l’ambulatoire, et donc restructurent profondément leurs pratiques, ils auront besoin des CHL dans le cadre de l’optimisation des parcours des patients, et notamment âgés.

LE PACTE TERRITOIRE-SANTÉ

Un pacte, trois objectifs, douze engagements.

→ PREMIER OBJECTIF

Changer la formation et faciliter l’installation des jeunes médecins.

– Engagement 1 : un stageen médecine générale pour 100 % des étudiants.

– Engagement 2 : 1 500 contrats d’engagement de service public signés d’ici 2017.

– Engagement 3 : 200 “praticiens de médecine générale” dès 2013.

– Engagement 4 : un “référent installation” unique dans chaque région.

→ DEUXIÈME OBJECTIF

Transformer les conditions d’exercice des professionnels de santé.

– Engagement 5 : développer le travail en équipe.

– Engagement 6 : rapprocher les maisons de santé des universités.

– Engagement 7 : développer la télémédecine.

– Engagement 8 : accélérer les transferts de compétences.

→ TROISIÈME OBJECTIF

Investir dans les territoires isolés.

– Engagement 9 : garantir un accès aux soins urgents en moins de 30 minutes d’ici 2015.

– Engagement 10 : permettre aux professionnels hospitaliers et salariés d’appuyer les structures ambulatoires.

– Engagement 11 : adapter les hôpitaux de proximité et responsabiliser les centres hospitaliers de niveau régional à l’égard de leur territoire.

– Engagement 12 : conforter les centres de santé.

LES AXES DU VOLET ACCOMPAGNEMENT DU PLAN ONDAM

→ AXE 1

Efficacité de la dépense hospitalière.

– Optimisation des dépenses des établissements de santé (accompagnement des établissements en difficulté, maîtrise de la masse salarialeet des effectifs).

– Optimisation des achats (programme PHARE, Performance hospitalière pour des achats responsables).

– Gestion de la liste en sus.

→ AXE 2

Virage ambulatoire et adéquation de la prise en charge en établissement.

– Chirurgie ambulatoire.

– Orientation et prise en charge des patients (développement de l’hospitalisation de jour, de l’hospitalisation à domicile, réduction des capacités, etc).

– Efficience des établissements et services médico-sociaux.

→ AXE 3

Produits de santé et promotion des génériques.

– Baisse de prix des carte de professionnel de sante.

– Baisse de prix sur les dispositifs médicaux.

– Actions sur les génériques et les biosimilaires.

→ AXE 4

Pertinence et bon usage des soins.

– Qualité de la prescription médicamenteuse.

– Ajustement des tarifs.

– Bonnes pratiques.

POUR EN SAVOIR PLUS

• 44 propositions pour 12 engagements (via petitlien.fr/7ysf).