Établissements publics de santé, organisation des moyens et place de l’encadrement - Objectif Soins & Management n° 228 du 01/09/2014 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 228 du 01/09/2014

 

Ressources humaines

Jean-Marc Panfili  

La définition juridique de l’hôpital public figure à l’article L.6141-1 du Code de la santé publique. Le législateur définit les établissements publics de santé comme « des personnes morales de droit public dotées de l’autonomie administrative et financière ». Cependant, cette autonomie est relative, puisque le législateur précise qu’ils sont « soumis au contrôle de l’État ».

L’organisation des moyens dans les établissements publics de santé accorde une place à l’encadrement paramédical, mais une place bien mal reconnue. La législation prévoit une caractéristique fondamentale de leur mission, spécifiant que « leur objet principal n’est ni industriel, ni commercial ». Il en résulte qu’ils sont soumis à l’ensemble des règles du droit administratif. Le droit commun figurant au Code du travail s’applique à leur égard, seulement en matière d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail.

Les missions de l’établissement de santé relèvent de l’article L.6112-1 du Code de la santé publique (CSP), avec en général un impératif de « permanence des soins ». Le pilotage se veut désormais médico-administratif, associant le directeur et le corps médical.

Les cadres paramédicaux ont une place importante dans l’organisation hospitalière au niveau opérationnel, mais, contrairement aux médecins, leur place est très peu formalisée et, par voie de conséquence, mal reconnue. Nombre d’entre eux sont cependant régulièrement interpellés à propos de l’organisation des moyens. Il convient donc qu’ils puissent se situer clairement pour pouvoir assumer les responsabilités qui leur reviennent.

DÉFINITION STRATÉGIQUE DES MOYENS

Les acteurs décisionnels et l’obligation de moyens

Le directeur représentant légal, ordonnateur des dépenses et autorité hiérarchique

Le législateur définit à l’article L6143-7 du CSP un principe général de compétence du directeur de l’hôpital. Il prévoit que « le directeur, président du directoire, conduit la politique générale de l’établissement ». De ce principe découle celui d’autorité hiérarchique, puisque le directeur « exerce son autorité sur l’ensemble du personnel ». Toutefois, cette autorité se trouve limitée. Elle s’exerce d’une part dans le respect « des règles déontologiques ou professionnelles qui s’imposent aux professions de santé [et] des responsabilités qui sont les leurs dans l’administration des soins ». Cette autorité hiérarchique se trouve également limitée par le respect de « l’indépendance professionnelle du praticien dans l’exercice de son art ». Enfin, cette compétence globale comporte une prérogative en lien avec l’obligation de moyens, puisque le directeur est « ordonnateur des dépenses et des recettes de l’établissement ».

Le directeur et le président de la commission médicale d’établissement

Le directeur est entouré d’autres acteurs stratégiques, et en particulier du président de la Commission médicale d’établissement (CME) qui détient lui aussi un rôle majeur. Toujours selon les termes de l’article L6143-7 du CSP, après concertation avec le directoire, le directeur « décide, conjointement avec le président de la commission médicale d’établissement, de la politique d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins, ainsi que des conditions d’accueil et de prise en charge des usagers ».

Le corps médical se trouve donc conforté dans une position stratégique décisionnaire conjointe avec le directeur.

L’obligation de moyens et l’organisation nécessaire aux missions

L’obligation générale de moyens

L’obligation générale de moyens qui pèse sur l’hôpital public repose sur l’article L6113-1 du CSP, prévoyant que, pour « dispenser des soins de qualité, les établissements de santé, publics ou privés, sont tenus de disposer des moyens adéquats ». Cette formule générique recouvre à la fois les moyens matériels et humains. Cette obligation de moyen doit être intégrée au projet d’établissement. Ainsi, l’article L6143-2 du CSP précise que le projet d’établissement « prévoit les moyens d’hospitalisation, de personnel et d’équipement de toute nature dont l’établissement doit disposer pour réaliser ses objectifs ». L’article L6146-1 du CSP relatif à l’organisation en pôles complète les termes de l’obligation de moyens en disposant que « le contrat de pôle [précise] les objectifs et les moyens du pôle ». En résumé, l’établissement doit s’organiser en employant du personnel qualifié et en nombre suffisant. Il doit coordonner ses moyens par la mise en place de tableaux de service et de garde. Il doit fournir du matériel et des locaux sécurisés et adaptés, ainsi que des produits de santé. Enfin, il doit délivrer des soins de qualité.

Une obligation particulière de moyens et de résultat à l’égard de la protection des personnels

L’hôpital exerce une activité de services qui repose essentiellement sur des moyens humains, ce qui lui confère des obligations particulières vis-à-vis de ses personnels. L’article L4121-1 du Code du travail, applicable aux établissements publics de santé, dispose en premier lieu, que « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Le texte précise en second lieu une nécessité de « mise en place d’une organisation et de moyens adaptés ». De plus, « l’employeur [doit veiller] à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes ». Il s’agit d’une quasi-obligation de résultat qui pèse personnellement sur le chef d’établissement et qui engage sa responsabilité pénale.

La protection des fonctionnaires et agents publics constitue une obligation également prévue par le statut(1) général de la fonction publique. La loi prévoit que les fonctionnaires et agents publics non titulaires bénéficient, à l’occasion de leurs fonctions, d’une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent.

Cette protection fonctionnelle est complétée par la jurisprudence administrative(2) qui reconnaît au directeur un pouvoir de police. Elle revêt plusieurs aspects, notamment la protection contre les menaces et les violences de toute nature dont les agents peuvent être victimes, et la réparation, le cas échéant, des préjudices qui en découlent. Le champ de la protection s’avère extrêmement large puisqu’il s’agit des violences physiques, violences verbales ou écrites et des dommages aux biens(3).

L’ORGANISATION OPÉRATIONNELLE DES MOYENS

Le législateur et le pouvoir exécutif ont fixé en 2005(4), puis confirmé en 2010(5), un dispositif de nouvelle gouvernance de l’hôpital public. En réalité, ces échéances et obligations ont été respectées de façon très variable, instaurant des systèmes hybrides et le plus souvent mal lisibles(6). Ceci entraîne par voie de conséquences de fortes ambiguïtés dans le positionnement de l’encadrement.

L’organisation des moyens constitutive des contrats de pôles

Le contrat de pôle constitue le cadre légal de l’organisation

Le législateur fait référence à l’organisation de l’hôpital en pôles à l’article L6146-1 du CSP vu précédemment, qui complète le champ de l’obligation de moyens. Le décret du 11 juin 2010(7) fixe, quant à lui, les modalités de cette organisation. Ainsi, l’exécutif prescrivait une obligation de conclure des contrats de pôle avant le 11 décembre 2010. Selon l’article 2 non codifié de ce décret « les directeurs d’établissement et les chefs de pôle [devaient conclure], six mois après la publication […] un contrat de pôle ». Enfin, « dans le délai de trois mois après la conclusion du contrat de pôle, les chefs de pôle (devaient élaborer) un projet de pôle ».

L’article R6146-8 du CSP fait de nouveau référence aux moyens, mais dans le cadre contractuel déconcentré, en disposant que « sur la base de l’organisation déterminée par le directeur, le contrat de pôle […] définit les objectifs, notamment en matière de politique et de qualité des soins, assignés au pôle, ainsi que les moyens qui lui sont attribués ». Le gouvernement a établi dans cet article un lien explicite entre qualité des soins attendus et moyens attribués aux pôles. Plus précisément, « le contrat de pôle définit le champ et les modalités d’une délégation de signature accordée au chef de pôle permettant d’engager des dépenses dans [certains] domaines ».

L’autorité fonctionnelle des praticiens chefs de pôle et des responsables d’unités fonctionnelles

Le praticien chef de pôle est en principe un acteur essentiel de l’organisation opérationnelle des moyens. L’article L6146-1 du CSP dispose qu’il revient au « praticien chef d’un pôle » de « mettre en œuvre la politique de l’établissement afin d’atteindre les objectifs fixés au pôle ». Pour cela, le praticien chef d’un pôle dispose d’une « autorité fonctionnelle » qui s’exerce sur « les équipes médicales, soignantes, administratives et d’encadrement du pôle », ceci en vue d’organiser « le fonctionnement du pôle et l’affectation des ressources humaines ». Toutefois, cette autorité fonctionnelle doit s’exercer dans le respect, d’une part, « de la déontologie de chaque praticien », et, d’autre part, « des missions et responsabilités des structures, services ou unités fonctionnelles, prévues par le projet de pôle ».

Selon l’article R6146-8 du CSP, le contrat de pôle doit préciser également le rôle du chef de pôle. Il s’agit notamment de la « gestion du tableau prévisionnel des effectifs rémunérés et répartition des moyens humains affectés entre les structures internes du pôle ». Le texte précise enfin une compétence organisationnelle du chef de pôle pour l’« affectation des personnels au sein du pôle ».

Le praticien chef de pôle doit pouvoir également s’appuyer sur des relais médicaux décisionnels. L’article R6146-4 du CSP prévoit des « responsables de structure interne, services ou unités fonctionnelles des pôles d’activité clinique ». Ces derniers « sont nommés par le directeur sur proposition du chef de pôle, après avis du président de la commission médicale d’établissement ». Il faut toutefois relever que les textes législatifs et règlementaires ne définissent pas les contours de cette responsabilité, notamment dans l’organisation des moyens. Logiquement, il devrait s’agir, en pratique, d’une subdélégation des prérogatives déjà déléguées au chef de pôle. Toutefois, faute de définition claire, les unités fonctionnelles souffrent souvent d’un déficit de pilotage. D’ailleurs, les organisations syndicales de praticiens hospitaliers, interrogées dans le cadre d’un bilan, ont constaté un désinvestissement institutionnel d’une majorité des médecins et des anciens chefs de services(8).

L’assistance au chef de pôle et la place de l’encadrement paramédical

L’absence explicite de l’encadrement dans les textes

L’encadrement est évoqué parmi d’autres acteurs dans l’article L6146-1 du CSP en termes d’assistance. En effet, dans l’exercice de ses fonctions, le praticien chef de pôle « peut être assisté par un ou plusieurs collaborateurs ». À cette fin, il propose leur nomination au directeur. À noter qu’il s’agit de la seule référence législative dans laquelle semble figurer l’encadrement, mais qu’elle ne comporte aucune distinction particulière, ni de grade ou de statut, ni de mission spécifique. En effet, le cadre de santé n’est jamais cité expressément et la qualité du “collaborateur” du chef de pôle n’est pas précisée dans la loi. De plus, la rédaction semble accréditer un pouvoir d’appréciation discrétionnaire, pour le chef de pôle dans le choix de ces collaborateurs, dont on suppose seulement qu’il s’agit de cadres de santé.

La place supposée de l’encadrement en pratique

Pour tenter de situer la place des cadres, il faut en réalité chercher des indications de niveau règlementaire, figurant au statut des cadres de santé.

Le décret du 26 décembre 2012(9) prévoit que les fonctionnaires du grade de cadre de santé « exercent des fonctions […] consistant à encadrer des équipes dans les pôles d’activité […] et leurs structures internes ». Le texte évoque également « des missions communes à plusieurs structures internes de pôles ». Enfin, il peut s’agir, « le cas échéant, des fonctions de collaborateur de chef de pôle, prévues au huitième alinéa de l’article L6146-1 du Code de la santé publique, lorsque celles-ci ne peuvent être assurées par un cadre supérieur de santé paramédical ». Ce même texte dispose également que les cadres supérieurs de santé exercent « des fonctions de collaborateur de chef de pôle, prévues au huitième alinéa de l’article L6146-1 du Code de la santé publique ». Même si le bon sens a prévalu dans les faits, force est de constater qu’il existe toutefois une forte ambiguïté textuelle du point de vue de la hiérarchie des normes. En effet, le législateur prévoit seulement que le praticien chef de pôle « peut être assisté par un ou plusieurs collaborateurs, dont il propose la nomination au directeur d’établissement ». En revanche, c’est un texte règlementaire, donc de valeur inférieure, qui semble imposer un cadre supérieur de santé et, à défaut, un cadre de santé comme collaborateur du chef de pôle.

CONCLUSION

Il apparaît nettement, au vu des textes, que la définition des moyens nécessaires au fonctionnement de l’hôpital relève du niveau stratégique. Ce niveau se trouve incarné par le directeur et le médecin président de la CME.

En revanche, l’encadrement paramédical est quasiment absent des textes relatifs à l’organisation des établissements de santé.

Contrairement aux praticiens qui peuvent être chefs de pôle ou responsables de structures et qui élisent le président de la CME, les cadres paramédicaux ne bénéficient d’aucune représentation spécifique dans les organes consultatifs ou décisionnaires de l’établissement. Concrètement, ils sont seulement impliqués au niveau opérationnel. En effet, il leur revient d’organiser sur un plan pratique l’accueil et l’information des patients et usagers. Ils doivent aussi coordonner les moyens qui leur sont attribués par la mise en place de tableaux de service et de garde. Enfin, ils doivent également s’assurer de la délivrance de soins de qualité. Cependant, il est indispensable de souligner, pour resituer les responsabilités, que les cadres ne peuvent répondre à ces missions, qu’en fonction des moyens humains et matériels qui leur sont attribués. Rappelons enfin et surtout que ces mêmes moyens sont octroyés suite à des décisions stratégiques sur lesquelles ils n’ont pas de réelle prise. Cette précision s’avère d’autant plus nécessaire pour que les cadres ne deviennent pas “bouc émissaires”, dans la mesure où ceux-ci évoluent à la fois dans un contexte de ressources contraintes et de gouvernance incertaine.

NOTES

(1) Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, statut général de la fonction publique-art 11, JORF du 14 juillet 1983, page 2174.

(2) CE, 17 novembre 1997. n° 168606. CHS de Rennes. Publié au Recueil Lebon ; CAA de Bordeaux, 21 avril 2005, n°01BX01405.

(3) Circulaire DHOS/P1 n° 2000-609 du 15 décembre 2000, relative à la prévention et à l’accompagnement des situations de violence ; lettre du ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique, direction générale de l’administration et de la fonction publique, B8 n° 2158 du 5/05/2008.

(4) Ordonnance n° 2005-406 du 2 mai 2005 simplifiant le régime juridique des établissements de santé, JORF n° 102 du 3 mai 2005, page 7626, texte n° 15.

(5) Ordonnance n° 2010-177 du 23 février 2010 de coordination avec la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, JORF n° 0047 du 25 février 2010 page 3585, texte n° 45.

(6) Bilan et évaluation du fonctionnement des pôles dans les établissements de santé : rapport des Conférences hospitalières, mars 2014.

(7) Décret n° 2010-656 du 11 juin 2010 relatif aux pôles d’activité clinique ou médico-technique dans les établissements publics de santé, JORF n° 0136 du 15 juin 2010, page 10942, texte n° 17.

(8) Bilan et évaluation du fonctionnement des pôles dans les établissements de santé : rapport des Conférences hospitalières, mars 2014, p.8.

(9) Décret n° 2012-1466 du 26 décembre 2012 portant statut particulier du corps des cadres de santé paramédicaux de la fonction publique hospitalière, articles 3 et 4. JORF n° 0302 du 28 décembre 2012, page, texte n° 17.

Références des textes de loi

L’hôpital public de santé est régi par la définition qu’en donne l’article L.6141-1 du Code de la santé publique (CSP).

Les hôpitaux sont soumis à l’ensemble des règles du droit administratif.

Le droit commun figurant au Code du travail s’applique à leur égard seulement en matière d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail.

• l’article L6146-1 du CSP

• Le décret du 26 décembre 2012

• L’article R6146-4 du CSP

• L’article R6146-8 du CSP

• L’article L4121-1 du Code du travail

• L’article L6112-1 du CSP

• L’article L6143-7 du CSP

• l’article L6143-2 du CSP

• l’article L6112-1 du CSP

• l’article L6143-7 du CSP

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