Alzheimer, quand l’accompagnement devient un fardeau | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 218 du 01/09/2013

 

Promotion de la santé

Vivre ou survivre quand on est l’aidant d’un proche atteint de la maladie d’Alzheimer ? Telle est la difficile question à laquelle nous allons tenter d’amener quelques réponses. En effet, notre société est-elle prête à faire face à un défi médico-économique d’une telle ampleur ?

Le sujet intéresse directement le patient, mais interpelle aussi son entourage et les pouvoirs publics. Être et rester vivant, dans ce contexte très particulier, nécessite de concilier de vivre pour le malade, et de vivre néanmoins pour soi.

UNE MALADIE NEUROLOGIQUE

La maladie d’Alzheimer est une maladie neurologique, distincte du vieillissement cérébral normal, l’âge restant un facteur de risque majeur. En effet, on observe une augmentation de sa fréquence avec l’avancement dans l’âge, puisqu’elle touche une personne sur cinq de plus de 80 ans, et une sur quatre après 85 ans. Le premier symptôme est la perte du souvenir des événements récents (amnésie), un déficit cognitif signant l’atrophie corticale du lobe temporal interne (hippocampe). À la suite, les déficits cognitifs s’étendent aux domaines du langage (aphasie), de l’organisation des mouvements (apraxie), de la reconnaissance visuelle (agnosie) et des fonctions d’exécution telles que la prise de décision et la planification, attestant l’atteinte dégénérescente des lobes frontaux. Aussi on constate des modifications du comportement, de l’humeur et une perte d’autonomie.

DÉCLIN COGNITIF ET SYNDROME DÉMENTIEL

Le terme de déclin cognitif sans démence définit la perte acquise de fonctions cognitives sans retentissement sur la vie quotidienne. Celui de syndrome démentiel désigne un trouble mnésique identifié, associant au moins un autre trouble des fonctions supérieures(1) et interférant avec les activités de la vie quotidienne. La situation individuelle de la personne considérée est à mettre en perspective dans son environnement (habitus, aidants informels ou professionnels), au regard d’elle-même (personnalité, histoire de vie, pathologies associées, inconfort physique/psychologique, syndrome confusionnel), et la pathologie démentielle (modifications neurobiologiques, troubles cognitifs) aboutissant aux troubles psychologiques et comportementaux.

DIAGNOSTIC ET ÉTHIQUE

Il est difficile d’annoncer un diagnostic d’une telle gravité(2). Une enquête menée en mai 1997, en Écosse, montrait que 50 % des médecins annonçaient le diagnostic au patient, une autre similaire en 2000, à Nottingham (UK), révélait 40 % seulement. En 2004, en France(3), 70 % des médecins, sur un panel de 103 spécialistes qui participent à une consultation mémoire, annoncent le diagnostic au malade, 11 % de façon non systématique, et 19 % ne le disent pas. Cependant, parmi ceux qui l’annoncent, 29 % n’utilisent pas le terme Alzheimer, mais plutôt “maladie de la mémoire”. Enfin, 89 % l’annoncent en présence de la famille. Concomitamment, l’Anaes(4) publie en 2000 l’annonce d’une mauvaise nouvelle, suivie par les premières recommandations pratiques pour le diagnostic de maladie d’Alzheimer, qui sont publiées par la HAS(5) en février 2008. Enfin, en septembre 2009 sortent les recommandations de bonnes pratiques de la HAS, portant sur l’annonce et l’accompagnement du diagnostic.

À ce jour, l’aspect éthique de l’annonce pose toujours problème(6), car comment annoncer au patient une pathologie aussi lourde, alors que l’on cherche un diagnostic le plus précoce possible en escomptant une meilleure prise en charge thérapeutique, sans preuve formelle qu’il va à coup sûr la développer dans dix ou quinze ans ?

En effet, quand on se réfère à l’histoire de la maladie, la phase pré-clinique voit s’installer des lésions cérébrales, sans signe clinique, dont la durée est évaluée à dix, quinze ans. La phase pré-démentielle dure quant à elle approximativement de trois à cinq ans (notion de MCI mnésique(7)), enfin la phase démentielle arrive, l’autonomie du patient est altérée, les troubles mnésiques se renforcent. Un syndrome aphaso-apraxo-agnosique est installé, plus ou moins compliqué de troubles psycho-comportementaux. Notons enfin plus largement qu’en termes de représentation grand public, la maladie d’Alzheimer est figurée par des spots que l’on a souhaités interpellant en France, ce qui renforce l’image terrible qu’elle revêt dans l’imaginaire collectif, a contrario de l’attitude adoptée en Espagne, par exemple.

L’ANNONCE DU DIAGNOSTIC AU PATIENT

Il n’existe pas d’injonction a priori, chaque décision est à évaluer en fonction de la connaissance que l’on a du patient, l’évolution de sa maladie et sa capacité à comprendre l’information. L’annonce permet au sujet de mettre des mots sur un “doute sournois”, un mal-être et une incapacité à faire. L’annonce du diagnostic constitue un acte fondateur de l’alliance thérapeutique, elle peut être vécue comme un soulagement de la part du patient le cas échéant. Le médecin n’oublie pas qu’il doit au malade le secret médical, règle qui est souvent mise à mal dans ce contexte précis. Les proches sont fréquemment désignés comme les dépositaires d’une vérité non annoncée au patient, comme nous l’avons évoqué plus haut. L’annonce du diagnostic aux deux parties, patient et proches, si le premier donne son consentement, facilite le “mieux faire” face à la maladie et à ses conséquences. Un diagnostic clairement posé, et dédramatisé si l’on peut dire, est un soulagement pour les aidants. L’annonce doit être formulée par le médecin qui a posé le diagnostic, il doit donc la faire au patient, en coordination avec le médecin traitant référent, chargé de la demande d’ALD(8).

Au stade de début de la maladie, cela permet d’instaurer une prise en charge, d’améliorer la qualité de vie et de prévenir l’épuisement de l’aidant. Au stade tardif, ceci autorise seulement l’adaptation de la prise en charge.

MALADIE D’ALZHEIMER ET VIE ACTIVE

Les personnes touchées par la pathologie continuent à vivre quasiment normalement pendant de nombreuses années après l’annonce du diagnostic : elles ont ainsi des projets, leur vie a toujours un sens, pourtant, l’image de la maladie est souvent réductrice – on a vu précédemment pourquoi – et associée d’emblée à sa phase avancée. Aussi la poursuite des activités, dans un cadre adapté, et le maintien d’une vie sociale favorisent un meilleur état de santé conservé de la personne, de l’aidant et de son entourage.

QU’EST-CE QUE L’AIDANT ?

On retrouve des définitions légales dans le domaine du Handicap et de la Famille. La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 cadre l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, le décret n° 2005-1588 du 19 décembre 2005 est relatif à la PCH(9) et modifie le CASF(10), enfin le décret n° 2008-450 du 7 mai 2008 traite de l’accès des enfants à la PCH.

Définition

Aussi pour définir l’aidant, on parlera d’une personne proche du malade, qui assume la majorité de sa prise en charge, et pour la différencier du professionnel, on l’appellera “aidant informel” (Inserm(11)). C’est ainsi une personne qui appartient à l’entourage proche du malade, 48 à 55 % sont les conjoints et, dans plus d’un tiers des cas, les aidants sont les enfants (étude Pixel(12)). « L’entourage familial est une source de remotivation et de pédagogie qui influe considérablement sur le devenir du patient Alzheimer. »(13) Il est intéressant par ailleurs de se pencher sur la définition que les aidants ont d’eux-mêmes. Ce sont des personnes à part entière, le plus souvent des femmes, contraintes d’assumer auprès de leur proche des tâches de personnels soignants, au détriment de leur propre personne (« consacrer tout notre temps et toute notre énergie ») et de leur rôle premier, celui de proche (« ce que nous sommes vraiment »).

Engagement

Leur engagement résulte d’une situation dont elles ne sont pas responsables, elle est assumée mais non choisie, dans la prolongation du lien affectif. L’aspect le plus important est sans doute la double nécessité dans laquelle l’aidant se trouve : celle d’assurer le mieux-être de la personne aidée, tout en tentant de prendre soin de lui-même. Le proche aidant est constamment mis devant ses propres limites, confronté en permanence à l’écart entre ce qui devrait être fait (le souhaitable, le bien, voire l’idéal) et ce qu’il peut réellement faire. Aussi on le définit comme « le proche aidant…un partenaire à protéger »(14).

CHOISIT-ON D’ÊTRE AIDANT, OU EST-ON DÉSIGNÉ D’OFFICE ?

Un proche qui perd la mémoire et qui devient dépendant, alors qu’on l’a connu dans la plénitude de ses moyens, est une épreuve douloureuse pour l’entourage familial. La maladie émergente est à aborder dans un contexte familial et humain spécifique sur les plans médical, social, culturel, psychologique, matériel et financier, autant dire que c’est la quadrature du cercle. Aussi la maladie d’un proche de la famille implique-t-elle un véritable séisme, un bouleversement total des places au sein du groupe familial, au regard du rôle et de la place du conjoint et de celui des enfants. La systémie familiale est recomposée, entraînant des stratégies d’adaptation (coping(15)). On réalise ainsi qu’être aidant est un lourd fardeau. « Même informée sur la maladie et ses conséquences, je n’imaginais pas à quel point cette charge pouvait être lourde. »(16)

LE FARDEAU

Qu’on soit aidant principal, aidant informel, aidant naturel ou parent soignant, pour tenter de mettre tout le monde d’accord, « ils partagent au quotidien le drame de cette maladie et en portent en priorité la lourde charge, le plus souvent avec dévouement et courage »(17). Et si on parle de lourde charge, on parle aussi du fardeau de l’aidant, ce dernier étant à considérer avec la même acuité que le malade lui-même(18). Ces familles sont ainsi confrontées à des défis spécifiques liés à l’évolution même de la maladie de leur proche.

VULNÉRABILITÉ DES AIDANTS

À cet endroit, il faut pouvoir évoquer la vulnérabilité des aidants, qui comporte deux volets, celui lié aux facteurs de la pathologie de l’aidé, à savoir, les troubles du comportement, le degré d’évolution de la pathologie et des troubles cognitifs, le niveau de dépendance, le nombre d’heures d’aide nécessaire par jour, et le nombre d’années de vie restante ; par ailleurs, celui intéressant les facteurs côté aidant, soit son âge, sa propre santé, sa capacité d’adaptation, son équilibre psychique antérieur, le deuil de la relation passée, le deuil de l’image de l’autre, l’isolement social et affectif, et sa capacité à demander de l’aide à temps. Il faut aussi considérer les facteurs liés à la relation aidé/aidant que sont la qualité de la relation antérieure, l’existence et/ou la réactualisation de conflits familiaux, l’inversion des rôles au sein du couple, le renversement de l’ordre générationnel et l’intrusion de tiers dans la relation intime (enfants, soignants).

Enfin, les choses n’étant pas encore assez complexes, il faut observer le vécu de la relation d’aide, ce qui est très subjectif puisqu’en lien avec toute une histoire de vie antérieure, entraînant des remaniements psychologiques profonds, une activité structurante et/ou déstructurante, une réticence des aidants à accepter de l’aide, une ambivalence, une culpabilité intrinsèque et le poids du regard des autres. Une étude prospective portant sur 119 patients et leurs aidants a montré que ce sont moins les troubles psycho-comportementaux du patient que la réaction émotionnelle de l’aidant aux troubles psycho-comportementaux qui était prédictive de l’entrée en institution(19). Néanmoins, le vécu de ces mêmes troubles varie selon la personnalité de l’aidant. Après avoir évoqué la vulnérabilité de l’aidant, abordons maintenant sa fragilité liée.

VULNÉRABILITÉ ET FRAGILITÉ

Bien évidemment, il y a une répercussion profonde et durable de la pathologie du malade sur la qualité de vie et la santé de l’aidant : il est victime d’une fatigue physique et morale chronique, il recule vis-à-vis des soins courants pour lui-même le cas échéant, et il est vulnérable, car il subit une altération de ses défenses immunitaires.

Aussi il existe un vrai risque de sa part de maltraitance morale et/ou physique généré par le sentiment d’injustice (« Pourquoi cela nous arrive à nous ? »), de culpabilité par rapport au diagnostic posé tardivement, et à la place restant aux temps de loisirs.

L’aidant souffre réellement de ne pas être reconnu dans ce qu’il fait, même si « la façon de donner vaut mieux que ce qu’on donne »(20), il entretient un sentiment de dévalorisation, il est terrorisé par l’évolution inéluctable de la maladie et ses complications (NPI(21)), il s’isole socialement à son corps défendant, car il a honte vis-à-vis de certaines manifestations bruyantes de la maladie, il a peur de l’agressivité du malade ou de la sienne à l’encontre de ce dernier, enfin il redoute de contracter la maladie de son proche. D’autant quand la pathologie avance avec l’apparition des SPCD(22), fréquents et graves dans 50 % des cas, accélérant la perte d’autonomie, altérant la qualité de vie, source de mortalité avec une médiane de survie de 4 à 6 ans, d’iatrogénie (neuroleptiques), nécessitant des hospitalisations en urgence et impactant le fardeau de soins et l’aidant(23). Sans omettre les dégâts collatéraux que sont la dénutrition (taille/pesée, IMC(24), MNA(25)), les chutes(26), les troubles de la marche et de l’équilibre, et les complications neurologiques (épilepsie, syndrome extrapyramidal). Ainsi l’aidant s’épuise, il fait le deuil(27) d’une personne qui n’est pas morte, c’est le deuil blanc(28). Il erre alors en plein chaos émotionnel. Voyons maintenant quelle posture adopter pour tenter de venir en aide à l’aidant.

UNE APPROCHE CENTRÉE SUR LA PERSONNE

On se doit d’agir dans le respect de la dignité et des choix des personnes atteintes et de leurs proches, on parle ici de la relation d’aide. Il faut évaluer la souffrance des aidants et leur isolement à l’aide du NPI. On adopte une culture d’organisation caractérisée par la responsabilisation des personnes, l’amélioration continue de la qualité des soins et de l’accessibilité avec l’EGS(29), et on se pose la question de la qualité des années de vie sauvées (Qaly(30)). Il faut reconnaître et mobiliser l’ensemble des acteurs concernés par la maladie d’Alzheimer, et favoriser la synergie entre eux grâce à la création des MAIA(31). Celles-ci sont un dispositif de coordination qui associe le secteur sanitaire et celui du médicosocial constituant un guichet intégré (du nom du modèle de management, ou encore dit transversal(32)) pour les utilisateurs. Une meilleure articulation entre les structures de soins, d’information et d’accompagnement doit permettre de construire un parcours de prise en charge personnalisée pour chaque patient atteint de la maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées, et plus largement de toute personne âgée en perte d’autonomie fonctionnelle. Il s’agit d’offrir une réponse graduée et adaptée à chaque situation particulière. Pour un bénéfice optimal de prise en charge, il faut réaliser un plan de soins individualisé à la personne soignée, et apporter des aides ciblées dans l’approche médicamenteuse et non médicamenteuse, celle médico-socio-psychologique et les mesures de protection juridique.

QUELS OBJECTIFS À ATTEINDRE ?

Pour le patient

Il faut escompter une compliance thérapeutique satisfaisante, l’accompagner en ce sens en tenant compte de son niveau d’autonomie. Ce qui est d’autant plus malaisé car on sait qu’avec le vieillissement, et sur les patients de plus de 85 ans, sur le registre de la recherche clinique (R&D) quand on fait ce parallèle, cela apparaît difficile en pratique. En effet, elle requiert le consentement éclairé, que l’observance thérapeutique est erratique, alors que 39 % des patients de la population générale ne lisent pas les notices des médicaments, que 17 % utilisent des produits périmés, et 21 % sont prêts à dépanner leurs amis avec leurs propres médicaments, sans diagnostic précis(33).

Pour les aidants

Il faut s’assurer de leur coopération pour un meilleur suivi de l’évolution de la maladie, et veiller à leur qualité de vie.

Pour les professionnels de santé

Ils doivent assurer un bon accompagnement du patient et des aidants. Ainsi, pour arriver à concilier de vivre pour le malade tout en vivant pour soi, il faut s’occuper aussi de sa propre santé (qualité de l’alimentation équilibrée, du sommeil et avoir des activités physiques), prendre du temps pour soi en organisant des espaces de répit, s’informer sur la maladie, sur les droits et les aides possibles, se former aux gestes de premiers secours, aux soins corporels, à l’accompagnement psychologique et à la psychomotricité. Enfin, il faut savoir trouver du soutien en s’appuyant sur un réseau professionnel, accepter l’aide d’autrui, et ne pas s’oublier, car ce n’est pas égoïste dans ce cas de figure particulier de penser à soi et à ce qui peut faire du bien ou plus simplement permettre d’aller mieux.

Aidant, un concept récent

Le concept d’aidant est récent. Pour rappel, les premières études sur le sujet datent des années 1980, avec la recherche des facteurs de rupture de l’aide. Puis le mécanisme d’aide aux aidants se développe dans les années 1990 à 2000(34), il en découle une réflexion sur les aidants avec les notions de stress et de fardeau. Dès lors, des programmes d’aide se mettent en place, puis le Plan Alzheimer est institué pour la première période, à partir de 2001, suivi d’un 2e, enfin le 3e, plus structuré, de 2008 à 2012(35), avec une volonté politique actuelle de poursuivre l’effort en ce sens(36). La mesure n° 3 de ce Plan Alzheimer traite de « l’amélioration du suivi sanitaire des aidants naturels », et les recommandations de bonnes pratiques de la HAS, en février 2010, abordent le suivi médical des aidants naturels dans la maladie d’Alzheimer et maladies apparentées. Il prévoit que les aidants bénéficient d’une consultation annuelle de leur état de santé réalisée par le médecin traitant. Dans les faits, elle n’est pas formelle puisqu’elle n’a pas de caractère réglementaire obligatoire. L’objectif de cette consultation est la prévention, la détection et la prise en charge des effets délétères que l’accompagnement de leur proche au quotidien peut induire sur leur santé. Aussi, dans les messages clés délivrés à l’aidant, il faut pouvoir lui proposer une consultation annuelle, être particulièrement vigilant sur son état psychique, nutritionnel et son niveau d’autonomie physique et psychique. On doit rechercher une souffrance, des troubles anxieux et/ou dépressifs, idem pour le sommeil, en tenant compte du contexte familial, social et culturel. On vérifiera aussi l’adéquation entre les besoins de l’aidant naturel, ceux du patient et les moyens mis en place (aides médicosociales et financières). L’échelle de Zarit permet d’appréhender le degré d’épuisement ou d’usure psychique, et/ou physique de l’aidant familial. Ce questionnaire est destiné à être complété par l’aidant. Il comporte 22 questions. Le score peut varier de 0 à 88. Plus il est élevé, plus la charge ressentie par l’aidant est importante : un score compris entre 0 et 20 indique une charge nulle ou faible, entre 21 et 40, on considère que la charge est légère, entre 41 et 60, la charge est modérée, un score supérieur à 60 indique une charge sévère. Aussi un score important dès le premier remplissage, ou ayant fortement augmenté entre deux passages du test, permet de mettre en évidence que le fardeau ressenti par l’aidant est devenu trop lourd et qu’il est temps de trouver des solutions concrètes pour le soutenir.

QUELLES AIDES POUR L’AIDANT ?

L’objectif est de permettre à l’aidant de continuer son action salvatrice sans s’épuiser, aussi doit-on reconnaître lorsqu’il a besoin d’aide, trouver sa juste place parmi les aidants professionnels (aide à domicile, institution), passer le relais lorsque cela s’avère nécessaire et prévenir la maltraitance. En pratique, pour le maintien de la personne malade à domicile, des intervenants sont pris en charge par la sécurité sociale : le médecin traitant, l’infirmier, l’ESA(37), l’aide-soignante du Ssiad(38), l’HAD(39), le kinésithérapeute et l’orthophoniste.

Sur le plan financier, il existe l’APA(40), la Prestation d’aide personnalisée (PAP), la caisse de retraite, la mutuelle complémentaire, et, au titre de l’aide sociale départementale, le congé de solidarité familiale(41). Il y aussi l’aménagement et l’adaptation de l’habitat avec l’Anah(42) pour les travaux lourds, le logement indigne ou dégradé et le réseau Pact’Arim associatif, qui pratique des visites/ conseils, et réalise des projets. Pour les aides légales à la gestion du patrimoine et à la protection des majeurs, il faut penser à la procuration bancaire auprès de la banque idoine, si la personne est en capacité de la demander, à la personne de confiance, aux directives anticipées, au mandat de protection future permettant pour le malade de désigner à l’avance la personne le jour où elle ne sera plus en état physique et /ou mental de prendre correctement une décision, et aux mesures de protection des majeurs (sauvegarde de justice, curatelle et tutelle).

En ce qui concerne les structures d’accueil, quand il faut un répit ou lorsque le maintien à domicile devient impossible, il existe l’Accueil de jour, le mode d’hébergement temporaire et finalement l’entrée en établissement (Ehpa, Ehpad, Ehpad sécurisés, Ehpad UP(43) et USLD(44)). Pour les autres alternatives d’aide et de répit, le Café Mémoire(45) qui accueille les aidants et les aidés, les groupes de parole menés par un psychologue ou un psychothérapeute(46), l’accueil téléphonique de France Alzheimer(47), la plateforme d’accompagnement et de répit des aidants, les vacances de répit et les gardes de nuit. Pour les autres aides, le passe à la mobilité facilitée, soit la carte d’invalidité, la carte de priorité pour personne handicapée, et la carte européenne de stationnement.

Pour l’allégement fiscal, la déduction d’impôt sur le revenu de 50 % pour un emploi salarié à domicile, 25 % du montant des frais d’hébergement en Ehpad, et la déduction du revenu imposable des sommes versées par les obligés alimentaires. Par ailleurs, les mutuelles et les caisses de retraite s’engagent à renforcer leur politique de prévention et d’accompagnement pour le maintien de l’autonomie des retraités(48). Enfin, des formations pour les aidants existent. L’unité gériatrique du centre hospitalier de Muret a été retenue sur un appel à projets de l’ARS à ce sujet. Aussi une formation pluridisciplinaire gratuite aux aidants familiaux a-t-elle été organisée. Durant cette formation, les aidants ont pu dédramatiser la maladie, car ils se sont sentis accompagnés moralement et voient à ce jour la maladie différemment. Ainsi, il faut expliquer aux aidants comment utiliser leurs droits en acceptant d’être aidés par les professionnels de santé, et aussi partager leur expérience, tout en prenant soin d’eux dans ce contexte particulier si douloureux.

Cet article est le produit d’une communication au Comité d’éthique du CHU de Toulouse, réalisée le 8 avril 2013, à laquelle ont également contribué M.-P. Rodriguez, IDE clinicienne, consultations mémoire et oncogériatrie, CH Muret ; et M.-L. Lanefrède, psychologue, CH de Muret. Les propos n’engagent que les auteurs.

Remerciements :

Dr Carole Goineau, PH gériatre, unité gériatrique, CH de Muret. Dr Li Yong Tong, PH Gériatre, CS/SSR, unité de gériatrie, CH de Muret. Pr Fati Nourhashemi, pôle gériatrie, Gérontopôle. Pr Vellas, CHU de Toulouse.

NOTES

(1) Langage, praxie, gnosie, fonctions exécutives.

(2) « Pourquoi la maladie d’Alzheimer pose-t-elle des questions éthiques au moment du diagnostic ? », F. Pasquier, in colloque éthique : “Autour du diagnostic”, Lille, 28 sept. 2004.

(3) Florence Mahieux.

(4) Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé.

(5) Haute Autorité de santé.

(6) « À un stade précoce, annoncer un Alzheimer peut poser des problèmes éthiques », Pr P. Amouyel, directeur de la fondation Alzheimer, Le Monde, le 23 juil. 2012.

(7) Mild Cognitive Impairment : trouble cognitif léger.

(8) Affection de longue durée : ALD 15 maladie d’Alzheimer et autres démences. Liste des actes et prestations affection de longue durée, HAS, mai 2009. Guide médecin.

(9) Prestation de compensation du handicap.

(10) Code de l’Action sociale et des Familles.

(11) Institut national de la santé et de la recherche médicale.

(12) Andrieu S. et al., Charge ressentie par les aidants informels de patients atteints de la maladie d’Alzheimer au sein de l’étude REAL.FR : méthode de mesure et facteurs associés, Revue Médecine Interne, 2003 ; 24 (Suppl. 3) 351s-59s.

(13) Dr P. Thomas, chef de service de gériatrie, CHU de Poitiers.

(14) Université Paris-Ouest Nanterre La Défense, École doctorale 139 : Connaissance, Langage, Modélisation. Équipe d’Accueil 3460, thèse de doctorat de psychologie clinique, H. Kerherve, 9 avril 2010. Sous la direction de MC. Gay, maître de conférences en psychologie clinique.

(15) Étude de l’ensemble des processus qu’un individu interpose entre lui et un événement éprouvant. C’est une stratégie d’adaptation au stress tendant à retrouver l’équilibre personnel (traitement cognitif).

(16) Tyrell J. L’épuisement des aidants familiaux : facteurs de risque et réponses thérapeutiques. In : Alzheimer, l’aide aux aidants. Une nécessaire question éthique, Gaucher J., Ribes G., Damaud T., Édition de la Chronique Sociale, 2004.

(17) Saillon Alfred, Saillon Anne, L’aide aux soignants dans la maladie d’Alzheimer, La revue du praticien, Médecine Générale, 1995/4 ; tome 9 ; n° 293 : 11-14.

(18) Zarit S.H., Zarit J.M., The Memory and Behavior Problems Checklist and the Burden Interview, document technique, University Park PA, Pennsylvania State University, 1987.

(19) De Vugt ME, Stevens F, Aalten P, Lousberg R et al. Behavioral disturbances in dementia patients and quality of the marital relationship. Int J Geriatr Psychiatry 2003 ; 18 : 149-54.

(20) Corneille.

(21) Neuro Psychiatric Inventory : troubles psycho-comportementaux, inventaire psychiatrique, 12 items. Responsables de 50 % des hospitalisations en unité de soins aigus : apathie (20 %), hallucination, délire, dépression (35 %), agitation psychomotrice (verbale/physique), agressivité (30 %), altération du rythme veille/sommeil (30 %), déambulation, dysphorie.

(22) Symptômes psychologiques et comportementaux de la démence.

(23) Impact sur le coût : 30 % du coût direct.

(24) Indice de masse corporelle.

(25) Mini Nutritional Assessment : statut nutritionnel, 18 items.

(26) 70 à 85 %, des patients Alzheimer, en conséquence les fractures sont multipliées par 3 chez celui-ci au même âge du sujet non atteint.

(27) Du latin dolus de dolore : souffrir.

(28) Réaction à la perte de la relation d’échange en lien avec une pathologie des fonctions supérieures.

(29) Évaluation Gériatrique Standardisée.

(30) Quality Adjust Life Years. Années de vie sauvées ou qualité des années de vie sauvées ?

(31) Maison pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer, mesure n° 4, Plan Alzheimer 2008/2012. Dans la mythologie grecque, Maïa est l’aînée des Pléiades. Son nom signifie “petite mère”. Elle a dédié celui-ci à la Maïeutique, chère à Socrate. Le CH de Muret est pilote MAIA du sud de la Haute-Garonne depuis le 1er janvier 2013, après appel à projets de l’ARS.

(32) A contrario du modèle bureautique.

(33) Enquête “Usage du médicament à la maison” pour le Leem (Les entreprises du médicament), Ifop, 2008.

(34) A. Combarieu, Psychologue clinicienne, Hôpital Émile Roux, AP/HP, Capacité de Gériatrie, mars 2009.

(35) 1,6 milliard d’euros.

(36) La Cour des comptes demande de préciser ces allocations de ressources en évaluant les dispositifs actuels, avant le lancement officiel du nouveau plan, APM, 12 fév. 2013. Par ailleurs, 41 % seulement des crédits alloués au dernier plan Alzheimer ont été dépensés (comité de suivi national) à fin 2012, APM, le 27 mars 2013.

(37) Équipe spécialisée Alzheimer.

(38) Service de soins infirmiers à domicile.

(39) Hospitalisation à domicile.

(40) Allocation personnalisée d’autonomie, Conseil général.

(41) www.travail-solidarite.gouv.fr/ informations-pratiques/fiches-pratiques/conges-absences-du-salarie/conge-soutien-familial.html

(42) Agence nationale de l’habitat.

(43) Unité protégée.

(44) Ehpa : Établissement d’hébergement pour personnes âgées, Ehpad : dépendantes, UP : Unité protégée, USLD : Unité de soins de longue durée.

(45) Il en existe un en ville, à Muret.

(46) Un projet est en cours sur le CH de Muret, porté par la psychologue de l’unité gériatrique.

(47) Allô France Alzheimer : 0811 112 112.

(48) Amélioration de l’habitat, chèques transports, chèques sortir +.

Quelques chiffres

La maladie d’Alzheimer et les pathologies apparentées représentent à l’heure actuelle 860 000 personnes atteintes, 220 000 nouveaux cas par an(1), et 75 % des malades vivent à domicile. À travers le monde, on estime à 35 millions le nombre de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer aujourd’hui, et une projection à 20 ans, en l’état actuel de la science, objective 1 275 000 cas en 2020 et 2 150 000 en 2040, en France(2). Ainsi cette maladie est la première cause de démence dégénérative à ce jour. C’est un problème majeur de santé publique, retentissant – sur la vie professionnelle, familiale, sociale – et sur les activités de la vie quotidienne.

Notes

(1) La pathologie peut toucher le sujet jeune (formes familiales), encore plus dramatique.

(2) Association France Alzheimer, le 22 fév. 2013. Par ailleurs, 14 000 associations dédiées à la santé en France, Annuaire des associations de santé (AAS).

HISTORIQUE

– Le contexte occidental, génère un refus de la maladie, de la souffrance, a fortiori de la mort.

– Une prégnance américaine, d’où l’émergence du “jeunisme” marquée, une inadéquation de l’offre à la demande sur le segment stratégique particulier de la santé, puisqu’on observe une non-satiété du consommateur de santé, quelle que soit la qualité de soins offerte, et qu’il y a une augmentation de l’espérance de vie(1).

– Enfin, on a assisté à une mutation sociétale de la famille traditionnelle depuis l’avènement de l’ère industrielle.

– C’est Aloïs Alzheimer (1864-1915), médecin psychiatre et neuropathologiste allemand, qui diagnostique pour la première fois la maladie en étudiant le cerveau des personnes atteintes de démence, grâce à une nouvelle technique de coloration des tissus cérébraux en post-mortem. Il décrit sa première observation en 1906 (August D.), puis une seconde identique en 1911. C’est une affection neurodégénérative d’évolution progressive du tissu cérébral, caractérisée par l’altération intellectuelle irréversible, aboutissant à un syndrome démentiel. Elle est la principale cause de démence chez la personne âgée (70 %).

– C’est le psychiatre allemand Emil Kraepelin (1856-1926) qui proposa que la maladie porte le nom d’Alzheimer, en hommage à son découvreur.

– Auparavant, le concept de démence sénile remontait à Jean-Étienne Esquirol (1772-1840), médecin psychiatre français(2).

Notes

(1) Néanmoins écologie défavorable, impact négatif sur la santé, inversion de la courbe. Par ailleurs, la France détient le dommageable record d’Europe des décès précoces : « État de santé des Français : une mortalité prématurée toujours plus élevée que dans les autres pays européens » (décès avant 65 ans, 20 % du total des décès, 70 % concernent les hommes), Drees, APM, 28 juillet 2010.

(2) Considéré comme le père de l’hôpital psychiatrique français. Il fit en effet voter la loi de 1 838 obligeant chaque département à se doter d’un hôpital spécialisé.