Les veilleurs de vie au chevet des dons de moelle osseuse - Objectif Soins & Management n° 216 du 01/05/2013 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 216 du 01/05/2013

 

Promotion de la santé

Claire Funes*   Dominique Cortes Pont**   Paul Fabrègue***  

À l’Ifsi de Montélimar, une journée d’inscription sur le registre France de donneurs de moelle osseuse a été organisée le 5 juillet 2012, afin d’augmenter le nombre d’inscrits sur la liste des veilleurs de vie. Un acte solidaire pour des acteurs de soin.

Le don de moelle consiste en un prélèvement d’une certaine quantité de moelle osseuse chez un donneur volontaire en vue d’une transplantation sur un malade en attente de greffe. Cette technique relativement récente est réalisée sur une personne dont la moelle osseuse propre n’est plus fonctionnelle, qu’elle n’assure pas ou plus correctement la fabrication de cellules hématopoïétiques.

Ce traitement est utilisé pour soigner des leucémies et autres maladies du sang dans 80 % des cas, mais certains patients souffrant de maladies plus rares – comme l’anémie de Fanconi, l’aplasie médullaire ou encore certaines anomalies héréditaires du sang – peuvent également en bénéficier.

Pour que la greffe de moelle osseuse soit possible, il faut qu’il y ait compatibilité entre le donneur et le receveur.

Des tests de typage HLA (Human Leukocyte Antigen) sont donc réalisés car, si la chance d’être compatible entre un frère et une sœur est de une sur quatre, la probabilité entre deux individus lambda tombe à une chance sur un million. C’est pourquoi il est important d’avoir le plus grand nombre possible de personnes inscrites sur la liste des “veilleurs de vie”.

GENÈSE DE LA JOURNÉE D’INSCRIPTION

Chaque année, l’association “Moelle Partage et Vie”, à la demande des formateurs de l’Ifsi de Montélimar, intervient sur le don de moelle osseuse chaque année. Les objectifs de ce temps de formation sont :

• d’informer les étudiants infirmiers de 3e année sur les modalités thérapeutiques liées à cette technique ainsi que sur l’organisation du dispositif de don et de greffe ;

• de sensibiliser les étudiants de 3e année à un geste solidaire et responsable qu’est le don de moelle osseuse ;

• de susciter des vocations de donneurs de moelle osseuse.

C’est à l’issue de ce temps d’échange que Paul Fabrègue, président de “Moelle Partage et Vie”, a proposé aux étudiants d’organiser à l’Ifsi une journée d’inscription sur le registre France greffe de moelle. Le challenge étant d’avoir au moins une quinzaine de personnes volontaires pour qu’une équipe de l’EFS (Établissement français du sang) de Valence se déplace à Montélimar. Au cours de cette journée, le 100e donneur 2012 de Drôme/ Ardèche a d’ailleurs été inscrit.

EN PRATIQUE

Tests de compatibilité

Dans la base de données qui constitue l’inscription sur le registre des donneurs volontaires de moelle osseuse (DVMO), on trouve des renseignements civils et médicaux, mais également les données génétiques qui vont permettre les tests de compatibilité avec le receveur. Pour réaliser le typage HLA, il existe deux techniques : prise de sang ou bien prélèvement salivaire. À l’Ifsi de Montélimar, c’est le prélèvement salivaire qui a été retenu. Un échantillon de salive de 2 ml environ est recueilli dans un tube conçu à cet effet. À partir de cet échantillon, sera fait l’extraction de l’ADN et la première approche de la carte génétique (antigènes de surface des globules blancs).

Après plusieurs étapes (prélèvements successifs pour affiner la compatibilité entre donneur et receveur), si le donneur volontaire a la chance d’être compatible, le prélèvement de moelle osseuse est organisé.

Moyens de prélèvement

Il peut être réalisé de deux manières différentes : le prélèvement par aphérèse (de sang) ou le prélèvement dans l’os iliaque (os plat du bassin).

Le choix s’effectue sur des critères stricts revenant au cancérologue ou hématologue en fonction de l’âge du malade, du stade de la pathologie et de son type des traitements antérieurs reçus.

Par aphérèse

Le prélèvement des cellules souches périphériques (CSP) utilise l’aphérèse. C’est-à-dire le prélèvement sanguin avec cir­culation extracorporelle, centrifugation du sang destinée à ne garder que les cellules hématopoïétiques (CD34) qui iront remplir la poche (de moelle osseuse), et restitution au donneur de ses globules rouges, plaquettes et plasma. Un médicament destiné à faire migrer les cellules souches hématopoïétiques de la moelle au sang est administré pendant les quatre jours qui précèdent le prélèvement qui se fait sur une demi-journée sans anesthésie.

Dans l’os iliaque

La deuxième technique consiste à prélever directement la moelle osseuse à l’endroit où elle se trouve en plus grande quantité, c’est-à-dire dans les os plats de la crête iliaque postérieure. Cet acte est réalisé sous anesthésie générale et une hospitalisation d’environ 48 heures est programmée. La quantité prélevée est calculée en fonction du poids du patient en tenant compte de celui du donneur. On sait que le corps régénère la quantité des cellules prélevées en dix jours environ.

Organisation

Tous les frais subis par le donneur (hospitalisation, transports) sont pris en charge, conformément à la législation. Le prélèvement est planifié un à trois mois à l’avance environ, ce qui permet au donneur de s’organiser et de mettre en place le conditionnement (traitement spécifique), du receveur en chambre stérile.

ORGANISATION DU DISPOSITIF EN FRANCE

En France, la grande majorité des campagnes de recrutements de donneurs est mise en place par l’Établissement français du sang (EFS) qui prend également en charge deux tiers des typages HLA. Organisé en dix-sept régions, en partenariat avec les centres hospitaliers, il assure ainsi la réalisation d’un dispositif organisé et encadré par l’Agence de la biomédecine. Celle-ci légifère, fixe des objectifs et publie des rapports d’activité annuels sur le don de moelle osseuse.

On apprend ainsi que le nombre d’inscrits au registre France greffe de moelle s’élève à présent à près de 200 000 inscrits. L’objectif est d’inscrire 15 000 nouveaux donneurs par an net, ce qui représente en fait 18 000 nouveaux donneurs à inscrire par an (ce chiffre tient compte des donneurs retirés du fichier car arrivés en limite d’âge, des personnes que l’on retire du fichier pour cause de pathologies et des perdus de vue) de façon à atteindre le chiffre de 240 000 donneurs inscrits sur le fichier français des donneurs volontaires de moelle osseuse en 2014.

UN ENGAGEMENT CITOYEN À L’IFSI DE MONTÉLIMAR

Si les recrutements ciblent une population âgée de 18 à 51 ans, cela garantit en principe un certain maintien dans le temps de la validité des inscriptions au registre. Malgré cela, il peut parfois s’écouler dix ans entre le moment où la personne devient donneur volontaire et celui ou une compatibilité est repérée.

Dans les départements Drôme-Ardèche, les objectifs sont de 350 nouveaux inscrits pour l’année 2012. Le 5 juillet, grâce à l’engagement des dix-huit étudiants infirmiers de Montélimar, le chiffre 100 a été atteint, mais les 350 personnes apparaissent encore comme un défi à relever.

Si de plus en plus de greffes sont réalisées chaque année, de nombreux efforts restent encore à faire, car les chances de compatibilité entre donneurs et receveurs restent infimes (une sur un million) et de nombreux malades meurent encore, faute de greffe. Dans l’absolu, le don de moelle est une technique magnifique qui apparaît comme un miracle d’humanité et de science. Et il est regrettable de constater que, si cette pratique est encore si peu développée, c’est parce que le nombre d’inscrits demeure encore trop faible.

L’accent pourrait être encore d’avantage mis sur la solidarité et l’engagement citoyen que représente le don, en particulier dans les lieux de formation, les écoles et entreprises, le milieu médical.

Avec ses presque 200 000 veilleurs de vie, comme nous les appelons en France, le don de moelle osseuse apparaît comme un bel exemple de solidarité internationale. C’est pourtant à une plus petite échelle que les progrès peuvent être réalisés, en partageant informations, expériences, réflexions…

APPORTS À LA FORMATION IDE

Dans le cadre de la formation en soins infirmiers et de l’enseignement de l’unité relative aux processus tumoraux, l’organisation de cette journée d’information et d’inscription sur le registre des donneurs volontaires a permis un approfondissement des connaissances théoriques concernant la greffe de cellules hématopoïétiques, les pathologies associées à ce traitement, ainsi que la prise en charge des patients.

Plus largement, une telle journée d’action engage les futurs professionnels dans une démarche collective de promotion de la santé. L’étudiant infirmier, en faisant part de son expérience et en apportant des informations à son entourage personnel et professionnel, participe activement à un processus qui vise à faire de chaque citoyen qui le souhaite, professionnel de santé ou non, un acteur de soin.

LÉGISLATION

En matière de législation, le don de moelle osseuse est encadré par la loi de bioéthique du 7 juillet 2011. Les articles du Code de la Santé publique qui la composent stipulent l’anonymat entre donneurs et receveurs, la gratuité du don ainsi que le consentement libre et éclairé du donneur qui fait suite à une information détaillée concernant les risques et les conséquences du don. Ce consentement est recueilli par une autorité judiciaire et est révocable à tout moment.

Historique de la greffe et du don de moelle osseuse

Induite pour tenter de répondre à des irradiations nucléaires, les premières greffes de moelle osseuse débutent après 1945. Rapidement, se pose le problème de la compatibilité, car le rejet est la cause de tous les échecs. En 1966, les greffes, pourtant familiales, ne font dans la plupart des cas que retarder la mort de malades avec les symptômes fulgurants de la maladie du greffon, symptomtique en cas de rejet (lésion de la peau, nécrose hépatique, diarrhée, perte de poids). Le traitement immunosuppresseur, ainsi que la découverte du système d’histocompatibilité, que l’on doit à un Français, le professeur Jean Dausset (prix Nobel de médecine en 1980) permettent en 1968 la première transplantation réalisée avec succès. Celle-ci est réalisée sur un patient en déficit immunitaire grâce un donneur HLA compatible.

L’activité de transplantation se développe alors réellement dans les années 1980 en s’étendant aux donneurs non apparentés.

Le registre international des donneurs volontaires voit le jour dès 1970 en Grande-Bretagne, rejoint par la France en 1986. Les efforts communs de ces deux pays, puis des Pays-Bas et des États-Unis, donnent alors lieu à la mise en place de procédures applicables au niveau mondial quant à la greffe de moelle osseuse.

Depuis, la recherche continue d’évoluer et les techniques s’affinent d’année en année, ce qui permet des réussites thérapeutiques de plus en plus nombreuses.

SOURCES • Agence de la biomédecine, Engagez-vous pour la vie, Saint-Denis la Plaine, septembre 2011, 8 p. • Registre France greffe de moelle, mis à jour le : 25.05.12, site consulté le 12.07.2012, www.agence-biomedecine.fr • EFS Missions, site consulté le 12.07.2012, www.dondusang.net