Détecter au plus tôt l’AVC pour en limiter la gravité - Objectif Soins & Management n° 211 du 01/12/2012 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 211 du 01/12/2012

 

Promotion de la santé

Isabelle Meersman*   Laaziza Kaddouri**   Nadir Debas***   Chrystel Michel****  

En France, toutes les quatre minutes, une personne est victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Cette pathologie représente la première cause de handicap grave et la seconde cause de démence après la maladie d’Alzheimer.

L’enquête que nous avons menée sur le terrain confirme le manque de connaissance de la population générale sur cette pathologie qui fait des centaines de morts chaque année ou qui engendre des handicaps irréversibles. D’après le rapport Fery-Lemonnier datant de juin 2009 sur la prévention et la prise en charge des AVC (1), il s’avère que le public est insuffisamment informé sur les signes d’alerte. Pourtant, une prise en charge multiprofessionnelle précoce permettrait la réduction de la sévérité des séquelles fonctionnelles.

PRÉVENTION

Le Plan national d’action 2010-2014 encourage toutes les initiatives de prévention pouvant éduquer le grand public aux signes d’AVC et sur les premiers réflexes permettant un délai de prise en charge rapide des patients. Devant les conséquences dévastatrices des affections neurovasculaires sur le territoire national, la Haute Autorité de santé (HAS) a fixé quatre objectifs de recommandations de bonne pratique, ainsi que cinq messages clés à l’intention du grand public.

Les quatre objectifs de la HAS

• Identifier les éléments d’information du grand public pour le sensibiliser aux signes d’alerte et à l’urgence de la prise en charge de l’AVC (campagnes d’information, message FAST ?(2) transmis par le médecin traitant…).

• Optimiser la filière préhospitalière et intrahospitalière initiale des patients ayant une suspicion d’AVC, afin de pouvoir proposer une meilleure prise en charge au plus grand nombre de patients atteints d’AVC (sensibilisation et formation de l’ensemble des professionnels impliqués dans la prise en charge des patients ayant un AVC).

• Réduire la fréquence et la sévérité des séquelles fonctionnelles associées aux AVC grâce à une prise en charge multiprofessionnelle précoce, réalisée le plus rapidement possible en Unité neurovasculaire (UNV) ou, à défaut, dans un établissement ayant structuré une filière de prise en charge des patients suspects d’AVC en coordination avec une UNV (formation professionnelle).

• Améliorer les pratiques professionnelles des médecins régulateurs des Samu, des urgentistes et de l’ensemble des professionnels intervenant dans la prise en charge précoce des AVC, y compris des accidents ischémiques transitoires.

Les cinq messages clés

• L’AVC est une urgence absolue.

• Tout déficit neurologique brutal transitoire ou prolongé impose l’appel immédiat du Samu.

• Le médecin régulateur doit proposer en priorité tout patient ayant des signes évocateurs d’un AVC à une UNV.

• Les patients ayant des signes évocateurs d’un AVC doivent avoir très rapidement une imagerie cérébrale, autant que possible par IRM.

• Après avis neurovasculaire et si elle est indiquée, la thrombolyse doit être effectuée au plus tôt.

L’ENQUÊTE

Notre démarche se veut en adéquation avec les textes visant à répondre à une priorité de santé publique. L’AVC constitue un véritable enjeu pour notre système de santé, tant sur le plan national que pour notre région, la Picardie. Pour mener notre enquête, nous avons élaboré un questionnaire diffusé auprès de cent personnes résidant dans les bassins creillois et beauvaisien, dans l’Oise.

Des signes connus, mais confondus

Les résultats obtenus mettent en exergue qu’une majorité des personnes âgées de 20 à 40 ans connaissent au moins deux, voire trois signes de l’AVC. Nous constatons également que les enquêtés de plus de 50 ans confondent les signes de cette pathologie avec les signes de l’infarctus du myocarde.

L’origine des informations sur les signes

L’autre révélation de cette enquête est l’origine des informations sur les signes de cette pathologie (cf. graphique ci-dessous). Comme l’illustre ce graphique, 59,7 % des personnes enquêtées connaissent les signes d’AVC via leur entourage. Ceci démontre une réelle carence des moyens mis en œuvre par les pouvoirs publics pour communiquer sur cette pathologie. En effet, si les fréquentes campagnes de sensibilisation trouvent un écho positif auprès de la population, elles s’essoufflent au bout de quelques mois.

Appeler le 15

L’analyse de l’enquête démontre également que 45,3 % des personnes ont le réflexe d’appeler le Samu en cas de survenue de l’un des principaux signes de l’AVC. Il est aussi important de souligner que 7,8 % des personnes interrogées ne connaissent pas la conduite à adopter face aux premiers signes d’alerte.

Notre enquête, bien qu’elle soit restreinte, est tout à fait représentative des données épidémiologiques nationales.

LES ACTIONS PRÉCONISÉES

Connaître les premiers symptômes

La survenue d’un AVC constitue une véritable urgence. La connaissance des premiers symptômes permet de réagir au plus vite. Les premières heures suivant un AVC sont capitales, car elles peuvent limiter l’extension des lésions cérébrales et ainsi la gravité des séquelles.

Informer les plus jeunes

Il est nécessaire qu’apparaisse une complémentarité entre les campagnes grand public et les interventions éducatives menées par les pouvoirs publics. On pourrait imaginer une campagne d’information sur les signes de l’AVC, au même titre que les gestes de premiers secours, inculqués dès l’école primaire. Une sensibilisation des plus jeunes paraît essentielle pour consolider et pérenniser l’éducation de la population.

Mission d’éducation transversale pour les professionnels

On devrait également retrouver, au niveau des professionnels de santé, une mission transversale d’éducation sur ce sujet dans les services de soins, ainsi que dans les services spécialisés dans le suivi et le traitement de l’obésité. Même si ce travail est déjà effectué par des professionnels aguerris, il faut renforcer le message pour qu’il soit plus largement intégré.

CONCLUSION

L’augmentation de l’espérance de vie, associée à un ou des facteurs de risque, entraîne de facto la fréquence des AVC. Ils sont responsables d’un coût socio-économique considérable, avec une dépense annuelle d’environ 8 milliards d’euros. Cependant, une disparité territoriale persiste sur le risque de séquelles en cas d’AVC : par exemple, ce risque est de 58 % en Picardie, alors qu’il n’est que de 40 % en région toulousaine. À l’instar des propositions gouvernementales de 2008 relatives à la création d’une cinquième branche de la Sécurité sociale pour financer la dépendance, l’enjeu de santé publique que représentent les AVC mériterait qu’ils deviennent l’une des priorités nationale.

Malheureusement, les pouvoirs publics se trouvent dans une période de rationalisation financière, et les différents programmes d’action sont actuellement ajournés.

NOTES

(1) Lire ce rapport sur le lien raccourci : http://petitlien.fr/66m7

(2) Face Arm Speech Time : perte de force ou engourdissement au visage, perte de force ou engourdissement au membre supérieur, trouble de la parole : appeler le service de prise en charge en urgence si l’un de ces trois symptômes est survenu de façon brutale ou est associé à l’apparition brutale de troubles de l’équilibre, ou de céphalée intense, ou d’une baisse de vision.

UN CONSTAT FRANÇAIS ALARMANT

L’AVC représente une dépense annuelle d’environ 8,3 milliards d’euros. C’est aussi :

• la troisième cause de mortalité ?;

• la deuxième cause de démence après la maladie d’Alzheimer ;

• la première cause de handicap grave (70 % des survivants conservent un handicap, 30 % récidivent à 5 ans).

On compte 150 000 nouveaux cas d’AVC par an.

L’état des lieux se révèle assez catastrophique :

• 50 % des patients arrivent à l’hôpital trois heures et demi après le début des symptômes ;

• le délai d’imagerie est de deux heures et demi en moyenne.

Les facteurs de risque

• Hypertension artérielle

• Tabagisme

• Sédentarité

• Stress

• Obésité

• Troubles du rythme cardiaque

• Cholestérol

• Diabète

• Antécédents familiaux d’accident cardiovasculaire

[Article écrit au cours de notre formation à l’IFCS de Bois-Larris (IRFSS Picardie) promotion 2011-2012.

BIBLIOGRAPHIE

• “Synthèse du rapport Fery-Lemonnier” (juin 2009). Consultable en ligne : http://petitlien.fr/67wi • Plan d’actions national AVC 2010-2014. Consultable sur le site du ministère de la Santé : http://petitlien.fr/67wj • “Synthèse des recommandations de bonne pratique HAS” : http://petitlien.fr/67wl (www.has-sante.fr).