Chutes de la personne âgée - Objectif Soins & Management n° 210 du 01/11/2012 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 210 du 01/11/2012

 

Promotion de la santé

Sandrine Secleppe*   Karine Saussois**   Ruth Duro***   Catherine Trocchia****  

Les chutes sont responsables de 12 000 décès par an et représentent un facteur important d’entrée dans la dépendance : 40 % des sujets hospitalisés pour chute sont ensuite orientés vers une institution. Il s’agit d’un réel problème de santé publique, le coût d’une chute étant estimé à environ 2 600 euros à la collectivité.

Le législateur est en passe de créer un nouveau champ de la protection sociale concernant un cinquième risque, également appelé “risque dépendance” ou “risque perte d’autonomie”. Le contexte sociétal met en exergue l’importance de la prise en charge de la dépendance de la personne âgée dans sa phase de prévention et de recherche du maintien de son autonomie. En 2007, la création de l’Anesm(1) reconnaît l’importance de définir de bonnes recommandations appuyées sur un référentiel spécifique aux établissements médico-sociaux. Une enquête réalisée dans un hôpital de Picardie accueillant 239 patients/résidents a permis de définir les trois objectifs suivants : sensibiliser les soignants, les patients et l’entourage au risque de chute éventuelle, réduire le nombre de chutes et également éviter la perte d’autonomie que pourrait impliquer une chute. La particularité de l’établissement enquêté est de conjuguer un secteur sanitaire et un secteur médico-social. Il est composé d’un service de Soins de suite et de réadaptation (SSR), d’une Unité de soins de longue durée (USLD) et de trois Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). L’enquête (cf. page 48) a été menée dans l’un des Ehpad de cet hôpital accueillant 81 résidents âgés de 60 à 102 ans selon une méthodologie en 4 étapes : identification du dysfonctionnement, analyse, actions d’amélioration et évaluation.

ÉTAPE 1 : IDENTIFIER LE DYSFONCTIONNEMENT

La première étape a consisté en l’identification du dysfonctionnement, à savoir le nombre important de chutes de la personne âgée constaté sur cette structure.

Méthodologie

Afin de mettre en évidence les facteurs responsables de ces chutes et de permettre d’établir des axes d’amélioration, il semblait pertinent de procéder à une analyse rétrospective à partir de l’étude des 55 constats de chutes recensés sur une période de trois mois (du 6 août au 6 novembre 2011).

Trois thèmes

Ils ont été définis afin d’ordonner les éléments recherchés et d’élaborer une grille recensant les étiologies susceptibles d’être à l’origine des chutes (cf. ci-contre). Le premier thème présente le profil de la personne, l’existence d’antécédents de chutes et une éventuelle prise en charge en rééducation.

Le second thème recense toutes les causes intrinsèques et extrinsèques, les pathologies et les traitements rencontrés. Enfin, le troisième permet d’identifier les circonstances et les conséquences des chutes.

ÉTAPE 2 : ANALYSE

L’analyse, après l’enquête, a permis d’établir les constats suivants :

• 90 % des résidents ayant chuté sont institutionnalisés depuis moins de cinq ans,

• 83,6 % des résidents ayant chuté présentent des antécédents de chutes,

• 90,9 % sont des femmes,

• 93 % ont plus de 80 ans,

• 61 % se déplacent en fauteuil roulant,

• 29,1 % se déplacent avec une aide technique,

• 100 % ne bénéficient pas de rééducation,

• 58,2 % sont sous psychotropes,

• 90,9 % ont un traitement de plus de quatre médicaments,

• 87,3 % présentent une pathologie susceptible de provoquer une chute (maladie d’Alzheimer, Parkinson, incontinence, dépression, divers troubles cognitifs),

• 92 % ont chuté lors de déplacements (en allant ou bien en revenant des toilettes, en voulant se lever),

• 65,5 % ont chuté alors qu’ils étaient seuls dans leur chambre,

• 50 % des chutes ont entraîné des conséquences variables, allant de la simple douleur à la fracture.

La conclusion de cette enquête a mis en exergue certains points essentiels comme la polymédication, les polypathologies de la personne âgée, la nécessité de mettre en place des séances d’activités physiques adaptées aux personnes âgées et l’importance de recruter un kinésithérapeute.

ÉTAPE 3 : ACTIONS D’AMÉLIORATION

La troisième étape a permis de construire les actions d’amélioration qui visent à sensibiliser les différents acteurs concernés.

Personnes âgées

• Envisager la diffusion d’un spot de sensibilisation avant chaque séance de cinéma programmée dans le cadre de l’animation interne.

• Positionner des affichettes de prévention dans les lieux communs.

Personnel paramédical

• Le sensibiliser à la prévention des chutes en l’incitant à se former à la méthode Gapa(2) qui présente le double avantage de redonner de l’autonomie à la personne âgée tout en protégeant le soignant.

• Former les animatrices afin qu’elles puissent dispenser des séances de gymnastique douce (prévention).

• Évaluer les besoins en aide technique par les kinésithérapeutes eux-mêmes.

Personnel médical

• Le sensibiliser à la limitation des prescriptions.

• Poursuivre la dynamique d’implication de la pharmacienne dans l’analyse et la validation des prescriptions.

• Faire prescrire des séances de kinésithérapie par les médecins coordinateurs lors des visites pluridisciplinaires.

Il est apparu indispensable, au terme de cette analyse, d’envisager la création d’une salle de kinésithérapie. En effet, l’absence actuelle de salle de rééducation est, d’une part, un véritable obstacle pour l’attractivité des professionnels de la rééducation et, d’autre part, un frein pour l’admission de patients souffrant de pathologies nécessitant une prescription de soins de réadaptation. L’aménagement de cet espace et l’acquisition des équipements indispensables à des prises en charge de qualité apporteront une plus-value à l’établissement sur lequel cette enquête a été menée.

ÉTAPE 4 : ÉVALUATION

La dernière étape, planifiée à six mois de distance de la première, consistera à évaluer l’efficacité des actions mises en place, à savoir : effectuer une nouvelle analyse des constats de chute et des dossiers de soins à l’aide de la même méthodologie et des mêmes questionnaires sur une période rétroactive de trois mois. L’analyse des résultats et la comparaison avec les précédents seront illustrées par des courbes comparatives, le réajustement des pratiques du personnel paramédical et médical engagera des actions correctives si nécessaire, et une sensibilisation des nouveaux résidents dès l’admission sera entreprise.

UNE MOBILISATION PLURIDISCIPLINAIRE S’IMPOSE

Chuter peut entraîner des suites non négligeables, surtout chez la personne âgée. Il ne faut pas en minimiser les conséquences, même sans gravité. En effet, une chute peut aboutir à une institutionnalisation non préparée et décidée en urgence. La prévention en matière de chute est donc une mesure difficile à respecter. Sa maîtrise mérite que tous les acteurs de la santé y soient particulièrement attentifs et y associent tous les savoirs qui leur sont propres. La collaboration pluridisciplinaire s’avère donc essentielle afin de mettre en commun des compétences au service de la personne âgée…

Travail réalisé dans le cadre de la formation à l’Institut de formation des cadres de santé de Bois-Larris, IRFSS Picardie. Nous tenons à remercier particulièrement Anne Millot, formatrice, pour nous avoir encouragées dans cette étude.

NOTE

(1) Agence nationale de l’évalution et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux.

(2) Gestes et activation pour les personnes âgées, Paul Dott.

POUR EN SAVOIR PLUS

RECOMMANDATIONS DE LA HAS

→ À lire sur le site “Chutes répétées des personnes âgées : recommandations pour la prise en charge”, en suivant ce lien raccourci : http://petitlien.fr/6527

→ “Évaluation et prise en charge des personnes âgées faisant des chutes répétées”, recommandations professionnelles, avril 2009.

→ “Prévention des chutes accidentelles chez la personne âgée”, recommandations professionnelles, novembre 2005.