Un engagement infirmier pour la santé au travail - Objectif Soins & Management n° 207 du 01/06/2012 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 207 du 01/06/2012

 

VÉRONIQUE BACLE

Parcours

Joëlle Maraschin  

Ancienne infirmière du travail dans une usine du Nord de la France, Véronique Bacle est aujourd’hui responsable d’une quarantaine d’infirmiers de santé au travail dans un service inter-entreprises à Lille. Elle fait partie des rares cadres infirmiers qui exercent leur mission dans le champ de la santé au travail.

Infirmière diplômée depuis 1975, Véronique Bacle a commencé sa carrière professionnelle par des missions d’intérim et de remplacement dans sa région lilloise : un poste de nuit dans une clinique chirurgicale, une année passée dans un dispensaire de soins infirmiers à domicile…

C’est à l’occasion d’un remplacement qu’elle découvre l’exercice infirmier en milieu de travail. Elle y apprécie l’autonomie de l’exercice infirmier, l’absence de poids de la hiérarchie et notamment la dimension relationnelle avec les salariés. « On ne devient pas infirmier par hasard. Je pense que, dans le choix de la profession, interviennent déjà l’attention portée à l’autre et ses conditions de vie, la prise en compte de la santé globale. Je n’étais pas particulièrement attirée par l’aspect technique du soin, la vision curative, mais plutôt par la prévention, l’aspect social et relationnel du soin », analyse-t-elle aujourd’hui.

Lacune de la formation initiale infirmière

En 1980, elle est recrutée comme infirmière de santé au travail (IST) chez Brandt Industrie, une grosse entreprise industrielle de 1 300 salariés à Lesquin dans le Nord. Elle va y rester pendant plus de douze ans, en fait jusqu’à la fermeture de l’entreprise. Très vite, elle s’aperçoit des lacunes de la formation initiale infirmière en matière de santé au travail. « Il me manquait des clés de compréhension, des éléments pour bien exercer mon métier, précise-t-elle. Notre mission essentielle est d’éviter que le travail n’altère la santé des salariés, une mission à laquelle nous ne sommes pas préparées dans nos études infirmières. » À la fin des années 1980, elle entreprend de passer une licence puis une maîtrise de sciences sociales appliquées au travail à l’université Lille 3.

Cette formation universitaire lui permet d’évoluer au sein de l’entreprise. Tout en assurant la responsabilité du service infirmier, elle assume également les missions de conseillère sociale pour les salariés. « L’infirmerie de l’entreprise est une bulle, un endroit où les salariés viennent se raconter en toute confiance. Nous n’avions plus d’assistance sociale dans l’entreprise, j’étais chargée d’orienter les salariés qui rencontraient des problèmes sociaux vers les services compétents », explique-t-elle.

L’usine de Lesquin connaît une succession de plans sociaux, suivis d’une délocalisation de ses activités. L’annonce de la fermeture de l’entreprise est vécue comme un drame et une terrible violence pour les salariés. « En tant que soignants, nous les avons accompagnés jusqu’au bout. C’était très important que nous puissions écouter leur souffrance et leur mal-être, leur dire que leur colère était légitime », se souvient-elle.

Conseillère technique

En 1992, elle est recrutée comme infirmière de santé au travail par le Service social du travail du Nord de la France (SSTRN).

Il s’agit d’un service inter-entreprises, une association gérée paritairement par les représentants employeurs et salariés dont l’objectif est de mettre à disposition des entreprises des assistantes sociales et des infirmières en santé au travail. Le Code du Travail prévoit en effet l’embauche d’au moins un infirmier du travail pour les établissements industriels de 200 salariés ainsi que pour les autres entreprises de plus de 500 salariés. Les entreprises ont la possibilité soit de recruter directement une infirmière, soit de passer par un service inter-entreprises pour assurer leurs obligations réglementaires.

En 2002, elle occupe le poste de conseillère technique infirmière du SSTRN, c’est-à-dire infirmière référente pour les IST du service. Afin de répondre aux demandes des entreprises, le SSTRN multiplie les recrutements d’infirmiers. Pour encadrer ces IST de plus en plus nombreux, Véronique Bacle est nommée en 2010 responsable du pôle infirmier.

Responsable du pôle infirmier

Elle encadre aujourd’hui 38 infirmiers salariés du SSTRN, mais qui exercent leurs missions au sein des entreprises adhérentes du service. « Mes missions aujourd’hui sont finalement très proches des missions d’un cadre de santé à l’hôpital », estime-t-elle. C’est elle qui gère l’aspect ressources humaines pour les professionnels infirmiers : recrutement et entretiens d’embauche, gestion des absences et des remplacements, évaluations professionnelles, accueil des étudiants en soins infirmiers pour les stages, etc.

Elle se déplace régulièrement sur le terrain pour conseiller et soutenir les membres de son équipe, intervient parfois comme médiateur entre le médecin du travail et l’infirmier, voire entre l’infirmier et l’entreprise, pour rappeler les missions dévolues aux professionnels de santé au travail. Elle organise également des rencontres autour de l’échange de pratiques, des formations autour de grandes thématiques, suit les “passeports formation” des infirmiers. « Même si une spécialisation n’est pas exigée à l’embauche, tous nos professionnels doivent passer la licence santé et travail dans les trois ans », souligne-t-elle.

Enfin, elle suit la mise en œuvre des démarches qualités qui font l’objet d’une certification ISO du service.

Responsable pédagogique de la licence santé travail

Très attachée à une formation et à une spécialisation des infirmières de santé au travail, gages du développement de leur compétence mais aussi de leur reconnaissance, Véronique Bacle s’est beaucoup investie depuis 1995 dans la création de diplômes universitaires. Elle a d’ailleurs participé à la mise sur pied d’un des premiers DIUST (Diplôme inter-universitaire santé et travail), puis à la licence santé travail de l’université Lille 2.

Responsable pédagogique de cette licence, elle y consacre aujourd’hui environ un tiers de son activité professionnelle. « Les promotions sont de plus en plus importantes. Nous formons aujourd’hui une cinquantaine d’infirmiers de santé au travail chaque année », précise-t-elle.

Ancienne présidente du GIT (Groupement des infirmières du travail), Véronique Bacle entend défendre la profession et l’importance de la santé au travail. Elle a rejoint depuis cinq ans le Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST), dont elle est la secrétaire générale adjointe. C’est une occasion pour elle de rencontrer l’ensemble des acteurs et d’expliquer les spécificités de l’expertise infirmière. Citoyenne engagée, elle est aussi conseillère municipale à Lille chargée de la politique périscolaire auprès de l’équipe Martine Aubry.