La nouvelle attribution des missions de service public hospitalier - Objectif Soins & Management n° 202 du 01/01/2012 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 202 du 01/01/2012

 

Économie de la santé

Didier Jaffre  

INNOVATION → Au moment où les agences régionales de santé s’apprêtent à arrêter leur projet régional de santé, dont le schéma régional d’organisation des soins, il convient de rappeler qu’une innovation majeure de la loi HPST sera mise en œuvre : celle de l’attribution des missions de service public hospitalier.

La loi HPST du 21 juillet 2009 a profondément modifié l’attribution des missions de service public hospitalier, cellesci n’étant plus l’apanage des seuls établissements de santé publics.

LES MISSIONS DE SERVICE PUBLIC HOSPITALIER REDÉFINIES PAR LA LOI HPST

La loi HPST a apporté un important changement en matière de service public hospitalier. D’une part, les missions de service public sont redéfinies et au nombre de quatorze, allant de la permanence des soins aux soins dispensés aux détenus, en passant par la recherche, les actions d’éducation, l’aide médicale urgente. D’autre part, ces missions ne sont plus seulement l’apanage des établissements de santé mais peuvent être assurées par les centres de santé, les maisons de santé, les pôles de santé, le service de santé des armées, les groupements de coopération sanitaire, les titulaires d’autorisation d’équipement lourds, ou encore les praticiens exerçant dans ses structures. Par ailleurs, lorsque l’une des quatorze missions de service public n’est pas assurée dans un territoire de santé, le directeur général de l’ARS (DGARS) désignera qui en sera chargé, dans le cadre d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens ou d’un contrat spécifique précisant les obligations. Ainsi, en cas de carence sur la permanence des soins hospitalière en matière de radiologie dans un établissement de santé public par manque de praticiens radiologues, le DGARS peut désigner un cabinet de radiologie libéral ou un établissement de santé privé pour assurer cette permanence. Élément important, à partir du moment où un promoteur est chargé d’assurer une ou plusieurs missions de service public, elle doit garantir l’égal accès aux soins de qualité, la permanence de l’accueil, de la prise en charge ou de l’orientation, et surtout, la prise en charge aux tarifs de base de la Sécurité sociale, condition qui s’impose à l’établissement ou la personne en charge de la mission, mais également aux praticiens de l’établissement qui interviennent dans l’accomplissement d’une ou plusieurs de ces missions de service public. Ce qui signifie, dans l’exemple sur la radiologie, que cette condition s’impose au titulaire de l’autorisation, qui peut être un établissement de santé privé, mais aussi aux praticiens libéraux qui font fonctionner l’équipement matériel lourd. Ceci est novateur car, jusqu’à présent, les ARH n’avaient pas de lien direct avec les praticiens libéraux en la matière.

Dans le cadre du rapport présenté chaque année avant le 15 octobre par le gouvernement au parlement sur la tarification à l’activité des établissements de santé, l’accent sera mis sur les dispositions prises pour prendre en compte l’impact sur les coûts des établissements de santé publics des missions de service public.

Autre élément nouveau, et non des moindres, une autorisation sanitaire peut être subordonnée à des conditions relatives à la participation à une ou plusieurs missions de service public, ou à l’engagement de mettre en œuvre des mesures de coopération favorisant l’utilisation commune de moyens et la permanence des soins, l’autorisation pouvant être suspendue ou retirée si ces conditions ne sont pas respectées. Autrement dit, un cabinet de radiologie libéral ne pourra plus refuser de participer et de mettre en œuvre la permanence des soins en matière d’examens radiologiques si l’autorisation délivrée par le DGARS le précise, sauf à prendre le risque de voir son autorisation suspendue, voire retirée. Là encore, il s’agit d’un moyen fort à la disposition des ARS pour réorganiser l’offre de soins et assurer la permanence des soins hospitalière, dans des disciplines où il y a carence de praticiens hospitaliers publics.

Ainsi, un établissement de santé public peut être admis à recourir à des professionnels de santé libéraux pour l’exercice de ses missions de service public et activités de soins. Cette admission est soumise à l’accord du DGARS, et fait l’objet ensuite d’un contrat entre le professionnel libéral et l’établissement, contrat qui garantit notamment les obligations liées à la mission de service public. Cette disposition remplace les contrats de concession pour l’exécution du service public hospitalier qui sont supprimés. D’un côté, les missions de service public ne sont plus le domaine réservé des établissements publics de santé, mais, de l’autre côté, elles peuvent être imposées au titulaire d’autorisation privé, en s’imposant non seulement au titulaire de l’autorisation, mais également aux praticiens, salariés ou libéraux, qui la mettent en œuvre. Donc à la fois ouverture, mais aussi contrainte forte.

PRÉCISIONS PAR LE GUIDE D’ÉLABORATION DES SROS*

En application de l’article L.1434-9 du Code de la Santé publique (CSP), le Sros doit définir les besoins à couvrir en termes de missions de service public, par territoire de santé. Cette définition se traduit par un diagnostic de l’offre et du besoin non couvert par territoire de santé. La finesse de l’analyse de la couverture des besoins sera graduée en fonction des missions. Certaines ont vocation à être assumées par tous les établissements de santé, d’autres sont liées aux autorisations d’activités de soins et enfin certaines seront le fait de seulement certains établissements. Le Sros procède à un inventaire des établissements de santé et de toute personne ou structure définie à l’article L. 6112-2 du CSP, exerçant des missions de service public. Cet inventaire ne vaut pas reconnaissance prioritaire par lui-même. La reconnaissance interviendra postérieurement à la publication du Sros dans le cadre des contrats d’objectifs et de moyens (CPOM) des établissements de santé. Lorsque l’inventaire dressé pour une mission pointe l’insuffisance (en termes qualitatif ou quantitatif) d’établissements l’exerçant pour couvrir le besoin, le Sros doit préciser par exemple le besoin non couvert en nombre d’implantations nécessaires pour le couvrir. Il doit permettre d’établir un diagnostic et de le partager avec les établissements de santé. C’est en fonction de ce diagnostic partagé qu’une mission sera ou non attribuée à un établissement. La reconnaissance prioritaire s’apprécie en fonction des besoins et n’entraîne pas automatiquement la reconnaissance de la totalité des établissements exerçant une même mission. Donc, si plusieurs établissements remplissent une même mission, la reconnaissance prioritaire peut conduire, si le besoin identifié est inférieur, à ne retenir qu’une partie des établissements exerçant jusqu’alors la mission. L’inventaire peut faire apparaître une situation de carence, qui recouvre deux situations différentes.

→ La mission n’est pas réalisée, ou pas par suffisamment d’opérateurs. Ce cas peut recouvrir une situation où une composante de la mission (ex : une spécialité dans le cadre de la permanence des soins) n’est pas assurée par les établissements de santé, qui exercent d’une manière générale la mission, et qui ont été reconnus prioritaires dans l’attribution de la mission (car l’assumant déjà en tout ou partie). L’ARS recherche alors d’autres opérateurs en mettant en œuvre une procédure garantissant la publicité et la transparence de l’attribution sous la forme d’un appel à candidatures.

→ Des opérateurs chargés de la mission sont identifiés, mais n’assurent pas la mission dans des conditions satisfaisantes (ne donnent pas l’ensemble des garanties d’accès aux soins et ne remplissent pas tous les critères qualitatifs associés à la reconnaissance prioritaire). L’ARS doit alors procéder en deux étapes : contractualisation avec l’établissement dans son CPOM (l’établissement s’engagera à remplir les critères définis cidessus et donner le gage d’une mise en conformité) ; si, à l’issue du délai laissé à l’établissement pour assumer la mission conformément à son CPOM, les objectifs fixés ne sont pas atteints, l’ARS devra procéder à un appel à candidature, dans les conditions décrites ci-dessus.

Une procédure de désignation unilatérale peut être utilisée par le DGARS, sans procédure de publicité, dans les situations suivantes : appel à candidature infructueux, refus de contractualiser, résiliation du contrat par l’un ou l’autre des cocontractants, suite à une décision de retrait de l’exercice d’une MSP, suspension liée à une interruption de l’exécution d’une mission. Un projet de décret est en cours d’élaboration afin de reprendre les différents éléments du guide d’élaboration des Sros. On voit toute l’importance que prennent désormais les Sros dans l’attribution des missions de service public hospitalier. Mais il n’est pas certain que cela entraîne une véritable révolution dans l’attribution de ces missions, principalement assurées par le secteur public, à l’exception peut-être de la permanence des soins en établissement de santé qui, compte tenu des problèmes de démographie médicale rencontrés par les hôpitaux publics, va conduire à impliquer beaucoup plus les établissements de santé privés et les praticiens libéraux dans l’exercice de cette permanence.

NOTES

Circulaire n° DGOS/R5/2011/311 du 1er août 2011 relative au guide méthodologique d’élaboration du schéma régional d’organisation des soins (Sros-PRS).