CCI : pour l’implication des étudiants en soins infirmiers - Objectif Soins & Management n° 202 du 01/01/2012 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 202 du 01/01/2012

 

Cahier du management

Sylvie Boyer*   Morgane Miègeville**   Christian Dupont***  

Comme l’article paru dans le numéro précédent l’a démontré, l’audit mené auprès d’un groupe d’étudiants de 3e année montre des disparités – voire une insuffisance – d’assimilation des recommandations de bonnes pratiques pour l’utilisation des CCI.

Deuxième partie

Aux vues des lacunes des Étudiants en soins infirmiers (Esi), des outils d’information sur les bonnes pratiques d’utilisation des CCI ont été proposés. Des projets et des finalités qui devraient pouvoir aider les Esi à maîtriser les soins sur CCI.

UTILITÉ, PROPOSITION ET ÉVALUATION D’UN POCKET D’INFORMATION

Problématique

Dès l’origine, le projet engagé ne devait pas se résumer à un constat. Il devait également proposer des pistes de solutions pour surmonter d’éventuelles difficultés constatées au cours de l’enquête.

Lors de travaux précédents (1, 2), il fut constaté que la diffusion des recommandations de bonnes pratiques sur CCI auprès des infirmiers hospitaliers et libéraux était disparate. Notre hypothèse fut qu’il en était de même auprès des Esi. Cela s’est confirmé en regard de certains résultats de l’audit (notamment celui en lien avec la recommandation sur le retrait de l’aiguille en pression positive rédigée il y a onze ans).

À la question “Utilisez-vous les supports d’information existants ?”, 60 % répondent “oui” et 33 % “non” (NR : 7 %).

Parmi ces 33 %, 13 % disent qu’ils ne connaissent pas de documents d’information, 16 % en connaissent mais ils ne sont pas accessibles, 62 % rapportent que le personnel soignant et/ou les formateurs ne le leur en ont pas présentés (NR : 9 %).

88 % des Esi audités pensent qu’un support d’information individuel pourrait leur être utile (non : 10 % et NR : 2 %).

Il ressort donc que :

→ les Esi rencontrent des difficultés à trouver l’information recherchée ;

→ les résultats laissent supposer que les documents d’information disponibles au moment de l’audit n’étaient pas exhaustifs ;

→ les supports d’information ne paraissent pas adaptés à leurs besoins.

Un document d’information individuel leur est donc présenté après avoir rempli le questionnaire sur table. Il se présente sous la forme d’une plaquette en trois volets (21 × 10 cm) pour optimiser sa maniabilité.

La première partie de l’article (parue dans le numéro de décembre 2011) a souligné la difficulté de regrouper les informations émanant des différentes sociétés savantes (Société française d’hygiène hospitalière, soit la SF2H, Haute Autorité de santé, Société française d’anesthésie et réanimation, Centers of Disease Control and Prevention…) qui apportent un éclairage spécialisé et parcellaire sur la prise en charge des CCI. Les Équipes opérationnelles d’hygiène n’abordent que l’hygiène. Les recommandations Anaes 2000 nécessitent une mise à jour (les aiguilles de Huber sécurisées, les antiseptiques alcooliques, les valves bidirectionnelles, par exemple, n’y sont pas mentionnées).

Le document présenté aux Esi se propose de regrouper et de synthétiser les recommandations incontournables sur le sujet. C’est une sorte de bundle, un ensemble de recommandations sur la manipulation des CCI. Le choix du bundle donne plus de souplesse qu’une procédure de soins détaillée.

Les thèmes abordés sont :

→ la description du matériel et de l’emplacement de l’extrémité du cathéter,

→ l’hygiène des mains,

→ le montage de la ligne de perfusion,

→ la pose de l’aiguille de type Huber,

→ le pansement,

→ le respect du système clos,

→ l’injection,

→ le prélèvement,

→ le rinçage,

→ le changement de ligne de perfusion,

→ la pose de perfusion secondaire et l’injection en proximal,

→ le retrait de l’aiguille,

→ la traçabilité

→ les indicateurs de bon fonctionnement,

→ la conduite à tenir en cas d’extravasation.

Le but recherché est d’établir le document le plus pratique, synthétique et synoptique possible, et de donner la part belle aux images et aux schémas.

Après leur avoir présenté le document, nous avons demandé aux Esi ce qu’ils en pensaient.

Efficacité du document testé, limites et axes d’amélioration

Certains Esi auraient désiré plus d’espace et de couleurs, d’autres plus de clarté et moins de densité dans les messages délivrés.

Un autre a très justement demandé à ce qu’il soit “plastifié” de manière à être plus résistant. Autant de remarques qui furent intégrées au document final.

Globalement, la grande majorité l’a trouvé didactique, clair, pratique, facile à utiliser et à transporter de par sa petite taille. Beaucoup ont eu envie de le garder et/ou de le rendre disponible dans les unités de soins.

En bref, le document a répondu aux questions en suspens des Esi dans 96 % des cas. 100 % d’entre eux ont reconnu l’utilité d’un tel document.

Après avoir recueilli l’avis des 311 Esi, le document a donc été retravaillé et ajusté. L’objectif à atteindre restait de répondre au mieux aux besoins d’information et aux spécificités de perception des Esi. Très apprécié, le format initial du document a été conservé. Le contenu et la présentation de ce pocket après consultation des Esi sont visibles et détachables en page ci-contre.

Cependant, certains Esi ont expliqué que, pendant les stages, ils étaient tenus d’appliquer les différents protocoles en vigueur dans les services où ils se trouvaient. Ils craignaient que la présentation de ce document ne les mette en porte-à-faux avec certaines pratiques appliquées par les équipes encadrantes. La crainte de la sanction par la note de stage est réelle.

Bien que reprenant les recommandations nationales sans être une procédure de soins, ce document met en relief les disparités de pratiques existant parfois entre différents services.

DE L’IDÉE AU POCKET : HISTORIQUE DU PROJET

À la fin d’un exposé de Christian Dupont sur l’utilisation des CCI, Sylvie Boyer, alors Esi de 2e année à l’Ifsi Louis-Mourier (AP-HP), lui a présenté le pocket initial. Elle lui a demandé le droit d’utiliser des visuels issus d’un poster et d’un diaporama sur le sujet (il avait été coordinateur du groupe de travail à l’origine de ces deux supports d’information). Son idée était alors de distribuer ces supports à ces collègues.

Un support d’information pour les infirmières hospitalières (poster), pour les formateurs (CD) était disponible. Un support plus adapté pour les infirmiers libéraux ou d’HAD qui interviennent chez le patient était alors en projet.

Le document présenté par Sylvie Boyer a d’emblée été vu comme une excellente base de travail pour la réflexion en cours.

D’autre part, un échantillon d’IDE hospitalières et libérales avait été audité quant à leurs connaissances des recommandations de bonnes pratiques sur CCI, mais les informations concernant les futures IDE sur ce sujet manquaient.

Ces deux axes pouvaient grandement faire l’objet d’un travail de fin d’étude (TFE). Sylvie Boyer en a convenu et s’est lancée avec méthode et persévérance dans ce projet ambitieux.

Sa maquette fut présentée à un professionnel de la communication et à deux fabricants de dispositifs médicaux pour avis. Ils ont trouvé tous deux l’outil très intéressant. Il fut alors soumis au groupe de travail(3) qui avait auparavant travaillé sur le poster et le CD. Le support s’est enrichi de cette relecture multiprofessionnelle. Les laboratoires partenaires subventionnèrent le projet.

LES ESI : UNE RESSOURCE SOUS-ESTIMÉE

L’exemple développé ci-dessus prouve combien les Esi peuvent être des acteurs efficaces de la recherche infirmière. Au cours des stages et des expériences, leurs questionnements viennent parfois “bousculer” nos habitudes et nous font nous interroger sur nos pratiques et leur amélioration.

Cet audit a-t-il pointé des insuffisances communes aux infirmières hospitalières, libérales et aux Esi ? Oui, notamment une méconnaissance des antiseptiques, une confusion entre taille et diamètre de l’aiguille de Huber. Mal préparée, la peau véhicule des germes qui peuvent passer dans la circulation sanguine via la CCI. Ponctionné avec des aiguilles de gros diamètre, le septum se résorbe moins bien au fil du temps et risque de fuir (risque d’extravasation de cytotoxique vésicant).

Le TFE se résume trop souvent à un moyen d’avoir une note permettant d’obtenir son diplôme alors qu’il devrait être un outil aidant à la formation professionnelle, un “chef-d’œuvre” chapeautant la fin d’une formation issue d’un compagnonnage entre infirmières qui pratiquent les soins, formateurs et Esi. Dans les faits, hélas, le TFE est peu utilisé pour améliorer la connaissance et la pratique infirmière. Combien de thèmes concernant la perfusion pourraient être ainsi étudiés ! Les pansements de cathéters centraux, l’utilisation des garde-veines, le rinçage des cathéters… Autant de sujets en attente de recherche clinique. Combien de possibles articles pourraient permettre de diffuser et mutualiser les résultats de recherches ! Que de temps gagné pour l’amélioration de la qualité des soins !

PRÉSENTATION DU PROJET GLOBAL

Le pocket, qui vient compléter le pack de formation constitué du poster et du CD, est dorénavant gratuitement disponible dans ce numéro en page ci-contre. Ces véhicules de l’information ont été très appréciés par les professionnels.

Notons que le poster et le CD seront mis à jour dans le courant de l’année 2012 suite au congrès des dispositifs intraveineux de longue durée et à la publication des recommandations de la SF2H sur les CCI (prévue pour le 1er trimestre 2012).

CONCLUSION

Les partis pris de présentations ainsi que de supports (poster, CD, pocket) ont été adaptés au maximum au public visé et à ses conditions d’exercice.

L’utilité de ces outils d’information repose entre autres sur le fait qu’ils ont servi à faire la synthèse des différentes recommandations émanant de multiples sociétés savantes. Faire le lien, rechercher les infos n’est pas aisé et demande du temps.

Ces outils ont prouvé leur utilité et leur efficacité, cependant ils doivent être accompagnés et leur impact évalué. C’est en partie le rôle et donc l’intérêt des “IVteam”, équipes soignantes pluriprofessionnelles (infirmières, médecins…) qui animent, organisent, évaluent l’activité intra- et extra-hospitalière concernant l’activité de perfusion. Intervenantes pour la formation initiale et continue, ces équipes spécialisées pour le cathétérisme veineux central et périphérique participent grandement à l’harmonisation des pratiques professionnelles et à leur amélioration(4). Dans l’avenir, le support numérique facilitera la formation et l’information. Il optimisera la mise à jour des données et pourra même en simplifiera la saisie en vue d’études prospectives. Ainsi, l’Esi interrogé qui n’aimait pas avoir les poches de sa blouse encombrées sera ravi d’avoir sur son smartphone un module de formation interactif, plus vivant, facilement actualisable et complètement dédié au cathétérisme.

NOTES

(1) I. Kriegel, C. Dupont. Chambres à cathéter implantable, résultats d’audit de connaissances des infirmières libérales. Soins n° 742, janvier/février 2010.

(2) C. Dupont. Mise en place de recommandations pour l’utilsation et le maintien des CCI. Objectif soins n° 160, novembre 2007.

(3) N. Desmazes-Dufeu, hôpital Cochin (Paris). M.-J. Nadaud, hôpital Cochin (Paris). M. Jugie, hôpital St-Vincent-de-Paul (Paris). N. Fichot, hôpital St-Vincent-de-Paul (Paris). C. Boutelier, hôpital Paul-Brousse (Paris). I. Kriegel, institut Curie (Paris). E. Desruennes, institut Gustave-Roussy (Villejuif). C. Bussy, institut Gustave-Roussy (Villejuif). V. Delaruelle, hôpital Pitié-Salpêtrière (Paris). M.-C. Douard, hôpital St-Louis (Paris). O. Albert, hôpital St-Louis (Paris). S. Villiers, hôpital St-Louis (Paris). P. Faure, hôpital St-Louis (Paris). P. Mousset, BD Medical - Medical Surgical Systems. G. Federici, BD Medical - Medical Surgical Systems. G. Villers, BD Medical - Medical Surgical Systems. E. Romeyer, BD Medical - Medical Surgical Systems. T. Tenailleau, Pérouse Médical. T. Walter, Pérouse Médical. M. Miegeville, Ifsi Louis-Mourier (Paris). S. Boyer, Ifsi Louis-Mourier (Paris). B. Assier, AB Communication.

(4) Da Silva, Gislene Aparecida BN ; Priebe, Sheila BN ; Dias, Fabio Nunes MSc. Benefits of establishing an intraveinous team and the standardization of peripheral intraveinous catheters. Journal of Infusion Nursing : may-june 2010, volume 33- Issue 3- p156-160.

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