Psychiatrie : une loi sous contrainte ? - Objectif Soins & Management n° 198 du 01/08/2011 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 198 du 01/08/2011

 

Actualités

Thierry Pennable  

LÉGISLATION → Depuis le 1er août, les soins sans consentement sont régis par la nouvelle loi du 5 juillet 2011. Elle instaure un contrôle du juge des libertés et de la détention et élargit la notion de soins sous contrainte aux prises en charge en ambulatoire.

« Pour les équipes infirmières, les principales difficultés concernent l’organisation des audiences du juge des libertés et de la détention », témoigne Michel Nicolas, cadre supérieur de santé au Centre hospitalier spécialisé de Saint-Cyr-Au-Mont-d’Or (69), un mois après l’entrée en vigueur de la nouvelle législation en psychiatrie(1). C’est une exigence du Conseil constitutionnel. Depuis le 1er août, les hospitalisations complètes sans consentement doivent être contrôlées par « L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle », garante du principe selon lequel « nul ne peut être arbitrairement détenu » (article 66 de la Constitution).

Système D pour les services

« À Lyon, les juges viennent à l’hôpital, précise Michel Nicolas, ce qui favorise une meilleure fluidité des accompagnements jusqu’à la salle spécialement aménagée à cet effet. » Il faut néanmoins s’organiser avec des effectifs insuffisants. En d’autres lieux, les tribunaux de grande instance ont fait savoir qu’ils ne pourraient pas se déplacer, compte tenu de leur propre pénurie de juges et de greffes. Les équipes soignantes doivent alors trouver des solutions pour gérer les transports jusqu’au tribunal. Des accompagnements qui soulèvent aussi des questions de déontologie. Dans une pétition de l’Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique(2), les médecins se déclarent favorables à l’intervention du juge mais opposés au transport des patients pour des raisons éthiques. Ils demandent que les auditions soient faites à l’hôpital, afin d’éviter aux patients confrontés à l’audition de confondre détention et hospitalisation sous contrainte. « Pour éviter que cette procédure ne fasse effraction dans la relation soignant-soigné, elle doit au préalable être intégrée à la prise en charge par les équipes », explique Michel Nicolas.

Soins sous contrainte à domicile

À la différence de la loi de 1990 qui traitait des personnes hospitalisées, la loi de 2011 vise plus largement les droits et la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques. En effet, après une « période d’observation et de soins initiale » de 72 heures en hospitalisation complète pour les prises en charge sans consentement, le psychiatre peut maintenir l’hospitalisation ou proposer un “programme de soins” sous contrainte. Pour Isabelle Montet, psychiatre au Centre hospitalier interdépartemental de Clermont de l’Oise (60), secrétaire général du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH), ce programme de soins ne fait que reprendre « un dispositif existant qui était jusqu’alors proposé lors des congés d’essai aux patients hospitalisés sous contrainte ». À la différence que ce programme doit être systématiquement transmis au directeur de l’établissement ou au préfet selon le mode d’hospitalisation. « Le nouveau système transforme le contrat tacite entre un médecin et un patient en un contrat administratif », ajoute la psychiatre. Une loi avec laquelle il faudra composer, mais qui met à mal un domaine de la santé particulièrement compliqué.

(1) Loi du 5 juillet 2011, relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.

(2) “Pas de transport indigne pour les patients hospitalisés en psychiatrie”, Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (www.idepp.info).