Le PICC, un atout pour les soignants et les patients - Objectif Soins & Management n° 197 du 01/06/2011 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 197 du 01/06/2011

 

Recherche et formation

Christian Dupont  

TECHNIQUE → Le PICC est un cathéter central d’insertion périphérique. Dans le cadre des traitements intraveineux comme les cures d’antibiotiques de quelques semaines, il apporte confort et sécurité pour la majorité des patients. La pose d’un PICC facilite l’externalisation des soins.

Le service de pneumologie de l’hôpital Cochin (AP-HP) prend en charge un nombre important de patients adultes atteints de mucoviscidose et de dilatations des bronches. Lors de certaines exacerbations bronchiques, la prescription d’une antibiothérapie intraveineuse de deux à trois semaines est nécessaire. L’alternative entre une cure à l’hôpital et une cure à domicile est alors proposée aux patients. Si le second choix l’emporte, en cas de faible capital veineux s’offre la possibilité d’implanter un PICC. Ce cathéter central, retiré dès la fin de la cure, apporte un supplément de confort et de sécurité pour la majorité des patients. Il facilite ainsi l’externalisation des soins.

QU’EST-CE QUE LE PICC ?

C’est un cathéter veineux central introduit dans une veine périphérique. Son émergence se situe le plus souvent au-dessus du pli du coude. L’extrémité de ce long cathéter (30 à 50 cm environ) est située à la jonction de la veine cave supérieure et de l’oreillette droite.

Deux types de PICC sont disponibles : mono-lumière et bi-lumière en cas d’injection simultanée de médicaments incompatibles. Ce cathéter central de moyenne durée d’implantation se retire aisément et sans douleur à la fin du traitement.

Le PICC permet les injections médicamenteuses, la nutrition parentérale, les transfusions et les prélèvements sanguins. Certains types permettent l’injection à haut débit de produit de contraste iodé (voir caractéristiques du PICC sur la “carte PICC” remise au patient lors de la pose).

La pose de ces cathéters est assurée la plupart du temps par des médecins, radiologues interventionnels ou anesthésistes. Les troubles de l’hémostase ne représentent pas de contre-indications formelles pour la pose. Le repérage échographique de la veine ponctionnée et un poseur aguerri sont des atouts importants pour la réussite du geste et la prévention de complications per- et post-opératoires.

INDICATIONS

Réseau veineux périphérique, acidité et hyperosmolarité des produits injectés, répétition de traitements agressifs, perfusion en continu, soins à domicile nécessitant un accès veineux fiable, refus de la chambre à cathéter implantable, trouble de la coagulation incompatible avec la pose d’un autre type d’accès veineux, trachéostomie qui favorise la contamination de tout accès veineux central implanté sur le thorax par les germes ORL et pulmonaires, impossibilité d’accéder au torse (Dujarrier, par exemple)… les indications sont multiples et restent à préciser.

PROBLÉMATIQUE

L’équipe infirmière de coordination des soins externes de pneumologie commande le matériel et contacte les différents intervenants assurant les soins au domicile (infirmière libérale, prestataire de santé à domicile, pharmacien de ville). Elle explique au patient le principe et le déroulement de la pose du PICC et sa gestion au quotidien. Elle informe l’infirmière libérale sur les bonnes pratiques d’utilisation du PICC. Elle téléphone au patient à mi-cure et enfin retire le PICC à l’hôpital, moment de bilan du déroulement et de l’efficacité des soins.

Ce suivi a permis d’identifier quelques axes d’amélioration dans la prise en charge des PICC : quatre exemples sont présentés ci-dessous.

Les anecdotes, parfois étonnantes (une infirmière pose un garrot sur le bras porteur du PICC dans l’idée de favoriser le retour veineux), parfois dommageables pour le patient (un malade porteur d’un PICC et extrêmement difficile à perfuser, “martyrisé” par maints essais de perfusion en périphérique pour injecter un produit opacifiant en vue d’un scanner, alors que ladite injection pouvait être faite via son PICC qui résistait aux injections à haut débit), sont nombreuses.

L’origine de ces fâcheux épisodes serait un manque de suivi du dispositif après son implantation : une information absente ou imprécise sur le cathéter posé et ses possibles complications, sur les précautions à prendre pour son utilisation propre et celle de ses dispositifs annexes en sont la cause.

UN BESOIN D’INFORMATION DE LA PART DES SOIGNANTS

De manière à pouvoir répondre le plus exactement aux questions des utilisateurs, un groupe de travail pluridisciplinaire s’est réuni. Constituée de radiologues interventionnels, d’anesthésistes, d’hygiénistes, d’infirmiers pratiquant des soins à domicile et à l’hôpital, de fabricants de dispositifs médicaux stériles (valves bi-directionnelles, PICC, systèmes de fixations sans sutures…), de médecins pédiatres, de pharmaciens, d’infirmières spécialisées dans la prise en charge des cathéters centraux, de médecins et d’infirmières-ressources pour la nutrition parentérale, cette équipe(2) a travaillé de mars 2010 à février 2011.

Son but était de répondre à des questions pratiques posées par la prise en charge des PICC en se basant sur les différentes recommandations et articles français comme internationaux publiés sur le sujet, puis de les compiler dans un document. Le groupe a opté pour un carnet format pocket de 20 cm × 11 cm, pratique, synthétique, et synoptique. Pour permettre un accès rapide à l’information, les recommandations essentielles sont explicitées par des textes extrêmement courts illustrés par des schémas, photos et arbres décisionnels.

DEUX DÉMARCHES QUALITÉ MENÉES EN PARALLÈLE

Une première démarche “globale”, une seconde plus focalisée sur les soins en ville

Parmi les indications, apparaît la volonté d’offrir un accès veineux fiable pour sécuriser les injections au domicile du patient. Il était logique de faciliter les soins sur PICC au domicile. Deux axes ont été développés :

→ l’amélioration d’un set de soins stérile qui réunit le matériel nécessaire à la réfection du pansement (désinfection cutanée, renouvellement du système de fixation, pansement), au renouvellement de la valve bi-directionnelle et au rinçage du PICC ;

→ l’amélioration de l’information par une plaquette en troisvolets qui décrit le contenu du set et constitue une procédure de soin sous forme de pictogrammes. Son format (21 × 10 cm) la rend très maniable. Son contenu a été développé par un sous-groupe de l’équipe qui avait déjà travaillé sur le premier document, ainsi que par les représentantes d’un fabricant de PICC. L’apport de ces dernières a été extrêmement constructif : réparties sur l’ensemble de la France, elles ont pu faire une collecte exhaustive des pratiques et des questionnements des utilisateurs hospitaliers et libéraux.

Pourquoi deux documents ?

Les prises en charge en ville et à l’hôpital ont chacune leurs spécificités. La prise en charge des complications obstructives par un fibrinolytique est impossible en ville, car les deux médicaments bénéficiant d’une AMM pour ce traitement sont de réserve hospitalière et donc indisponibles en dehors de l’hôpital.

Le travail des infirmières libérales est facilité par l’utilisation de sets de soin (matériel à disposition, gain de temps et d’asepsie). Aussi le second document se présente-t-il plus comme une procédure à suivre pour les soins les plus souvent rencontrés en ville. Pendant du set, il décrit également le contenu de celui-ci sans pour autant être captif d’une marque de set, car ce dernier regroupe le matériel “incontournable” pour pratiquer les soins.

PERSPECTIVES ET CONCLUSION

Le premier tirage de la première version des deux documents (5 000 exemplaires pour le premier, 200 pour le deuxième) a rencontré un vif succès. Un second tirage plus conséquent est prévu. Ces deux documents seront disponibles dans leur version actualisée tout au long du Salon infirmier 2011. Ils sont en adéquation avec la notice technique éditée en juin 2011 par la société française d’hygiène hospitalière(4).

Ce travail a permis :

→ de réaffirmer l’importance du suivi des accès veineux ;

→ de concentrer des données éparses ;

→ de répondre à un besoin réel à l’aide d’un outil adapté ;

→ d’harmoniser les informations ;

→ de permettre l’application pratique des recommandations en ville ; car, grâce au set de soin, les infirmières ont accès à la valve bi-directionnelle respectant le système clos et au système de fixation sans suture qui, à l’unité, ne sont pas remboursés par la Caisse nationale d’Assurance maladie (et ce, même dans le cadre d’une affection longue durée) ;

→ de diffuser largement et d’accompagner les informations.

En bref, de souligner la nécessité de l’expérience des équipes spécialisées et multidisciplinaires dans les traitements intraveineux pour améliorer la prise en charge.

Quelques remarques ont également été soulevées à l’issue de ce travail :

→ le besoin d’information est constant ;

→ la diffusion de l’information demande du temps et des connaissances ;

→ le manque de reconnaissance des infirmiers coordinateurs (soignants non cadres) a ralenti la menée de ce projet et la diffusion des documents en les privant de ressources humaines et/ou matérielles ;

→ les recommandations pour les soins sur PICC ne sont pas applicables à 100 % en ville (accès difficile aux antiseptiques alcooliques majeurs, valves bi-directionnelles et système de fixation sans suture unitairement non remboursées) ;

→ il n’existe aucun espace pluridisciplinaire dédié au PICC. Où trouver l’info ? Comment la diffuser ? Comment la réactualiser ? Comment la valider ? Le besoin d’information reste malgré tout constant.

NOTES

(1) Bishop et al. Guidelines on the insertion and management of central venous access devices in adult. Int. J.Lab. Hematol . 2007 ; 29(4): 261-78.

(2) Composition du groupe de travail : S.Franchi (Antoine Béclère, AP-HP) ; I.Novakova (Arlin Île-de-France) ; A.-C.Claisse, P.Colas, O.Connort, R.Panzo, D.Szwarc, O.Vignaux (Cochin, AP-HP) ; C.Chambrier, A.Duchamp (Hospices civils de Lyon) ; I. Kriegel (Institut Curie, Paris) ; J.-M.Correas (Necker-enfants malades, AP-HP) ; O.Albert, M.-C.Douard, H.Levert, S.Villiers (Saint-Louis, AP-HP) ; C.Muller, V.Vidal (La Timone, AP-HM) ; B. Adjamagbo (HAD, AP-HP) ; B.Assier (AB Communication).

(3) Décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties IV et V du Code de Santé publique, article R. 431-15.

(4) Notice technique de la SF2H, juin 2011, A. Carbonne et al.

Les exemples de problématique

Exemple n° 1

De manière à respecter le système clos, une valve bi-directionnelle est fournie dans le kit de pose du PICC. La tubulure de la ligne de perfusion ou la serin­gue se connecte directement sur cette valve.

Or, dans le cas présenté ci-dessus, deux valves bi-directionnelles sont fixées l’une sur l’autre. D’où une altération possible des débits et un risque infectieux accru en compliquant le rinçage de la lumière interne du dispositif.

Ainsi, comme on peut le voir sur la valve de droite, il reste un résidu de sang dans le dispositif.

Exemple n° 2

Une infirmière libérale contacte le service car le traitement de sa patiente, porteuse d’un PICC, est fini et il faut lui retirer. Or elle ne sait pas si elle est habilitée à le faire. Un médecin devant pouvoir intervenir à tout moment lors du retrait d’un cathéter central, la patiente est dirigée dans notre service. Mais, après avoir retiré le pansement et le système de fixation sans suture du PICC, nous nous apercevons que celui-ci est suturé à la peau. Suturer un dispositif sur la peau accroît le risque infectieux. Les dispositifs de fixation sans suture ont été inventés pour réduire ce type de complication(1).

Exemple n° 3

Le pansement d’un cathéter central peut être renouvelé (en l’absence de souillure et/ou de décollement tous les 8 jours (J+7). Or, lors du retrait du PICC, un patient adressé en externe nous a dit qu’il avait gardé le même système de fixation sans suture pendant deux mois (celui installé à la pose du PICC). Il faut spécifier que ce type de dispositif, acheté à l’unité en pharmacie de ville, est entièrement à la charge du patient.

Exemple n° 4

Un bouchon obturateur placé sur une valve bi-directionnelle. Les valves bi-directionnelles respectant le système clos (comme ici) ne s’obture jamais avec un bouchon obturateur.

Guide de bonne utilisation et d’entretien

Ce guide de treize pages aborde les thèmes suivants de façon très concrète et immédiatement applicable :

→ les soins (pansement, montage de la ligne de perfusion, respect du système clos, valve bi-directionnelle, rinçage en pulsé, prélèvements sanguins, entretien du PICC entre les cures, retrait du PICC, traçabilité) ;

→ les conseils au patient ;

→ les signes cliniques sur lesquels porter sa vigilance (pour dépister la survenue d’éventuelles complications) ;

→ les recommandations en cas d’occlusion du PICC.

NB : les deux documents traités sont disponibles auprès de l’auteur, Christian Dupont, dupontcochin@gmail.com.