Les experts : encore en attente d’une reconnaissance - Objectif Soins & Management n° 193 du 01/02/2011 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 193 du 01/02/2011

 

Actualités

Mathieu Hautemulle  

JUSTICE → Face aux médecins et aux juges, les experts judiciaires non médicaux de la santé font entendre leur voix, aidés par une toute nouvelle Compagnie.

La Compagnie nationale des experts judiciaires professionnels de santé non médecins, qui a organisé son premier symposium le 15 janvier à Vanves (Haut-de-Seine), ne revendique pour l’heure que cinquante adhérents. Un effectif minime en apparence mais important en réalité. Tout d’abord, parce que la Compagnie est née il y a un an seulement. Ensuite, et surtout, parce que le nombre de professionnels de santé non médecins inscrits sur les listes d’experts judiciaires des cours d’appel est à peine plus élevé. Ces listes ne comptent ainsi que quatorze infirmières dans toute la France.

Parmi les experts judiciaires de formation infirmière inscrits sur ces listes, « dix sont cadres, cadres supérieurs ou directeurs des soins », relève Marylène Guingouain, experte judiciaire, membre de la Compagnie et directrice des soins à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris. La “vision transversale” dont les cadres peuvent se prévaloir peut en effet s’avérer utile dans une expertise judiciaire, qui vise à apporter au juge un éclairage technique sur une affaire.

Le réflexe des juges

Cet éclairage technique, c’est le juge lui-même qui le demande, en sollicitant un expert judiciaire sur les listes – ou d’ailleurs tout professionnel de son choix. Mais, comme cela a été souligné au cours du symposium, les juges ne recourent pas encore tous à cette possibilité de faire appel à un expert non médecin. Un magistrat de Reims a reconnu « un réflexe un peu conditionné [des juges] : l’expertise dans le domaine médical, en général, c’est le médecin. Et nous avons trop souvent, dans nos provinces, notre médecin attitré. C’est très difficile de faire admettre à un tribunal qu’il faut savoir s’adresser à d’autres ». Difficile aussi de le faire admettre à des médecins, auxquels ont longtemps été réservées les expertises judiciaires…

Ce qui explique, avec le manque de relations ou de chance, pourquoi certains experts judiciaires, pourtant nommés sur les listes des cours d’appel, ne sont pas, ou peu, sollicités par la justice. Dommage, car un professionnel mis en cause devant une juridiction a « besoin d’être entendu par ses pairs », estiment les créateurs de la nouvelle Compagnie. L’objectif, c’est d’examiner les circonstances et l’organisation des soins en cas d’erreur, indique notamment Marylène Guingouain. Elle-même s’est déjà penchée, comme experte, sur quatre affaires, toutes au pénal – trois erreurs médicamenteuses et le cas d’un enfant tombé d’une couveuse.

À l’avenir, les experts infirmiers devraient toutefois être plus souvent sollicités avec la hausse probable des litiges concernant l’organisation des soins et les infections nosocomiales, selon Véronique d’Hérouville, cadre de santé au groupe hospitalier Diaconesses-Croix-Saint-Simon. L’évolution des mentalités pourrait aussi modifier la donne. « À terme, note Christian Lacomère, kinésithérapeute et président de la Compagnie, il sera intéressant de faire un regroupement de toutes les professions de santé, afin que l’on puisse échanger sur nos savoir-faire et nos spécificités. » Médecins ou non.

→ Renseignements sur la Compagnie auprès de Véronique d’Hérouville : vdherouville@hopital-dcss.org