Sécurité transfusionnelle : EPP et formation-action - Objectif Soins & Management n° 190 du 01/11/2010 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 190 du 01/11/2010

 

Recherche et formation

Nicole Fargues  

ÉVALUATION → La direction des soins de l’hôpital Lariboisière – Fernand-Widal a demandé en avril 2008 de réaliser un audit sur la sécurité transfusionnelle. Une infirmière, formée dans ce domaine à l’Institut national de transfusion sanguine, est chargée de cette mission transversale.

La sécurité transfusionnelle est une exigence de santé publique. La qualité et la sécurité de l’acte transfusionnel définies dans le cadre de la circulaire du 15 décembre 2003 résultent d’une collaboration étroite entre le médecin prescripteur et le soignant à qui il délègue la réalisation de la transfusion en référence au Code de la Santé publique, article R. 4311-9 : « L’infirmier est habilité à accomplir sur prescription médicale écrite, qualitative, quantitative, datée et signée, les actes et soins suivants à condition qu’un médecin puisse intervenir à tout moment : injections et perfusions de produits d’origine humaine nécessitant, préalablement à leur réalisation, lorsque le produit l’exige, un contrôle d’identité et de compatibilité obligatoire effectué par l’IDE. »

OBJECTIFS DE L’AUDIT

Les objectifs pour l’établissement étaient d’évaluer à un moment donné les pratiques professionnelles, les connaissances et de détecter les gestes dangereux. Ceci permettant de déterminer les axes d’amélioration avec la mise en place d’un programme de formation action.

MÉTHODOLOGIE

Il s’agissait de distribuer des questionnaires anonymes décrivant tout le déroulement du soin, depuis le prélèvement pour le groupage jusqu’à la déclaration d’un éventuel effet indésirable ou incident.

À chacune des étapes, plusieurs items correspondent soit aux bonnes pratiques, soit à des gestes dangereux ou à des habitudes rencontrées çà et là. Le soignant répond sans s’interroger quand il reconnaît un geste qu’il pratique. La population cibléereprésente 30 % de l’effectif infirmier. Le choix a été fait par tirage au sort dans un souci d’objectivité.

Résultats de l’enquête

Au total, un peu moins de 30 % des IDE ont répondu (134 pour un effectif de 751 IDE).

Les résultats ont permis de mettre en évidence des pratiques dangereuses. Citons les plus importantes :

→ la règle de prélèvement des deux déterminations n’est pas respectée ;

→ l’information de la transfusion au patient n’est pas faite par le médecin ;

→ contrôle pré-transfusionnel : utilisation de l’étiquette informatisée au lieu de l’écriture manuscrite pour identifier le patient ;

→ la durée de la transfusion n’est pas prescrite ;

→ la surveillance auprès du patient pendant les quinze premières minutes de la transfusion n’est pas respectée ;

→ la vérification de l’identité du patient tout au long de la chaîne transfusionnelle n’est pas faite ou réalisée de façon incomplète.

Des résultats plutôt préoccupants…

Actions

La formation sécurité transfusionnelle dont le bilan fait état de :

→ quatre sessions par an (25 IDE par session pour un effectif total de 751 IDE) ;

→ le taux de fréquentation en 2007 est de 62 % ;

→ en 2008, deux sessions ont été annulées, faute d’inscription ;

→ un turn-over important : l’ancienneté moyenne dans l’établissement est de quatre ans et demi.

Cette formation est obligatoire pour la titularisation depuis 2006 et tous les cinq ans pour les IDE titulaires. Soulignons que 50 % des infirmières interrogées souhaitent suivre la formation sécurité transfusionnelle. Pour l’année 2009, les médecins formateurs ont programmé huit sessions permettant de doubler le nombre d’IDE formées.

LA FORMATION-ACTION

La formation semble devoir être dispensée au plus près des acteurs de la transfusion et adaptée à leurs pratiques. Sa durée doit être courte, une heure maximum. L’analyse des pratiques professionnelles comme outil pédagogique est une nouvelle approche : c’est la formation-action.

Depuis le 16 février 2009, un atelier formation sécurité transfusionnelle a été mis en place par l’infirmière référente pour la sécurité transfusionnelle au sein des services, en collaboration avec les équipes d’encadrement. Sans l’aide des cadres, il est impossible de planifier un calendrier.

Changer ses pratiques

Un apport de connaissances ne suffit pas : il faut travailler sur le questionnement, la remise en question des apprenants. Partant de la réflexion et de l’analyse des résultats de l’audit 2008, puis d’une mise en situation à l’aide de cas concrets (erreurs survenues sur le site en 2009), un rappel des bonnes pratiques est effectué. C’est aussi l’occasion d’un échange entre professionnels sur la difficulté du respect des procédures au sein de l’institution, sur la collaboration parfois moindre entre le médecin prescripteur et les soignants. Les infirmières confirment directement et majoritairement les problèmes cités dans les résultats de cette enquête. Un QCM d’auto-évaluation est proposé à la fin de l’atelier. Chaque IDE repart avec une correction ainsi que le graphique représentant les résultats de l’audit.

Cette évaluation initiale des pratiques est la première étape d’un programme d’amélioration des soins et de la sécurité transfusionnelle, inscrit dans la démarche qualité de la certificationV3. Une nouvelle auto-évaluation pourrait être organisée après cette formation pour en mesurer les résultats et enclencher un nouveau cycle d’amélioration.

En 2009, 356 IDE ont bénéficié de ces ateliers.

Collaboration infirmière et médecin

La collaboration entre médecin et infirmière est indispensable à la sécurité de l’acte transfusionnel. Toujours en référence à la circulaire du 15 décembre 2003, l’implication des personnes assurant le transport des prélèvements et des produits sanguins est tout aussi indispensable. La qualité des soins ne passe pas uniquement par un apport de connaissances, une maîtrise des techniques de soins, le respect des procédures, mais aussi par un véritable travail d’équipe.

En conséquence, il est envisagé en 2010 d’étendre cette formation aux aides-soignants : leur rôle dans l’acheminement des produits sanguins au sein des services est des plus importants. Cette formation permettrait de valoriser et de responsabiliser les aides-soignants en les impliquant d’avantage dans le travail en binôme avec l’IDE.

Enfin, pour compléter ce projet d’amélioration de la qualité, il est prévu dans le courant de cette année une évaluation du dossier transfusionnel, en place sur le site de l’hôpital Lariboisière – Fernand-Widal à compter du 15 septembre 2009.

DYNAMISME

Tout professionnel impliqué dans la chaîne transfusionnelle doit justifier d’une qualification et s’inscrire dans une dynamique personnelle et collective d’évaluation et de maintien des compétences, toujours en référence au Code de la Santé publique 2008, article R. 4312-10 : « Pour garantir la qualité des soins qu’il dispense et la sécurité du patient, l’IDE a le devoir d’actualiser et de perfectionner ses connaissances professionnelles. »

L’actualisation des connaissances et de la pratique s’inscrit dans le cadre de la formation continuée (à différencier des formations continues et des formations initiales diplômantes).

Cette dynamique de formation doit répondre aujourd’hui aux démarches qualité qui sont décrites dans les Directives européennes.

CONCLUSION

Sur le plan personnel, cette mission transversale a permis d’utiliser les qualités requises pour être infirmière : organisation, adaptation, rigueur, écoute. Plus que jamais, des capacités d’analyse et de synthèse sont nécessaires. Il faut également être persévérant, opiniâtre et convaincant.

Les connaissances de la pratique infirmière sont une bonne base, mais ce n’est pas suffisant. Il a fallu que l’infirmière référente pour la sécurité transfusionnelle actualise ses connaissances théoriques grâce à la formation de l’Institut national transfusion sanguine (procédure, législation). Tout ceci afin de maîtriser le sujet pour répondre aux différentes interrogations des professionnels de santé, mais aussi pour défendre un projet parfois controversé : les résultats de l’EPP remettent fortement en cause les pratiques soignantes et soulèvent de vives réactions du personnel médical, paramédical et de l’encadrement.

Des qualités oratoires sont également nécessaires : prendre la parole devant un auditoire résistant à la présentation de l’EPP est, comme on dit, formateur. L’expérience doit se poursuivre.

L’auteur tient à remercier toutes celles et ceux qui se sont investis dans cette nouvelle mission.