Loi HPST et ARS : vers une véritable régionalisation de la santé ? - Objectif Soins & Management n° 183 du 01/02/2010 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 183 du 01/02/2010

 

Économie de la santé

ANALYSE → Nous proposons dans cet article de confronter nos propositions de 2002 et la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) en matière de régulation de l'offre de santé au niveau régional. (1re partie).

«Dans le cadre d'un monopole public de financement de l'Assurance maladie, une nouvelle instance régionale de financement de la santé délègue au niveau infrarégional (les pôles hospitaliers ou sanitaires) la fonction de gestion et d'organisation des soins, tout en garantissant, par le biais de contrats d'objectifs et de moyens avec chaque pôle, les objectifs d'accès aux soins de proximité et d'efficacité. Ces nouvelles modalités de financement reposent sur les notions de régionalisation, contractualisation et responsabilisation des acteurs de santé, et débouchent sur la redéfinition des instances et des instruments de la planification sanitaire. » Telle était la thèse que nous soutenions en 2002.

En consacrant la création des agences régionales de santé (ARS), la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) du 21 juillet 2009 se rapproche de notre proposition de 2002. Dorénavant, dans chaque région, une ARS a pour mission de définir et de mettre en oeuvre un ensemble coordonné de programmes et d'actions concourant à la réalisation, à l'échelon régional et infrarégional : des objectifs de la politique nationale de santé, des principes de l'action sociale et médico-sociale, des principes fondamentaux du Code de la Sécurité sociale. À ce titre, l'ARS contribue au respect de l'objectif national de dépenses d'Assurance maladie. Les ARS sont chargées de mettre en oeuvre, au niveau régional, la politique de santé publique et de réguler l'offre de soins et médico-sociale (cf. encadré page suivante).

ARS ET RÉGIONALISATION DES DÉPENSES DE SANTÉ : PLUS DE DIX ANS D'ATTENTE

Le Haut Conseil pour la santé publique (HCSP) préconisait en 2008 quatre scénarios pour modifier le mécanisme d'allocation des ressources du système de soins dans le sens d'une amélioration de l'équité et de l'efficacité productive.

nPremier scénario

Le premier scénario consistait à modifier les méthodes de régionalisation : déclinaison régionale des enveloppes de médecins généralistes et spécialistes, amélioration du calcul des parts de marché entre les secteurs hospitaliers public et privé, harmonisation et actualisation des données prises en compte par le modèle de péréquation, prise en compte de la morbidité dans le modèle de péréquation, simplification des processus de convergence vers les dotations cibles. Ce scénario ne modifiait donc en rien les principes de financement mais affinait simplement, sur le plan technique, les méthodes de péréquation interrégionale. Depuis a été instaurée la tarification à l'activité en médecine, chirurgie et obstétrique, dans les hôpitaux publics et privés.

nDeuxième scénario

Le deuxième scénario proposait une péréquation sur l'ensemble des dépenses avec un redécoupage sectoriel dans un second temps, sans modification des structures régionales. Une petite marge de manoeuvre, fondée sur la fongibilité des enveloppes, serait laissée au niveau régional pour financer des actions ciblées de santé publique. C'est ce scénario qui a été appliqué en 2004 avec la création de la mission régionale de santé en charge de répartir le fonds d'intervention pour la coordination et la qualité des soins hospitaliers et ambulatoires, ou bien encore avec la création du groupement régional de santé publique en charge de répartir les crédits relatifs à la promotion et à l'éducation pour la santé.

nTroisième scénario

Le troisième scénario proposait deux modifications importantes : réserver dans l'Objectif national des dépenses d'Assurance maladie (Ondam) une enveloppe spécifique confiée après répartition à la gestion des régions pour la réalisation d'actions de santé ; répartir régionalement la part restante de l'Ondam selon le seul critère d'alignement des tarifs et des coûts et pour les seules dépenses hospitalières. C'est sur cette base que la tarification à l'activité a été mise en place en 2004 dans les établissements de santé. Or, pour mémoire, nous écrivions en 2002 que, dans la mesure où les ressources hospitalières ne seraient plus allouées en fonction des besoins de la population mais en fonction de la productivité des structures existantes, les structures de proximité seraient forcément pénalisées, sauf à considérer une valorisation spécifique de l'activité de proximité ou à les faire financer sur la sixième enveloppe de santé publique. Par ailleurs, ce scénario ne modifiant pas les structures régionales, cela supposait que celles-ci trouvent un accord régional pour répartir cette sixième enveloppe (on peut citer par exemple le financement des maisons de santé qui relève de plusieurs financeurs). La création de la dotation régionale de développement des réseaux relevait également de ce scénario.

nQuatrième scénario

Enfin, le quatrième scénario, que nous privilégiions à l'époque, proposait un changement radical du mécanisme actuel d'allocation des ressources fondé sur une allocation régionale globale gérée par une instance régionale unique. Ce quatrième scénario allait jusqu'au bout de la logique de régionalisation du système de santé en confiant à une instance unique, l'ARS, la charge de répartir une enveloppe globale pour le financement des dépenses de soins de la région, établie sur la base des états de santé de la population dans chaque région.

Il aura donc fallu attendre dix ans pour voir enfin créée l'agence régionale de santé, conformément aux préconisations du HCSP. Toutefois, la création des ARS ne s'accompagne pas réellement de la régionalisation des dépenses de santé. Les enveloppes restent sectorisées et les marges de manoeuvre sont pour l'instant extrêmement limitées : quid de la fongibilité entre enveloppes sanitaire, médico-sociale et santé publique ?

LE NIVEAU NATIONAL : DE LA GESTION ET LA DÉCISION À LA CONCEPTION ET L'EXPERTISE

Dans le cadre d'un financement de la santé entièrement régionalisé et confié à une instance régionale unique, l'ARS, le rôle du niveau national (État et Assurance maladie) doit se trouver considérablement amoindri. Il revient ainsi au niveau national de définir les priorités de santé publique, sous la forme par exemple d'objectifs quantifiés de santé publique et d'obligations en matière de prévention. Le niveau national doit veiller en particulier au respect dans les régions des grands principes qui sous-tendent le système de soins : accessibilité, qualité et sécurité, efficacité. Il doit également veiller au refus de la sélection des risques et au maintien d'une Assurance maladie universelle. Le Parlement est toujours en charge de voter le taux d'évolution de l'Ondam, qui est calculé en fonction des besoins transmis par chaque région. Un contrat d'objectifs et de moyens est conclu entre le niveau national et chaque ARS, contrat qui définit les modalités d'attribution et le montant de l'enveloppe régionale allouée pour financer les producteurs de soins de la région. En contrepartie, l'ARS s'engage à mettre en oeuvre la politique de santé définie par le gouvernement et à faire respecter les grands principes précédemment cités. Il appartient également au niveau national de fixer les normes d'équipement et de sécurité sanitaire, mission qui par ailleurs pourrait très bien être confiée à la Haute Autorité de santé (HAS), de manière à obtenir un consensus avec les professionnels sur les normes et les référentiels, qui dès lors ne seraient plus contestés ensuite. On peut même imaginer qu'il revienne à la HAS de contrôler le respect de ces normes. Le niveau national apparaît donc comme un niveau d'encadrement, de conception et d'expertise, et non plus comme un niveau de gestion et de décision comme c'est le cas actuellement. Dans le cadre d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) conclu avec l'ARS, le niveau national s'assure que les objectifs qui sous-tendent l'organisation de la santé sont respectés dans chaque région. Ils fixent les grands principes d'allocation des ressources et de prise en charge des soins. Les ARS sont ensuite autonomes pour répartir l'enveloppe qui leur est allouée par le contrat passé avec le niveau national. Mais qu'en est-il dans la loi HPST ?

La loi instaure un conseil national de pilotage des ARS, qui réunit des représentants de l'État, de ses établissements publics nationaux, et de l'Assurance maladie, présidé par les ministres chargés de la Santé, de l'Assurance maladie, des Personnes âgées et handicapées, du Budget et de la Sécurité sociale. Ce conseil national donne aux ARS les directives pour la mise en oeuvre de la politique nationale de santé sur le territoire. Il veille à la cohérence des politiques qu'elles ont à mettre en oeuvre en termes de santé publique, d'organisation de l'offre de soins et de prise en charge médico-sociale et de gestion du risque. Il valide leurs objectifs ainsi que toutes les instructions données. Il conduit l'animation du réseau des ARS. Il évalue périodiquement les résultats des actions des agences et de leurs directeurs généraux. Le conseil national veille à ce que la répartition entre les ARS des financements qui leur sont attribués prennent en compte l'objectif de réduction des inégalités de santé. Les ministres chargés de la Santé, de l'Assurance maladie, des Personnes âgées et handicapées signent avec le directeur général de l'ARS un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens de l'agence. Le contrat est conclu pour une durée de quatre ans, révisable chaque année. Un décret d'application doit préciser ces éléments.

La loi HPST est donc pleine de bonnes intentions. Mais le niveau national jouera-t-il vraiment le jeu ? L'ARS est bien un établissement public, dotée de l'autonomie administrative et financière. Mais il n'est pas certain, ne serait-ce que par les conditions de nomination de son directeur général (par décret en conseil des ministres), que cette autonomie soit véritablement respectée.

Les missions de l'agence régionale de santé (ARS)

La loi HPST définit les compétences et les missions de l'ARS regroupées dans deux grands domaines : la santé publique d'une part, l'offre de soins et médico-sociale d'autre part.

En premier lieu, l'ARS est chargée de mettre en oeuvre la politique de santé publique au niveau régional. À ce titre, elle organise la veille sanitaire, l'observation de la santé, recueil et traitement des signalements d'événements sanitaires. Elle contribue à l'organisation de la réponse aux urgences sanitaires et à la gestion des situations de crise sanitaire. Elle établit un programme annuel de contrôle du respect des règles d'hygiène ; elle réalise les prélèvements, analyses et vérifications prévus dans ce programme et procède aux inspections nécessaires. Elle définit et finance des actions visant à promouvoir la santé, à éduquer la population à la santé et à prévenir les maladies, les handicaps et la perte d'autonomie, et elle veille à leur évaluation.

En second lieu, l'ARS est chargée de réguler, d'orienter et d'organiser l'offre de services de santé, de manière à répondre aux besoins en matière de soins et de services médico-sociaux, et à garantir l'efficacité du système de santé. À ce titre, elle contribue à évaluer et à promouvoir la qualité des formations des professionnels de santé. Elle autorise la création et les activités des établissements et services de santé ainsi que des établissements et services médico-sociaux ; elle contrôle leur fonctionnement et leur alloue les ressources qui relèvent de sa compétence. Elle veille à ce que la répartition territoriale de l'offre de soins permette de satisfaire les besoins de la population. Elle contribue à mettre en oeuvre un service unique d'aide à l'installation des professionnels de santé. Elle veille à la qualité et à la sécurité des actes médicaux, de la dispensation et de l'utilisation des produits de santé ainsi que des prises en charge et accompagnements médico-sociaux et procède à des contrôles à cette fin. Elle contribue à la lutte contre la maltraitance et au développement de la bientraitance dans les établissements et services de santé et médico-sociaux. Elle veille à assurer l'accès aux soins de santé et aux services psychosociaux des personnes en situation de précarité ou d'exclusion. Elle définit et met en oeuvre les actions régionales prolongeant et complétant les programmes nationaux de gestion du risque et des actions complémentaires (contrôle et amélioration des modalités de recours aux soins et des pratiques des professionnels de santé). Elle encourage et favorise l'élaboration et la mise en oeuvre d'un volet culturel au sein des établissements.

Pour en savoir plus

Loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'Hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, Journal officiel de la République française n°0167 du 22 juillet 2009.