Plus de signalements, une gestion mieux intégrée - Objectif Soins & Management n° 0291 du 15/02/2023 | Espace Infirmier
 

OBJECTIF SOINS n° 0291 du 15/02/2023

 

ACTUALITÉS

Anne Lise Favier

  

Comme chaque année depuis 2017, la Haute Autorité de santé (HAS) publie le bilan des événements indésirables graves associés aux soins (EIGS). Cette nouvelle publication met l'accent sur ceux en lien avec les accouchements et ceux liés à la crise sanitaire.

Événements indésirables graves

La dernière édition du rapport de la HAS sur les EIGS note l’augmentation du nombre de déclarations par les équipes de terrain, ce qui n’est pas forcément une mauvaise nouvelle, mais dénote une « intégration de la gestion des risques dans la pratique ». Ce dispositif de déclarations des EIGS permet de les recenser, mais aussi de promouvoir une culture de sécurité plutôt qu’une culture punitive de l’erreur. Pendant longtemps, les EIGS étaient reliés à la seule faute individuelle, alors qu’en réalité, rappelle la HAS, « la survenue d’un EIGS peut s’expliquer par de nombreux facteurs, tels que des problèmes de transmission de l’information, de coordination, de ressources humaines, de planification des tâches ». Désormais, ils sont recueillis et analysés pour établir le diagnostic des causes et améliorer la sécurité des patients. Cela fait d’ailleurs partie intégrante des critères de certification de la HAS. En 2021, 1 874 déclarations ont été reçues contre 1 081 l’année précédente, ce qui montre une meilleure adhésion des professionnels au dispositif de déclaration. Toutefois, une marge de progrès demeure concernant leur survenue : plus d’un EIGS sur deux serait évitable. Parmi ceux déclarés, les suicides ou tentatives de suicide, les chutes de patients ainsi que les erreurs médicamenteuses restent parmi les plus nombreux ; ces thèmes ont d’ailleurs fait l’objet de travaux spécifiques par la HAS.

Encore trop d’erreurs médicamenteuses

Les EIGS surviennent en majorité au cours de périodes de vulnérabilité dans l’organisation des soins : la nuit, les week-ends, les jours fériés ou lors des changements d’équipe, surtout dans les établissements de santé. Trop peu d’EIGS sont déclarés en ville, non pas qu’il y en existe moins, mais ils sont peu déclarés, la culture de sécurité n’étant pas encore parfaitement intégrée en médecine de ville.

Selon le secteur d’activité, les EIGS ne sont pas les mêmes : la psychiatrie concentre les cas de suicide, les soins de suite et de réadaptation (SSR) les chutes, tandis que les établissements médecine-chirurgie-obstétrique (MCO) sont davantage concernés par les EIGS liés aux accouchements et aux erreurs médicamenteuses. Pour ces dernières, l’erreur de dosage, le plus souvent un surdosage, apparaît comme l’erreur la plus fréquente lors de l’administration de médicaments. Mais il existe aussi des EIGS portant sur le médicament lui-même (erreur dans la prescription et dans l’administration) voire le patient (médicament pas été adressé au bon patient). En pédiatrie, les EIGS relèvent souvent de l’absence de formes galéniques spécifiques chez l’enfant qui induit des erreurs de posologie, de surdosage, conséquences d’erreurs de calcul lors de dilution.

Focus sur l’obstétrique et la crise Covid

Cette année, la HAS a réalisé un focus sur les EIGS et l’accouchement. Ils ont été de 269 entre mars 2017 et décembre 2021, dont plus de la moitié ont conduit au décès de la mère ou de l’enfant ou des deux. L’analyse de ces EIGS spécifiques montre qu’ils interviennent souvent lors d’un défaut de prise en charge (retard à l’extraction, défaut d’asepsie) ou de diagnostic (souffrance fœtale, éclampsie). La HAS préconise donc de former en continu sur la lecture des rythmes cardiaques fœtaux complexes, douteux, d’actualiser et d’harmoniser les protocoles de prise en charge d’une hémorragie du postpartum, incluant le volet obstétrical et le volet anesthésique, et enfin de former et d’organiser des simulations en santé pour la prise en charge en urgence de la parturiente et du nouveau-né.

Concernant la crise sanitaire, la HAS a relevé 1 341 EIGS ayant conduit plus d’une fois sur deux au décès du patient. Aucun nouveau risque n’est apparu lors de cette crise, mais ce sont des défauts de prise en charge ou de diagnostic et des erreurs médicamenteuses qui ont été les plus rapportés dans ce contexte. Face à cela, la HAS préconise également la formation aux gestes d’urgence et à la gestion des risques par la simulation, et l’utilisation plus large de la télémédecine pour pouvoir bénéficier d’avis spécialisés plus rapidement.

Se former, déclarer et analyser

Face à ces EIGS, la HAS promeut la déclaration, la formation et le recours aux structures régionales d’appui à la qualité et à la sécurité des soins dont l’expertise approfondie des EIGS contribue à des retours d’expérience de qualité. « Passer du temps sur l’analyse et la déclaration d’un EIGS, ce n’est pas perdre du temps », redit la HAS qui déplore que la moitié des analyses reçues restent inexploitables. L’analyse de ces données, couplée à la 3ème enquête nationale sur les EIGS (ENEIS), devrait permettre l’élaboration d’une feuille de route « sécurité du patient » par le ministère de la Santé.

  • Évènements indésirables graves associés à des soins (EIGS) : bilan annuel 2021, novembre 2022. http://www.has-sante.fr