Manon Morel : « Les mauvaises conditions de stage sont responsables de l’abandon des étudiants » - Objectif Soins & Management n° 0290 du 08/12/2022 | Espace Infirmier
 

OBJECTIF SOINS n° 0290 du 08/12/2022

 

Études infirmières

ACTUALITÉS

Claire Pourprix

  

En octobre dernier, Manon Morel a été élue présidente de la Fnesi, la Fédération nationale des étudiant·e·s en sciences infirmières. L’étudiante en 3e année de soins infirmiers à l’IRFSS Croix-Rouge de Saint-Étienne (Loire) a pris une année de césure pour effectuer ce mandat. Elle nous explique quels sont les projets prioritaires qu’elle souhaite mener à bien.

Vous êtes entrée à la Fnesi en 2020 pour rejoindre la Commission de défense des droits des étudiants et avez été vice-présidente en charge des politiques de jeunesse. Quelle a été votre motivation à candidater pour la présidence de la Fédération ?

Je souhaite suivre les grands travaux, les grands combats que nous menons dans l’optique de valoriser la formation, le métier d’infirmier, et de défendre les étudiants. L’un de nos objectifs prioritaires est la refonte de la formation pour prendre en compte l’intégration universitaire. Actuellement, les étudiants infirmiers ne sont toujours pas intégrés : nous n’avons pas accès aux services universitaires et sommes par exemple très souvent écartés des élections universitaires, car nos instituts de formation sont délocalisés. Le problème de fond est que, après nos 3 années de formation, nous obtenons un grade licence et non pas un diplôme national, selon le principe que les infirmiers n’ont pas besoin de poursuivre leurs études. Pour que notre formation soit véritablement inscrite dans l’université, nous demandons à ce que les formations en sciences infirmières soient intégrées au sein du modèle Licence-Master-Doctorat. Des discussions sont engagées avec les ministères de tutelle depuis plusieurs années. Le dossier avance petit à petit et des expérimentations ont été lancées l’année dernière à Rennes, Saint-Étienne et Grenoble.

Dans tous les cas, les stages resteront un socle important de l’apprentissage du métier. Or, dans ce domaine aussi, la Fnesi souhaite faire bouger les lignes…

Oui, les conditions d’accueil en stage sont une de nos préoccupations principales. Nous avons alerté le ministre de la Santé car trop d’étudiants sont maltraités : ils ne sont pas accompagnés, parfois même harcelés… Le ministre nous a partiellement entendus, en reconnaissant par exemple que l’accueil des étudiants en Ehpad n’est pas adapté, les stagiaires faisant souvent office de personnel gratuit. Mais le problème est bien plus général. Tous les jours, nous recevons des appels d’étudiants qui sont évalués sur des pratiques qu’ils n’ont pas vues, font office d’aide-soignant, ont l’interdiction de s’asseoir ou de se joindre à l’équipe pour la pause déjeuner… Dans le cadre du volet Santé du Conseil national de la refondation (CNR), des groupes de travail sur l’amélioration de l’attractivité du métier ont évoqué l’idée de retirer la formation de ParcourSup, arguant qu’elle attire un public trop jeune, pas assez préparé à ce métier. Cela ne nous convient pas ! Le concours a été supprimé pour améliorer l’égalité des chances et lutter contre la précarité. Nous ne souhaitons pas de retour en arrière. Car dans les faits, ce sont les mauvaises conditions de stage qui sont responsables de l’abandon des étudiants, pas ParcourSup. C’est pourquoi la Fnesi réclame depuis des années la création d’une plateforme nationale d’évaluation des stages et demande à ce que des infirmiers aient le statut de tuteur pour accompagner de manière professionnelle les étudiants dans les services.

Comment réagissez-vous à l’interdiction d’exercer en intérim pour les jeunes diplômés, introduite par le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 ?

Les étudiants ont très mal vécu cette interdiction, que nous dénonçons. Ils vivent cela comme une mesure punitive, qui oblige les jeunes diplômés à accepter des emplois dans des services où ils n’ont pas forcément envie de travailler, avec des salaires qui ne leur permettent pas de subvenir à leurs besoins. Cette mesure met en question la qualité de leur formation et risque d’aggraver la précarité des étudiants, qui sont nombreux à travailler comme aide-soignant intérimaire pour financer leurs études.