UN RÉSEAU D’INFIRMIERS LIBÉRAUX INTERDIT D’EXERCER - Ma revue n° 026 du 01/11/2022 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 026 du 01/11/2022

 

CONTENTIEUX

JE DÉCRYPTE

LE MOIS EN BREF

Laure Martin  

La chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des infirmiers a rendu mi-septembre une décision actant l’interdiction d’exercer à un infirmier à la tête d’un réseau d’Idels. Elle rappelle l’impossibilité de pratiquer ce métier comme un commerce.

J’ai été contacté il y a six ans environ par un groupe d’idels organisées en collectif, m’informant de l’émergence de réseaux d’infirmiers sur leur territoire, générateur d’une captation de patientèle », raconte MaîtreArnaud de Lavaur, avocat au barreau de Paris. En réaction, le collectif a déposé une plainte en 2018 devant le conseil départemental de l’Ordre des infirmiers (CDOI). Le motif principal était que le réseau achetait de la publicité sur Internet pour se faire connaître et qu’il pratiquait une concurrence déloyale vis-à-vis des autres cabinets. Le CDOI a décidé, en septembre 2019, d’émettre « un avertissement au fondateur du réseau, rappelant que le référencement payant n’était pas autorisé, rapporte Maître de Lavaur. Mais comme il n’y a pas d’organe de contrôle, il a continué sa pratique. »

PARTAGE D’HONORAIRES

Une autre plainte émanant d’une ancienne collaboratrice du réseau a été déposée le 23 octobre 2018 devant le CDOI « pour divers manquements déontologiques », raconte Maître de Lavaur. Cette fois, l’argumentaire de l’avocat a surtout porté sur le fait que le réseau soit tenu par un seul associé titulaire, exerçant avec environ 80 collaborateurs. « Selon nous, le fait qu’un seul associé travaille avec un si grand nombre de collaborateurs peut s’apparenter à la gestion d’une entreprise », soutient-il. Ce qu’interdit le code de santé publique. L’avocat a aussi soutenu que cette activité donnait lieu à du partage d’honoraires, le titulaire du cabinet n’exerçant qu’accessoirement le métier d’infirmier. Or, sauf exception, notamment pour la mise en œuvre du Bilan de soins infirmiers (BSI), le code de santé publique l’interdit, car il n’est pas possible de s’enrichir sur le travail de quelqu’un d’autre. En mars 2020, la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre infirmier a acté la radiation du gérant du réseau et de sa société d’exercice libéral à responsabilité limitée (Selarl), décision confirmée en appel par la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre le 12 septembre 2022. Comme l’explique la direction de l’Ordre infirmier, la décision de la chambre disciplinaire rappelle que la collaboration est une communauté de proximité créée « entre le titulaire exerçant de manière effective la profession et les collaborateurs en vue d’envisager, à terme, leur accession au statut d’associés ou afin que les collaborateurs puissent créer leur propre cabinet », ce qui n’était pas le cas dans l’affaire jugée. En outre, le montant de la redevance exigé pour chaque collaborateur devait être regardé comme un partage d’honoraires car le titulaire ne participe pas aux charges du cabinet pour sa part de titulaire et que son montant est indifférent des charges annuelles. L’infirmier condamné, qui n’a pas souhaité donner suite à notre demande d’interview, a toutefois précisé se pourvoir en cassation devant le Conseil d’État.