MÉDITATION ET HYPNOSE : POUR UN SEVRAGE EN DOUCEUR - Ma revue n° 026 du 01/11/2022 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 026 du 01/11/2022

 

ADDICTOLOGIE

JE DÉCRYPTE

SANTÉ PUBLIQUE

Isabel Soubelet  

Le centre hospitalier de Martigues a mis en place des programmes d’hypnose et de méditation pleine conscience pour accompagner les patients dans leur décision de mettre un terme à leur addiction, notamment au tabac, le plus sereinement possible.

Dans le cadre d’un appel à projets financé par l’agence régionale de santé (ARS) Provence-Alpes-Côte d’Azur, un programme basé sur deux outils novateurs, l’hypnose et la méditation pleine conscience, a été mis en place au centre hospitalier de Martigues (Bouches-du-Rhône). Lancé en décembre 2019, budgété pour trois ans, il est porté par le service addictologie de l’établissement. Le programme, ouvert aux patients et aux soignants, comprend deux axes : l’hypnose, utilisée dans le cadre de l’addiction au tabac, et la méditation pleine conscience, pour la gestion du stress.

L’HYPNOSE POUR COMBATTRE LA DÉPENDANCE

« En addictologie, il faut travailler sur trois aspects : la dépendance physique, la dépendance psychologique et la dépendance comportementale, souligne Mylène Pellier, IDE en addictologie et formée à l’hypnose. Pour chaque personne, nous avons un dossier complet et dans le parcours en addictologie, nous travaillons d’abord sur la substitution nicotinique. Je propose aux patients des entretiens individuels afin d’évaluer leur dépendance, et des séances individuelles d’hypnose de trente minutes dans le cadre de l’aide à l’arrêt du tabac. Les séances sont intégrées dans la prise en charge globale du patient et cette approche s’inscrit dans un projet personnalisé. L’hypnose permet de travailler à un état de conscience modifié, efficace, pour permettre à chacun de gérer sa douleur et son anxiété. Mais chaque individu est particulier et il est bien sûr nécessaire d’adapter le processus. Les personnes hypercontrôlantes ne parviennent pas forcément à atteindre l’état hypnotique, entre veille et sommeil, nécessaire pour l’hypnose. » Même si les professionnels reconnaissent que cet outil n’est pas adapté à tout le monde, les premiers résultats sont encourageants (lire encadré). De plus, l’hypnose n’est pas seulement un outil qui permet l’arrêt ou le maintien de l’arrêt du tabac, elle dispose d’autres atouts. « Elle aide à la gestion du stress pour la plupart des patients, apporte de la détente et de la motivation dans le fait d’arrêter le tabac, et permet également une prise de conscience des méfaits du tabac, ajoute Mylène Pellier. Elle favorise un apprentissage du lâcher-prise, une phase importante pour le patient dépendant. Dans tous les cas, l’arrêt du tabac doit se faire progressivement, sans souffrance. » En effet, une personne qui a une dépendance physique forte peut, après des séances d’hypnose, compenser son manque avec de la nourriture et prendre du poids, ce qui n’est pas souhaitable.

MÉDITATION ET RETOUR AU CALME

Les ateliers de méditation pleine conscience (MPC), à raison d’une séance par semaine de 2 heures 30, s’étalent sur huit semaines. « C’est un programme évolutif qui alterne théorie et exercices pratiques, précise Mylène Pellier. Ici, l’objectif central concerne la gestion du stress. Nous pouvons avoir des patients en addictologie, mais aussi issus d’autres services comme l’oncologie, ainsi que des soignants ou des étudiants en Ifsi [institut de formation en soins infirmiers, NDLR]. » Les ateliers se déroulent en groupe de douze personnes (maximum) et des discussions ont lieu après chaque séance de méditation collective. Les objectifs visés sont multiples : développer la concentration afin que cette dernière soit durable, de qualité et rassemblée - et non dispersée et fragmentée - prendre conscience de ses pensées, ses émotions, ses sensations corporelles… « C’est un processus difficile lorsqu’il n’est pas habituel, mais qui permet de mieux gérer ses pulsions, sa surcharge mentale, sa colère », ajoute l’infirmière en addictologie qui au fil du temps intègre cet outil dans les rendez-vous individuels. Au final, le but est bien de faire baisser l’anxiété. Il est en effet clairement établi que les personnes dans une addiction sont anxieuses. La méditation pleine conscience s’affirme bien ainsi comme un outil pour s’en libérer.

Info +

Initiée en 2016, l’opération Mois sans tabac propose de relever collectivement le défi et met à disposition, entre autres, un site internet dédié (tabac-info-service.fr), une application d’e-coaching et un kit d’aide à l’arrêt comprenant un programme de 40 jours.

Hypnose, des résultats encourageants

Les personnes, à 92 % sous prescription de substitution nicotinique, ont suivi de 1 à 4 séances d’hypnose. La moyenne d’âge était de 53 ans, très majoritairement des femmes. Sur les six derniers mois, 11 personnes ont arrêté leur consommation de tabac, 7 l’ont réduite, et 1 l’a reprise. Globalement, dans le suivi du projet et à raison de 50 patients par an, on note que 86 % des participants ont baissé leur niveau de dépendance, 88 % ont acquis de la confiance en eux, et 11 % sont restés au même niveau de dépendance.