APPEL À COMMUNICATIONS : ET SI VOUS VOUS LANCIEZ ? - Ma revue n° 021 du 01/06/2022 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 021 du 01/06/2022

 

RENDEZ-VOUS PROFESSIONNELS

VIE PRO

COMPÉTENCES

Lisette Gries  

Que ce soit pour présenter un poster, mettre en lumière des pratiques innovantes ou proposer une réflexion, les communications lors de congrès ou de salons professionnels sont l’occasion d’enrichir ses connaissances. Mais souvent, on n’ose pas candidater. Le jeu en vaut pourtant la chandelle…

Prenez part à notre congrès en nous envoyant votre proposition de présentation ! » De salons en colloques, le texte de l’appel à communications varie peu, en dehors de quelques précisions (thème, public visé, etc.). On les lit souvent sans plus y réfléchir, jusqu’au jour où l’on se dit : « Et si je me lançais ? » Pourtant, les novices en la matière se retrouvent souvent assaillies de doutes. Le sujet est-il assez intéressant ? Quel est le meilleur événement pour une première intervention ? À quoi s’attendre si la proposition est retenue ? Comment se préparer à une présentation en public ?

Si l’aventure est certes prenante, elle est aussi enrichissante à de nombreux égards. « On ressent une grande fierté d’avoir dépassé ses craintes et d’avoir suscité l’intérêt, voire les questionnements de l’assistance », décrit Brigitte Herisson, infirmière clinicienne et secrétaire générale de l’Association nationale française des infirmières et des infirmiers diplômés et des étudiants (Anfiide). Ce sentiment d’accomplissement est le point d’orgue d’un cheminement à la fois logistique et personnel.

APPORTER DE LA NOUVEAUTÉ

Un colloque spécialisé ou réservé à un public limité, que ce soit par la profession ou la zone géographique, sera probablement plus rassurant pour une première communication qu’un événement généraliste comme le Salon infirmier ou encore des congrès internationaux. La secrétaire générale de l’Anfiide propose la boussole suivante : « Dès que l’on a quelque chose de nouveau à apporter dans un domaine, il est intéressant de pouvoir le partager avec les autres. »

Pour Sylvie Gervaise, qui a été directrice du comité scientifique du Salon infirmier pendant une dizaine d’années, il ne faut pas pécher par timidité. « Même un travail qui pourrait sembler banal à ses auteurs peut avoir un intérêt pour d’autres soignants. Communiquer permet d’harmoniser les bonnes pratiques professionnelles », encourage-t-elle.

Il n’est pas nécessaire de se lancer devant un amphithéâtre rempli dès le début. « Pour une première intervention, la présentation d’un poster est une bonne porte d’entrée », suggère Erwan Guillouët. Cet infirmier anesthésiste (Iade) au CHU de Caen, également responsable opérationnel du centre de formation en simulation Norsims, est un habitué des communications dans les salons et les congrès, où il est désormais invité. Il a eu l’occasion de faire des présentations de formats différents, devant des publics plus ou moins spécialisés et fournis. « Un poster est cohérent pour présenter une étude que l’on a menée ou une solution mise en place dans le service. Ce support donne aussi le cadre de la présentation orale, relativement brève, et devant un public assez restreint », précise-t-il.

Si le sujet appelle une présentation un peu plus détaillée, on pourra se tourner vers un atelier ou une séquence thématique. Une communication lors d’une session plénière demande une préparation plus complète puisqu’il s’agit de s’exprimer pendant un temps plus long et de répondre aux questions d’un public moins spécialisé. « Dans tous les cas, il faut bien maîriser son sujet, souligne l’Iade. Mais les IDE ont toute leur place dans les colloques. Il n’y a pas que les professions médicales qui ont des choses intéressantes à présenter. »

DÉPOSER SA CANDIDATURE

Concrètement, lorsqu’un sujet pertinent émerge et que l’on souhaite le présenter, il faut le soumettre aux comités organisateurs des événements visés. « Sur la plateforme de dépôt des dossiers, des critères sont précisés, qui concernent à la fois le fond et la forme », explique Anne-Laure Lepilleur, membre du comité Iade de la Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar). Des informations méthodologiques sont fournies pour le résumé ainsi que des repères pratiques (nombre de caractères par partie, description des coauteurs, etc.).

Ces critères, déterminants, doivent être respectés pour pouvoir être sélectionnée par le comité. S’ensuit un processus rigoureux d’évaluation des candidatures. « Pour le Congrès national de la Sfar, les dossiers sont relus et révisés par deux assesseurs. Nous disposons d’une grille d’analyse qui nous permet d’attribuer une note à chaque proposition », détaille Anne-Laure Lepilleur. Ce fonctionnement à partir d’une grille d’analyse pour assurer une équité de traitement entre les dossiers avec une double, voire une triple évaluation, est commun à la majorité des congrès. Il permet de faire des choix transparents en fonction des souhaits éditoriaux affichés par les organisateurs.

« Depuis plusieurs années, on sent une dynamique porteuse dans la profession : les infirmières sont de plus en plus volontaires pour communiquer avec leurs paires sur leurs travaux, se réjouit l’ancienne directrice du comité scientifique du Salon infirmier. Mais parmi toutes les candidatures soumises aux comités organisateurs, seule une partie d’entre elles sont retenues. » Pas d’affolement, donc, si votre proposition n’est pas acceptée.

SOIGNER SON SUPPORT ÉCRIT

Une fois le projet validé, une partie importante du travail reste à accomplir : la préparation du support et du texte de présentation. « Pour se guider, il faut chercher à se conformer à la commande, souvent assez détaillée, conseille Erwann Guillouët. Pour les posters, par exemple, il est souvent précisé le nombre de tableaux, de graphiques, voire de caractères devant figurer. » Ces critères sur la forme vont pouvoir servir de cadre pour l’élaboration du fond. Dans le cadre d’une communication plus libre, les orateurs ont généralement recours à un diaporama (PowerPoint ou Keynote, par exemple). « Ni ma coautrice, ni moi n’étions très à l’aise en informatique, se remémore Anne-Laure Lepilleur en évoquant sa première contribution au Congrès de la Sfar. Mais nous avons pu compter sur l’appui d’autres personnes sur ce volet… »

Pour le construire, Brigitte Herisson prodigue le conseil suivant : « Le diaporama a l’avantage de diriger l’attention de la salle vers l’écran, ce qui peut rassurer les personnes timides, mal à l’aise d’être sous le regard du public. Il est donc important de le rendre attrayant : mieux vaut proposer des pages claires, aérées, qui contiennent des mots-clés ou des chiffres parlants que tout le texte de la présentation. » À noter que certains congrès proposent un appui technique pour réaliser le support, tandis que d’autres se limitent à des recommandations pour le nombre de diapositives ou d’éléments visuels.

S’EXERCER ENCORE ET ENCORE

Enfin, il faut s’entraîner à la présentation orale. « Quand on a l’habitude de conversations professionnelles informelles ou d’explications données dans le cadre privilégié de la relation avec le patient, s’exprimer de façon intelligible et captivante n’a rien de naturel », reconnaît Brigitte Herisson. Il n’y a donc pas de secret : il faut s’exercer autant de fois que nécessaire. Pour Erwann Guillouët, « le meilleur feed-back, c’est celui du chronomètre ». Car les présentations orales doivent respecter une certaine durée, et il est important de s’y tenir.

Une fois que l’on se sent suffisamment à l’aise, il peut être intéressant de tester sa présentation devant un premier public. « Pour ma première intervention au Congrès de la Sfar, je devais présenter une étude menée avec une collègue sur les pratiques professionnelles en anesthésie dans les centres de neuroradiologie interventionnelle. Nous avions mené une enquête auprès de tous les centres de France, se souvient Anne-Laure Lepilleur. Avant de communiquer au Congrès, nous avons fait une présentation lors d’une réunion de service. Et cela a donné lieu à des échanges très intéressants. »

L’équipe de soins peut en effet servir de premier filtre, mais il faut savoir accepter les remarques. « La critique peut être très constructive », tient à souligner Brigitte Herisson. Il est aussi possible de se tourner vers la direction des soins, par exemple, pour avoir un autre retour. Autre piste possible : prendre contact avec les organisateurs. « Certains membres de comités scientifiques s’investissent beaucoup dans l’accompagnement des orateurs. C’est une véritable mission de transmission qu’ils entreprennent afin de donner envie au plus grand nombre de participer », apprécie Sylvie Gervaise. Si les contacts avec le comité organisateur sont distants, il peut alors être intéressant d’échanger avec le modérateur de l’atelier ou de la session juste avant l’intervention.

« Pour une première présentation, il est peut-être plus rassurant de constituer un binôme, voire un trio, d’intervenants, suggère-t-elle encore. À plusieurs, on mutualise les forces et la motivation… » De fait, se préparer à une communication demande de pouvoir s’investir dans ce travail. Parfois, le service de soins parvient à dégager des moyens et du temps, mais dans tous les cas, l’engagement nécessite d’y consacrer du temps personnel.

Mais « même lorsque l’on a pris l’habitude d’intervenir en public, cela demande toujours autant de travail et de concentration, remarque Erwann Guillouët. Il faut être en mesure de répondre aux questions, de rebondir… » Il convient donc être à jour dans ses connaissances, sans pour autant être incollable. « La salle, quelle que soit sa taille, est toujours bienveillante, et d’autant plus s’il s’agit d’une première fois », rassure Brigitte Herisson.

FAIRE ENTENDRE L’EXPERTISE INFIRMIÈRE

Puisque cela représente un tel investissement, comment expliquer qu’autant d’infirmières soumettent des dossiers ? « Plus on communique, et plus on a envie de le faire, sourit Erwann Guillouët. C’est un challenge qu’on se lance à chaque fois. » Et les retombées aux niveaux individuel et collectif sont multiples. « À titre personnel, on s’inscrit dans une démarche d’enrichissement des connaissances et des pratiques, apprécie la secrétaire de l’Anfiide. Lors de congrès internationaux, comme celui du Sidiief, il y a des échanges avec des soignants d’autres pays : cela ouvre les horizons de façon formidable ! »

Mais c’est aussi une façon de prendre du recul sur son quotidien professionnel. « Cela permet de sortir du bloc, physiquement et mentalement, pour réfléchir à ce qu’on y fait », précise Anne-Laure Lepilleur. Cette bouffée d’air frais peut même bénéficier à toute l’équipe : une participation réussie à un congrès peut donner envie de mettre en place de nouvelles habitudes de travail, qui feront l’objet d’une nouvelle communication, et ainsi de suite. Un échange vertueux s’instaure alors entre le terrain d’exercice et la réflexion engagée dans une démarche de recherche.

Il apparaît donc clairement que ces interventions lors d’événements sont aussi une occasion rêvée de faire progresser les sciences infirmières et de faire entendre la voix de la profession auprès des autres métiers du soin. « Notre profession évolue vers une culture davantage émancipée. Lorsqu’on s’appuie sur l’expertise infirmière pour enrichir les connaissances dans un domaine, c’est également une manière de démontrer notre plus-value dans la conception des soins », conclut Brigitte Herisson.

Alors, n’hésitez plus à suivre ce conseil unanime : « Osez vous lancer ! »

La force des collectifs

La meilleure solution pour contrer la solitude dans la course de fond que représente la préparation d’une communication, puis le sprint final de la présentation en public ? Ne pas le faire en solitaire…

Si au lieu de parler en son nom uniquement, l’orateur y adosse celui de son établissement, voire d’une association professionnelle, ces collectifs peuvent devenir de vraies ressources. « Dans l’idéal, une infirmière pourra constituer un petit groupe de travail avec son cadre de service et une personne de la direction des soins », conseille Sylvie Gervaise, qui a présidé le comité scientifique du Salon infirmier pendant une dizaine d’années.

Autre option : les associations de soignants. « Avec l’Anfiide, nous accompagnons nos membres qui souhaitent communiquer. Nous les aidons aux différentes étapes, que ce soit pour améliorer les écrits et les supports, enrichir les bibliographies, faciliter l’aisance à l’oral ou encore envisager les réponses à certaines questions », détaille Brigitte Herisson, secrétaire générale de l’association. Dans les deux cas, cet appui est un concours précieux, mais également un engagement à double sens entre l’infirmière et le collectif qu’elle représente.