DÉDUCTION DES FRAIS DE VÉHICULE : QUELLE OPTION ? - Ma revue n° 018 du 01/03/2022 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 018 du 01/03/2022

 

FISCALITÉ

J’EXERCE EN LIBÉRAL

RÉGLEMENTATION

Laure Martin*   Anne-Sophie Simon**  


*expert-comptable et commissaire aux comptes chez AT & Associés (groupement Absoluce)

L’utilisation d’un véhicule dans le cadre des tournées au domicile des patients génère des frais professionnels. Pour les déduire, l’infirmière libérale a le choix entre deux options. Mais tout dépend de sa situation.

Pour toutes les dépenses réalisées dans le cadre de l’exercice, les frais de véhicule entrent dans la catégorie des frais professionnels. L’infirmière libérale (Idel) peut donc faire baisser son bénéfice en déduisant ces dépenses selon deux méthodes, l’une réelle, l’autre forfaitaire. Le choix entre l’une ou l’autre se fait au 1er janvier, pour l’année entière. Il est donc nécessaire d’estimer au plus juste les kilomètres qui seront parcourus, car l’Idel ne peut pas effectuer un choix d’opportunité en fin d’exercice. L’option s’applique à l’ensemble des véhicules utilisés durant l’année, son effet portant sur l’année civile et non sur un véhicule et ce, même en cas de changement de voiture en cours d’année.

LES FRAIS RÉELS

Cette option permet de déduire tous les frais réels liés au véhicule, proportionnellement à la quote-part de l’utilisation professionnelle. En cas d’usage mixte, c’est-à-dire à la fois professionnel et personnel, il est nécessaire de calculer un prorata des kilomètres professionnels par rapport aux kilomètres globaux sur l’année. Pour pouvoir être déductibles, les frais doivent être justifiés, ce qui implique de les comptabiliser correctement et de conserver les justificatifs. Les frais réels se composent de la façon suivante :

→ les charges d’utilisation : essence, entretien courant (pneus, vidange), petites réparations, loyers versés dans le cadre d’une location longue durée (LLD) ou d’une location avec option d’achat (LOA) ;

→ les charges de propriété : amortissement, assurance, carte grise, grosses réparations, intérêts d’emprunt.

L’ensemble de ces charges est déductible à condition que le véhicule soit inscrit à l’actif.

Les frais de carburant sont soumis à un barème. Lorsque la professionnelle loue sa voiture (contrat de location classique, LLD, LOA), elle peut, par mesure de simplification, opter pour l’évaluation forfaitaire des frais de carburant. Le choix doit être effectué a priori, c’est-à-dire au 1er janvier d’application. La part d’usure étant déjà prise en compte dans le loyer, il n’est pas possible d’utiliser le même barème que celui pour les frais de véhicule, soit le forfait BNC (bénéfice non commercial). C’est un forfait BIC (bénéfice industriel et commercial), qui ne comprend que les frais de carburant, qui est alors appliqué.

La limitation fiscale : avec les frais réels, et indépendamment du mode de financement (prêt personnel, professionnel, LLD, LOA), il existe une limitation fiscale de la déductibilité des loyers ou des amortissements du véhicule à prendre en compte. Le calcul des amortissements et des loyers est en effet plafonné sur la base d’un montant qui dépend du taux d’émission de CO2. Ainsi, le montant maximal déductible s’élève à 30 000 € pour une auto ayant un taux d’émission inférieur à 20 g/km (voir le tableau p. 49). Par exemple, pour un véhicule coûtant 35 000 € amortis sur cinq ans – durée du prêt ou de la location – et émettant plus de 165 g de CO2 par kilomètre, l’Idel ne peut pas déduire 35 000 €/5, soit 7 000 €/an, mais 9 900 € (plafond appliqué pour ce type de véhicule)/5, soit 1 980 €/an. Elle aura alors une réintégration fiscale de la partie non déductible de 7 000 – 1 980 = 5 020 €, qui augmentera son résultat fiscal de ce montant. La quote-part de déduction de l’amortissement sera donc faible. De fait, dans ce cas précis, l’utilisation des indemnités kilométriques est plus intéressante en raison de la non-application d’un coefficient lié au caractère polluant ou non du véhicule.

Pour la LLD ou la LOA, la base réintégrable correspond à la quote-part non déductible des amortissements. Le calcul s’effectue en déterminant un amortissement théorique calculé sur la durée du contrat, comme si l’Idel en avait été propriétaire.

→ Attention : il n’est pas possible de soustraire l’intégralité du montant des loyers. La limite fiscale et l’application du coefficient d’usage professionnel peuvent donc réduire le montant de l’amortissement ou du loyer admis en déduction du résultat professionnel. Aussi, selon le type de modèle et le prix d’achat du véhicule, l’option des indemnités kilométriques peut se révéler là aussi plus intéressante.

LE FORFAIT KILOMÉTRIQUE

L’option des indemnités kilométriques consiste en une déduction forfaitaire sur la base d’un coefficient déterminé par l’administration fiscale, dont la variable dépend du nombre de chevaux fiscaux du véhicule . À l’exclusion des intérêts du prêt, quasiment tous les frais sont inclus dans le calcul du coefficient, à savoir l’assurance, l’entretien et l’usure. Si elle le souhaite, l’infirmière peut déduire les intérêts de l’emprunt liés au financement, en plus des indemnités forfaitaires. Dans ce cas, le véhicule doit être enregistré à l’actif de l’entreprise, et est, par conséquent, immobilisé.

Si l’Idel opte pour le forfait kilométrique, elle doit être en mesure d’apporter toutes les précisions utiles susceptibles de justifier le kilométrage professionnel. Dans la déclaration 2035 B, elle doit indiquer le nombre de kilomètres parcourus au titre de son exercice ainsi que le tarif kilométrique qui leur est appliqué. Ce dernier étant, selon un barème, fonction du nombre de kilomètres réalisés et des chevaux fiscaux du véhicule.

Depuis 2021, le montant des frais de déplacement calculés à partir de ce barème est majoré de 20 % pour les véhicules électriques.

En cas de changement de voiture en cours d’année, le barème doit être appliqué de façon séparée à chacun des véhicules, en fonction de la puissance fiscale et du kilométrage parcouru par chacun d’entre eux dans l’année. Il ne faut donc pas procéder à la globalisation des kilomètres faits. Des frais annexes, non calculés dans ce barème, peuvent être ajoutés si l’Idel dispose des justificatifs et que le véhicule est inscrit au bilan. Il s’agit de certains frais imprévisibles tels que les dépenses de réparations à la suite d’un accident.

QUELLE OPTION ?

Le choix entre frais réels et forfait kilométrique relève de la situation de l’Idel. Il dépend :

→ du nombre de kilomètres annuel ;

→ de la puissance fiscale du véhicule ;

→ des dépenses réelles.

Avant toute prise de décision, mieux vaut faire des simulations en fonction des kilomètres et des frais réels annuels, et se rapprocher de son comptable.

Vigilance

Attention, les frais de parking, de box et de péage n’entrent pas dans l’arbitrage frais réels/forfait kilométrique. Ils sont déductibles séparément en fonction de leur caractère professionnel.

Lorsqu’ils sont exclusivement liés à l’activité professionnelle, ils sont intégralement déductibles. S’ils sont mixtes (à la fois professionnels et personnels), ils sont alors déductibles en proportion de l’utilisation professionnelle.