DES RÈGLES PLUS SOUPLES POUR LA PUBLICITÉ - Ma revue n° 014 du 01/11/2021 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 014 du 01/11/2021

 

LÉGISLATION

J’EXERCE EN LIBÉRAL

RÉGLEMENTATION

Laure Martin*   Grégory Caumes**  


*directeur adjoint en charge des services internes et des relations institutionnelles au sein de l’Ordre national des infirmiers

Depuis décembre 2020, les obligations des infirmières dans les domaines de la publicité et de l’information au public ont évolué. Si les règles s’assouplissent dans le cadre d’une harmonisation à l’échelle européenne, la rigueur reste néanmoins toujours de mise.

Les principes en matière de publicité des professions libérales ont changé. Le décret n° 2020-1660 du 22 décembre 2020 modifie le Code de déontologie des infirmières concernant leur communication professionnelle. Ce texte assouplit les règles en termes d’information et de publicité, et procède à une mise en cohérence avec l’article L 4312-15 du Code de la santé publique. C’est la décision n° 416948 du Conseil d’État du 6 novembre 2019 qui intègre, par voie de jurisprudence, dans la législation française, la jurisprudence européenne. Dans une décision rendue le 4 mai 2017, la Cour européenne a jugé que le droit de l’Union européenne (UE) s’oppose à une législation nationale interdisant de manière générale et absolue toute publicité relative à des prestations de soins.

Elle a rappelé que la notion de « communication commerciale », au sens du droit de l’UE, couvre toute forme de communication destinée à promouvoir directement ou indirectement les services d’une personne exerçant une profession réglementée. De telles communications sont en principe autorisées sous réserve de respecter certaines règles afin de permettre au patient de disposer des informations nécessaires à son choix libre et éclairé de ses soignants. Le Conseil d’État a donc proposé de supprimer l’interdiction de la publicité directe ou indirecte dans le Code de la santé publique. Il a également posé un principe de libre communication des informations au public par les professionnels de santé, sous réserve du respect des règles gouvernant leur exercice.

COMMUNIQUER PLUS FACILEMENT

Il est désormais possible pour les professionnels de santé libéraux, dont les infirmières, de communiquer plus intensivement sur différents éléments les concernant et par tout moyen, y compris des sites Internet. Il est notamment prévu qu’ils puissent, dans le respect des règles déontologiques, renseigner leurs compétences, pratiques et parcours professionnel ou encore leurs conditions matérielles d’exercice, puisque l’ensemble de ces éléments peut contribuer au libre choix du patient. Ce qui implique la possibilité de communiquer sur :

→ leur curriculum vitæ ;

→ les formations suivies, donc les titres, les diplômes et les fonctions reconnus par l’Ordre national des infirmiers (Oni) ;

→ leur spécialisation ;

→ leurs publications ;

→ les éventuelles distinctions honorifiques reconnues par la République française ;

→ leur expérience patient.

En plus de ces informations, l’infirmière libérale peut faire figurer son adresse professionnelle, les modalités pour la joindre, les jours et heures de consultations, et si elle est en exercice coordonné, dans les annuaires à usage du public, quel qu’en soit le support.

→ À noter : la professionnelle de santé ne peut obtenir, contre paiement ou tout autre moyen, un référencement numérique faisant apparaître de manière prioritaire l’information la concernant dans les résultats d’une recherche sur Internet.

Les renseignements sus-cités peuvent également figurer sur sa plaque professionnelle, laquelle peut être apposée à l’entrée de l’immeuble et/ou à la porte du cabinet. Lorsque la disposition des lieux l’impose, une signalisation intermédiaire peut être prévue. Le Conseil d’État a aussi rendu obligatoire, dès la prise de rendez-vous, la diffusion, sur tout support, des informations économiques précises liées aux tarifs de la consultation et des actes, avec un affichage dans les salles d’attente ou lieux d’exercice.

Au moment de son installation ou dans le cadre d’une modification de son exercice, l’infirmière peut publier des annonces sur différents supports, y compris la presse.

PARTICIPER ÀLA DIFFUSION DEL’INFORMATION

Le Conseil d’État invite en outre l’Ordre national des infirmiers à encourager les soignantes à communiquer davantage avec le public. Une communication qui doit être effectuée conformément à leurs recommandations, de manière à éviter toute « autoproclamation » non vérifiée de spécialités, pratiques ou encore parcours professionnels. Elles peuvent ainsi communiquer sur des informations objectives à finalité scientifique, préventive ou pédagogique sur leurs disciplines et les enjeux de santé publique.

Lorsque l’infirmière libérale participe à une action d’information à destination du public, elle ne doit faire état que de données confirmées, faire preuve de prudence et avoir le souci des répercussions que ses propos pourraient avoir sur son auditoire. Elle ne doit en aucun cas chercher à tirer profit de son intervention dans le cadre de son activité, ni à en faire bénéficier des organismes au sein desquels elle exerce ou auxquels elle prête son concours. Elle doit formuler ces informations avec prudence et mesure, en respectant ses obligations déontologiques, et se garder de présenter comme des données acquises des hypothèses qui n’ont pas encore été confirmées.

UNE PUBLICITÉ ENCADRÉE

Bien que les professionnelles de santé aient désormais la possibilité d’accentuer leur communication à travers les médias et sur les réseaux sociaux (Twitter, LinkedIn, Instagram, Facebook, YouTube), dans la pratique, toutefois, des interdits demeurent. Ainsi, la publicité à visée commerciale reste proscrite pour l’acte médical en tant que tel, notamment parce que les soignants ont l’interdiction d’inciter à la consommation de soins, la médecine n’étant pas considérée comme un commerce. L’infirmière ne peut donc pas non plus créer des tutos avec des placements de produits. Sa communication doit :

→ être loyale et honnête ;

→ ne pas faire appel à des témoignages de tiers ;

→ ne pas reposer sur des comparaisons avec d’autres professionnels de santé ou établissements ;

→ ne pas inciter à un recours inutile à des actes de prévention ou de soin ;

→ ne pas porter atteinte à la dignité de la profession et induire le public en erreur.

Des recommandations de l’Oni devraient prochainement préciser l’application pratique de ces différentes obligations.

Des exemples de contentieux

L’Ordre national des infirmiers peut être saisi par des infirmiers libéraux pour des contentieux qui les opposent à des confrères. Voici quelques exemples dans les domaines de la publicité et de la communication.

CONTENTIEUX N’AYANT PAS ABOUTI

L’Ordre a déjà reçu plusieurs dossiers d’Idels accusant de concurrence déloyale et de publicité illégale des infirmières ayant créé des pages Facebook et LinkedIn pour présenter leur cabinet. Après étude des cas, l’Ordre a constaté que ces Idels présentaient leur CV, formation, activités, zone d’activité. Les posts réguliers étaient en rapport avec l’activité du cabinet et les journées de sensibilisation autorisées par le ministère de la Santé. Les plaignantes n’ont donc pas eu gain de cause car ces informations étaient scientifiquement étayées, mettaient en valeur des diplômes officiels universitaires et permettaient aux patients de disposer de suffisamment d’informations pour exercer leur libre choix.

CONTENTIEUX AYANT ABOUTI

→ Discrimination

Un cabinet libéral permettait aux patients de choisir leur infirmière en fonction de leur appartenance religieuse, de leur couleur de peau et de leur sexe. Si le patient a le droit de choisir son soignant, ce choix doit se baser sur des critères de soins et de compétences, et non sur des critères discriminatoires. L’Ordre a donc sanctionné les infirmières de ce cabinet car il n’est pas possible de faire de publicité sur la base de comportements illégaux et discriminants.

→ Propos complotistes

Un infirmier utilisait ses comptes sur les réseaux sociaux pour promouvoir un discours anti-vaccin basé sur les théories du complot. Il a été sanctionné.

CONTENTIEUX DANS LE CADRE DE LA COVID-19

La communication des soignants ne doit pas inciter à la consommation. Toutefois, en cette période pandémique, il a été convenu qu’une communication accrue, indiquant si l’infirmier pratique des tests anti-Covid ou la vaccination, est autorisée car elle sert l’intérêt général.