“IL FAUT QUE LA PROFESSION PUISSE SIÉGER LÀ OÙ LES DÉCISIONS SONT PRISES POUR LA POPULATION” - Ma revue n° 007 du 01/04/2021 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 007 du 01/04/2021

 

ÉDITO

Hélène Trappo  

Rédactrice en chef de L’INFIRMIÈR.E

Ça pique ! Pas seulement l’aiguille pour injecter le précieux vaccin, mais aussi les maladresses accumulées, pour ne pas dire plus, auprès de la profession infirmière dans ce feuilleton à rebondissements multiples qu’est la vaccination à la française. Il y a eu cette idée, que même les intéressés n’ont pas trouvé bienvenue, de confier la vaccination aux sapeurs-pompiers. Alors même qu’il existe des infirmiers de sapeurs-pompiers et tout une profession pour œuvrer dans l’hexagone. 140 000 libérales, par exemple, au plus près de leurs patients… Il y a encore ce décret du 5 mars autorisant les infirmières à vacciner contre la Covid hors de la présence du médecin, certes, mais imposant aux patients d’être munis d’une prescription. Une disposition qui a provoqué une levée de boucliers de vingt-quatre orga nisations infirmières (syndicats, associations, sociétés savantes, etc.) qui ont pris en pleine figure « ce mépris des compétences infirmières », pour reprendre leurs propos diffusés dans un communiqué du 15 mars.

On est parfois plus prompt à pointer un taux de vaccination insuffisant des professionnelles de santé qu’à leur donner les moyens de s’emparer d’une mission pour laquelle elles sont pourtant bien compétentes. Faut-il y voir le signe d’un réel mépris ou plutôt d’un cafouillage dans l’organisation de cette campagne vaccinale ? Car les mécontentements fusent de toutes parts. Les médecins ont de leur côté réagit, notamment par la voix du Dr Jérôme Marty, président de l’UFML, qualifiant de « fou et méprisant » l’annonce multimédia de la suspension du vaccin AstraZeneca, avant même d’en informer les principaux intéressés : médecins, pharmaciens et infirmières. La vaccination est pourtant « le pilier de la sortie de crise », a souligné le conseil scientifique. Et le Premier ministre n’a-til pas appelé à la mobilisation générale ?

Ce manque de considération, de confiance, envers les infirmières, tout au moins en apparence, tranche avec la mobilisation, l’esprit d’initiative dont elles font preuve depuis le début de la crise sanitaire (et même en dehors de ce contexte, lire page 6). Une expérience dont la profession devrait sortir grandie et mieux positionnée sur la scène politique. Comme l’a mis en exergue Hélène Salette, directrice générale du Sidiief, lors d’une conférence au Salon infirmier Live(1), la pandémie a provoqué « une prise de conscience collective, à travers le monde, et les infirmières ont été plus sollicitées comme expert. On pense plus volontiers à elles pour participer aux grandes discussions à l’échelle internationale, sur les soins aux personnes âgées, le contrôle des infections… » C’est clair, l’après-pandémie ne saurait se construire sans elles.

Et en France, à quand la nomination d’une infirmière ou d’un infirmier comme conseiller auprès du ministère, comme le suggère Brigitte Lecointre, présidente de l’Anfiide(1) car « il faut que la profession puisse siéger au plus haut niveau, là où les décisions sont prises pour la population ». La campagne vaccinale ne s’en porterait pas plus mal.

1 « Quand la francophonie fait rayonner la profession infirmière », Salon infirmier Live, conférence du 10 mars, 16 heures.