UN REMPLACEMENT DANS LES RÈGLES - Ma revue n° 006 du 01/03/2021 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 006 du 01/03/2021

 

GESTION DU CABINET

J’EXERCE EN LIBÉRAL

FORMALITÉS

Hélène Colau  

Pour avoir recours à un remplacement, remplacée comme remplaçante doivent se soumettre à un certain nombre d’obligations. Le point sur les règles juridiques qui s’appliquent.

LES SITUATIONS EXIGIBLES AU REMPLACEMENT

→ Tout remplacement doit correspondre à une absence ponctuelle de l’Idel, qui doit pouvoir la justifier auprès du Conseil de l’ordre : raisons de santé, congés, formation… S’il n’y a pas vraiment de durée limite au remplacement, celui-ci ne doit en aucun cas faire l’objet d’un contrat à durée indéterminée. Toutefois, il peut être reconduit autant de fois que nécessaire. « C’est souvent le cas lorsqu’une infirmière a besoin de se faire remplacer de façon récurrente, tous les mercredis par exemple, explique Olivia Azérad, juriste spécialisée au sein de la mutuelle MACSF. Elle établit alors un contrat à durée déterminée qu’elle renouvelle régulièrement, par exemple tous les six mois. »

→ Il n’est pas possible pour une infirmière de remplacer une professionnelle interdite d’exercice car en tant que remplaçante, la soignante prend légalement la situation conventionnelle de celle qu’elle remplace. De même, elle ne peut remplacer plus de deux Idels à la fois. Pour la durée du remplacement, la remplacée est soumise à une interdiction stricte d’exercer ailleurs, exception faite si elle doit porter assistance aux malades ou blessés en péril, ou encore si elle doit répondre à l’appel d’une autorité qualifiée pour collaborer à un dispositif de secours pour une situation d’urgence, de sinistre ou de calamité.

→ Idéalement, avant le début du remplacement, prévoir au moins une journée de présentation aux patients permettra à la future remplaçante de faire un repérage géographique et de prendre contact avec la patientèle. À noter que comme elle n’effectue pas les soins, elle ne sera pas rémunérée pour cette journée.

LES DÉMARCHES À EFFECTUER PAR LA REMPLAÇANTE

Avant de se lancer, la remplaçante doit effectuer un certain nombre de démarches.

→ En premier lieu, elle doit justifier d’au moins 2 400 heures travaillées (soit dix-huit mois) au sein d’une institution de soins, d’une structure de soins ou d’un groupement de coopération sanitaire dans les six ans précédant le début de la mission de remplacement.

→ Puis, il lui faut s’inscrire à l’Ordre infirmier, sans quoi elle peut être accusée d’exercice illégal de la profession. Elle doit également souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle (RCP) et demander une autorisation de remplacement au Conseil de l’ordre. « Mais attention, celleci n’étant valable qu’un an, il ne faut pas oublier de la renouveler », rappelle Olivia Azérad.

→ Ensuite, la remplaçante doit s’inscrire auprès de l’Agence régionale de santé (ARS) et de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) pour obtenir une carte de professionnel de santé (CPS). Cette carte permettra l’identification de l’Idel remplaçante mais également l‘accès à la télétransmission via le logiciel de la remplacée, laquelle doit, de son côté, créer un compte « remplaçant » pour raccourcir les délais de paiement. Pour s’enregistrer auprès de la CPAM, il faut fournir la copie du diplôme d’État infirmier, le numéro d’inscription à l’Ordre, la copie de l’autorisation de remplacement en cours de validité délivrée par l’Ordre et l’adresse du lieu d’exercice dans lequel l’infirmière va assurer l’activité de remplaçante.

→ Enfin, il lui reste à s’inscrire à l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf), en s’adressant au Centre de formalités des entreprises (CFE), auprès de laquelle les libéraux s’acquittent de leurs cotisations - avant le huitième jour d’activité -, ainsi qu’à la caisse de retraite Carpimko. « Comme à chaque étape, des justificatifs seront demandés. Il est donc préférable d’effectuer toutes ces démarches dans l’ordre », conseille la juriste.

Si le bon déroulement de ce processus est de la responsabilité de la remplaçante, la remplacée est tout de même tenue de vérifier que tout est en ordre. Car en cas de problème, la sanction professionnelle peut tomber sur les deux soignantes en cause.

LA RÉDACTION D’UN CONTRAT

→ Rédiger un contrat est obligatoire, sauf dans des cas exceptionnels portant sur des remplacements très brefs (moins de vingt-quatre heures). Celui-ci doit mentionner les dates exactes du remplacement, le lieu d’exercice, rappeler les règles de déontologie et de l’indépendance professionnelle, détailler les modalités de rétrocession et de rupture du contrat, préciser la clause de non-concurrence… En cas de remplacement d’une durée supérieure à trois mois, consécutifs ou non, l’infirmière libérale remplaçante s’engage en général à ne pas s’installer dans le secteur - sur un rayon d’une quinzaine de kilomètres - pendant deux ans pour éviter toute concurrence directe.

→ Si aucun contrat n’est rédigé, ce qui est souvent le cas, il n’y a pas de sanction prévue. « Mais la remplacée s’expose alors à un risque de requalification du remplacement en association, de fait, qui peut donner à la remplaçante des droits sur la patientèle, comme un rachat ou une obligation de partage, avertit Olivia Azérad. Sans parler des litiges sur la rétrocession : si la remplacée décidait de garder l’intégralité des sommes, en l’absence de contrat, il est très difficile pour la remplaçante de faire valoir ses droits en justice. »

→ Le contrat, enregistré par le Conseil départemental de l’ordre, constitue une trace des engagements pris, preuve précieuse en cas de litige.

LES DÉMARCHES À EFFECTUER PAR LA REMPLAÇANTE

Lors du remplacement, les honoraires perçus ainsi que la facturation sont effectués au nom de l’infirmière titulaire, laquelle reverse ensuite ces sommes à sa remplaçante, après déduction d’un pourcentage.

→ Le montant de cette rétrocession est fixé librement entre les deux parties. Mais le pourcentage prélevé doit juste permettre à la remplacée de faire face aux charges fixes du cabinet (loyer, mise à disposition de matériel…), ce qu’elle devra être en mesure de justifier en cas de litige. En général, il est de l’ordre de 5 à 10 % des sommes encaissées. « Si un taux abusif est appliqué par la remplacée, par exemple 50 %, la remplaçante pourra par la suite assigner l’Idel en justice pour tenter d’obtenir le remboursement des sommes indûment versées, même si elle avait signé un contrat », informe Olivia Azérad.

→ Au moment du versement des sommes, la remplacée doit fournir un relevé détaillant les honoraires rétrocédés (relevé établi à la main, extraction de logiciel comptable…). Cela facilitera la comptabilité de chacune. La remplacée déduit ensuite les honoraires rétrocédés de son résultat fiscal, après avoir réintégré le pourcentage qu’elle a conservé.

→ Les indemnités kilométriques de week-end ou de jour férié sont normalement exclues de la rétrocession, sauf lorsque le véhicule est mis à la disposition de la remplaçante par le cabinet. Dans ce cas, cela doit être précisé dans le contrat.

Vigilance

REMPLAÇANTES, DES PRÉCAUTIONS À PRENDRE

• Lorsqu’une Idel effectue un remplacement, Olivia Azérad conseille de conserver une copie de son agenda contenant l’ensemble des soins effectués. Celle-ci pourra servir de preuve en cas de litige sur la rétrocession. « Il arrive que les rétrocessions ne soient pas du tout versées ou que la remplacée ne reverse les sommes dues qu’au compte-gouttes, afin de se constituer une trésorerie », rapporte-t-elle.

• La remplaçante doit également être attentive aux termes de la clause de non-concurrence : il est préférable qu’elle ne s’applique que pour les remplacements de plus de trois mois et qu’elle soit proportionnée à la durée de ceux-ci. « Sinon, on peut se retrouver très embêtée au moment de s’installer, avec une interdiction portant sur une zone géographique très large, prévient-elle. Et si, de ce fait, on choisit d’effectuer de nouveaux remplacements, le délai s’allonge encore et potentiellement le secteur visé par l’interdiction également… C’est un cercle vicieux. »

RÉFÉRENCES

Texte officiel

• Le Code de déontologie des infirmiers précise les règles du remplacement dans un document en ligne, disponible sur : bit.ly/3p9Er0m

Sources utiles

• La MACSF propose un dossier thématique sur le remplacement des professionnels libéraux, disponible en ligne sur : bit.ly/3qCFupQ

• L’Assurance maladie a établi des fiches pratiques consultables en ligne sur : bit.ly/2KDVo3X

• Modèle de formulaire de rétrocession : bit.ly/3sMLA92

• Modèles de contrat de remplacement : bit.ly/395IcOG