LES CUMP AU CHEVET DES VICTIMES PSYCHIQUES - Ma revue n° 006 du 01/03/2021 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 006 du 01/03/2021

 

JE ME FORME

JURIDIQUE

Isabel Soubelet  

Les cellules d’urgence médico-psychologique existent sur tout le territoire national depuis 1997. Leur mission ? Assurer des soins d’urgence auprès des victimes de blessures psychologiques.

La première cellule d’urgence médicopsychologique (CUMP) a vu le jour, à titre expérimental, après l’attentat du 25 juillet 1995 à la station RER Saint-Michel, à Paris. Et depuis 1997, le dispositif est étendu à tout le territoire. Les Cump interviennent dans le cadre des Services d’aide médicale d’urgence (Samu) et sont placées, depuis 2013, sous l’autorité des agences régionales de santé (ARS), pour répondre aux besoins psychologiques des personnes victimes d’événements à retentissement psychologique collectif (catastrophes naturelles, attentats, prises d’otages…) en assurant une prise en charge immédiate et post-immédiate. « Notre spécificité, ce sont les traumatismes psychiques à caractère collectif, souligne Nathalie Prieto, psychiatre à l’hôpital Édouard Herriot (Hospices civils de Lyon) référente nationale des cellules d’urgence médico-psychologique, et responsable de la Cump Auvergne-Rhône-Alpes. Nous traitons des problématiques sur des personnes lambda qui présentent des troubles réactionnels suite à un événement. »

UNE PRÉSENCE SUR TOUT LE TERRITOIRE

Depuis leur création, le cadre réglementaire des Cump s’est enrichi. Le décret du 7 janvier 2013 relatif à la préparation et aux réponses aux situations sanitaires exceptionnelles a inscrit l’urgence médico-psychologique dans le Code de la santé publique. Et le décret du 6 octobre 2016, relatif à l’organisation de la réponse du système de santé (dispositif Orsan) et au réseau national des Cump pour la gestion des situations sanitaires exceptionnelles, a créé un volet médico-psychologique dans le dispositif Orsan pour répondre aux besoins des victimes. « Nous avons un maillage territorial et extra-marin exemplaire qui permet de mettre en lien et de trouver le bon interlocuteur qui pourra répondre aux problématiques de la personne, ajoute Nathalie Prieto. S’il s’agit d’un effet réactionnel, la Cump peut répondre, et s’il s’agit d’un aspect très traumatique, nous orientons la personne vers le réseau de santé mentale que nous connaissons bien. »

Ainsi, l’instruction du 6 janvier 2017(1), relative à l’organisation de la prise en charge de l’urgence médico-psychologique, précise la présence des différentes Cump sur le territoire national :

→ les Cump départementales : « Chaque établissement de santé siège de Samu comporte une “Cump dite départementale”, constituant une unité fonctionnelle rattachée au Samu. Le dispositif doit couvrir l’ensemble du territoire régional » ;

→ les Cump départementales renforcées, implantées dans les départements de plus d’un million d’habitants, ont un rôle de soutien à la Cump régionale dans sa mission de coordination et de renfort ;

→ les Cump régionales : l’ARS désigne la « Cump dite régionale » parmi les Cump départementales pour assurer une mission de coordination des Cump départementales et des Cump départementales renforcées de la région ;

→ les Cump zonales, chargées, en cas de situation sanitaire exceptionnelle, de coordonner la mobilisation des Cump de la zone de défense. À savoir que la France métropolitaine compte sept zones de défense (Nord-Lille, Paris, Est-Metz, Sud-Est-Lyon, Sud-Marseille, Sud-Ouest-Bordeaux, Ouest-Rennes), et cinq zones en outre-mer.

COMPOSITION ET FORMATION

Chaque département est pourvu d’une Cump composée d’un psychiatre hospitalier qui a accès à un réseau de psychiatres, de psychologues et d’infirmières en santé mentale. Les personnels et professionnels de santé volontaires pour intégrer une Cump sont inscrits sur une liste arrêtée par l’ARS, recensant les équipes pouvant intervenir. Ces soignants, qui peuvent exercer dans un établissement de santé ou en libéral, doivent être rapidement disponibles pour intervenir dès qu’une prise en charge de victimes est indispensable « La connaissance en santé mentale est nécessaire, ajoute Nathalie Prieto. Les professionnels sont volontaires, mobilisés et doivent être préparés. Ils sont formés de manière théorique et pratique au trauma et aux situations d’urgence en interne par chaque Cump. Ils peuvent aussi, à leur charge, passer un diplôme universitaire en psychotraumatologie. À la Cump Auvergne-Rhône-Alpes, nous disposons de moyens permanents. Ainsi, s’il faut intervenir dans le Cantal, nous y allons. Le maillon faible, c’est le manque de formation et les équipes réduites dans certains départements peu dotés. » Une Cump disposant de moyens permanents comprend un secrétariat au sein du Samu, un psychiatre, un psychologue et une infirmière.

MODALITÉS D’ACTION

Le déclenchement d’une Cump se fait selon plusieurs critères. L’événement doit être collectif, l’intervention se fait dans les 24 heures, et la Cump, en tant que dispositif médical d’urgence, n’a pas vocation à assurer le suivi des patients au-delà du post-immédiat (un mois, en général). L’instruction du 6 janvier 2017 mentionne que « les victimes des blessures psychiques doivent recevoir des soins d’urgence au même titre que les blessés physiques. L’intervention rapide doit permettre une prise en charge immédiate et post-immédiate optimale. Cette prise en charge doit s’étendre au soin médico-psychologique des personnels et professionnels de santé et des sauveteurs ».

Mais le champ de compétences de la Cump n’est pas infini. Ainsi, elle n’intervient pas dans les mouvements de revendications ou les problèmes de violence sociétale, par exemple (cf les recommandations de la SFMU (2)).

Une fois le dispositif déclenché, la réponse peut prendre plusieurs formes : conseil, intervention immédiate ou post-immédiate, orientation vers les urgences et/ou les partenaires de soins. « On sait qu’une prise en charge précoce en aidant à la verbalisation de la situation et des faits va faciliter la digestion émotionnelle et prévenir l’apparition d’un état de stress post-traumatique », souligne Céline Nguyen-Lamouri, infirmière coordonnatrice à la Cump 13 et infirmière aux urgences psychiatriques à l’hôpital de la Timone, à Marseille (AP-HM). « Sur les sites de catastrophes, il est important d’avoir un point de rassemblement des victimes, comme un gymnase ou une salle dans une mairie. Cela permet aux volontaires d’aller en binôme à leur rencontre et de marauder. Mais chaque événement est particulier. Lors de l’attentat de Nice, par exemple, nous avons fait un repérage des soins immédiats, du nursing, du débriefing psychologique individuel et collectif des victimes, des témoins mais aussi des soignants et sauveteurs qui ont participé à la prise en charge des personnes. Ça a été une de mes expériences les plus difficiles. »

La diversité des situations nécessite une grande capacité d’analyse et d’adaptation. Dernièrement, l’épidémie de Covid-19 a généré du stress, de l’angoisse et des symptômes chez beaucoup de gens. « Depuis mars 2020, nous avons déclenché les Cump avec plusieurs niveaux d’action, explique Nathalie Prieto. Nous avons mis en place un numéro vert national pour la population générale, organisé une prise en charge des soignants avec une approche de proximité et, depuis novembre, doté de moyens permanents, et pérennes, les centres d’urgence médico-psychologique avec un psychologue et une infirmière pour prendre en charge les aspects psychiques dans les Ehpad et les autres établissements médico-sociaux. »

RÉFÉRENCES

Notes

1. Disponible en ligne sur : bit.ly/3agurvU

2. « Organisation et modalités d’intervention des cellules d’urgence médico-psychologique. Recommandations de la Société française de médecine d’urgence (SFMU) en collaboration avec l’Association de formation et de recherche des cellules d’urgence médicopsychologique - Société française de psychotraumatologie (Aforcump-SFP) », Disponible en ligne sur : bit.ly/39vfAyF

Et aussi

• Association de formation et de recherche des Cump, dont le congrès annuel est reporté en 2021 : bit.ly/3r6Uxyz

TÉMOIGNAGE

Faire le lien et dialoguer

Céline Nguyen-Lamouri, infirmière coordinatrice à la Cump 13 (AP-HM)

Quel a été votre rôle lors des incendies qui ont fait rage les 4 et 5 août 2020 à Martigues ?

Dès les premiers feux, nous étions en pré-alerte avec les sites concernés. La Cump 13 des Hôpitaux universitaires de Marseille (AP-HM) a été activée au niveau départemental puis régional, ce qui a permis de mobiliser des volontaires formés. Avec les médecins coordonnateurs, j’ai réalisé un point de situation avec les pompiers, les mairies et le Samu. Il fallait évaluer la situation pour déterminer les moyens et les besoins. Nous avions potentiellement 2 800 personnes évacuées sur huit sites et trois communes avec beaucoup d’estivants. Des résidents ont dû quitter leur maison et choisir en quelques minutes l’essentiel à emporter de leur vie partie en fumée… Mon rôle a donc été de faire le lien avec les instances de terrain, de mettre en place la logistique et de dialoguer avec les volontaires.

Au-delà de l’urgence, quelles sont vos autres missions ?

Je manage les volontaires (80 à 100 pour l’AP-HM), les soutiens, les accompagne avant, pendant et après les interventions. La règle de base, quand il y a un déclenchement de la Cump, est de donner aux volontaires la typologie de l’événement. Chacun doit pouvoir évaluer, au moment où on l’appelle, s’il a un point de fragilité et s’il doit refuser pour des raisons institutionnelles, organisationnelles ou émotionnelles. En dehors des situations d’urgence, j’anime des formations, dont la formation initiale de deux jours à la clinique du stress et du stress post-traumatique. Elle est indispensable pour venir sur une catastrophe.

Propos recueillis par I. S.