LES BONS RÉFLEXES POUR UN PROJET VIABLE - Ma revue n° 003 du 01/12/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 003 du 01/12/2020

 

INSTALLATION

J’EXERCE EN LIBÉRAL

FORMALITÉS

Laure Martin*   Agathe Blondeaux**  


*juriste chez Fiducial

Avant d’envisager une installation en libéral, une infirmière ne peut passer outre les sacro-saintes étapes de l’étude de marché et du budget prévisionnel. Des démarches indispensables pour assurer la bonne marche de sa future activité.

S’établir en libéral passe par un certain nombre d’étapes, qui commencent dès l’idée du projet jusqu’à sa concrétisation. Dès le départ, il est impératif, pour la future infirmière libérale (Idel), de définir les objectifs de son business plan, à savoir : pourquoi souhaite-t-elle se lancer en libéral ? Quel revenu envisaget-elle de tirer de son activité ? Quelles sont les charges à prévoir ? Dans quelle zone veut-elle s’installer ? Pourra-t-elle prétendre à des aides ? Va-t-elle pouvoir investir ? Comment va-t-elle vivre de son activité ? Pour répondre à ces questions, deux démarches sont inévitables : réaliser un étude de marché et un business plan.

L’ÉTUDE DE MARCHÉ

Réaliser une étude de marché permet de répondre aux interrogations sur les conditions d’exercice : où va s’installer la future Idel ? À quelles conditions peut-elle exercer ? Qui seront les confrères et les prescripteurs ? Il est donc impératif d’étudier le territoire d’exercice envisagé, de faire un état des lieux de la demande en soins et de l’offre.

LA COLLECTE DES DONNÉES

Il s’agit là d’une étape cruciale. Les infirmières libérales ayant déjà été remplaçantes ou collaboratrices dans la zone d’installation prévue - ce qui est bien souvent le cas - disposent généralement d’informations concernant la patientèle et les cabinets déjà existants.

En cas de découverte du territoire, il est possible de se renseigner auprès de l’Agence régionale de santé (ARS) ou encore d’avoir recours à des outils comme CartoSanté. Cet atlas de la santé permet, en sélectionnant une zone, de connaître l’offre et la demande de soins pour les professionnels de santé libéraux, et de se faire une idée des possibilités ou non d’installation. Des statistiques démographiques, notamment celles de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), permettent en outre de compléter les données collectées. Mais il est également possible d’aller à la rencontre des différents professionnels de santé libéraux exerçant leur activité sur le secteur envisagé - médecins, pharmaciens, kinésithérapeutes, infirmiers des laboratoires de biologie médicale et des établissements sanitaires ou médicosociaux - afin de se renseigner plus précisément sur la situation du secteur. Enfin, le Conseil départemental de l’ordre des infirmiers, les Associations de gestion agréées (AGA) ou encore la municipalité peuvent aussi être de bon conseil.

MENER SON ENQUÊTE

L’objectif est de collecter un maximum de données et de les connecter entre elles pour se faire une idée de la situation du territoire. Ce travail prend du temps, mais il est impératif. Parmi les informations à recueillir : qui sont les patients, combien d’entre eux pourraient faire partie de la patientèle du cabinet, qui sont les acteurs de santé qui vont être prescripteurs, quelle sera la concurrence… Il peut par exemple être intéressant de savoir si une Maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) est en train de se monter, ou si un médecin prévoit de partir à la retraite, ce qui peut influencer les futures prescriptions. De même, en fonction de la zone d’installation envisagée, l’Idel peut également bénéficier d’aides financières (lire notre article « Installation en libéral : attention aux règles de zonage », p. 57). Tous ces questionnements doivent être concrets. Certes, il sera rarement possible d’obtenir une vue complète d’une situation mais il y a toujours une part de risque dans l’entrepreneuriat.

LE BUSINESS PLAN

Cette étape correspond à la partie comptable et financière de l’étude de marché, qui vise à répondre à une autre série de questions : la future Idel va-t-elle pouvoir vivre de son activité ? À combien vont s’élever les charges obligatoires ?

Va-t-elle pouvoir vivre avec ce qui lui reste à la fin du mois ? Doit-elle souscrire à un emprunt ?

LE RECOURS À UN EXPERT-COMPTABLE

À ce stade, c’est-à-dire une fois que tous les éléments de l’étude de marché ont été rassemblés, il faut chiffrer la future activité pour s’assurer qu’elle va répondre aux besoins qui varient, bien entendu, en fonction de chacun. Si le premier chiffrage peut être effectué par l’infirmière, pour être précis, l’intervention d’un expert-comptable, local et spécialiste du secteur médical, est fortement conseillé. Il peut d’ailleurs lui-même être une source d’informations concernant la situation du territoire. Son rôle est d’établir un budget prévisionnel pour déterminer la faisabilité du projet, en se basant sur les informations recueillies précédemment. Il va élaborer ce budget sur les trois premières années afin d’anticiper le développement du cabinet, avec une estimation des frais généraux, des charges sociales, des taxes et donc des recettes. La future Idel aura ainsi une vue plus précise sur sa future activité et pourra se projeter.

À savoir que les charges sociales forment souvent la partie la plus difficile à estimer en raison de leur paiement en différé. Mais il faut en tenir compte dans le budget prévisionnel pour pouvoir estimer la future rémunération et les éventuelles modalités juridiques liées à l’installation.

SAVOIR ANTICIPER

L’ensemble de ces éléments va permettre à la future Idel de savoir si elle doit disposer ou non d’un apport personnel pour se lancer, et son montant - il est généralement déconseillé d’emprunter, sauf pour l’achat du véhicule. Forte de toutes ces informations, elle pourra alors décider en toute connaissance de cause si elle peut ou non concrétiser son projet.

Dans tous les cas, il est plus que conseillé d’anticiper et de ne pas réaliser le prévisionnel à l’issue de la première année d’activité, comme c’est souvent le cas, car cela peut conduire à de mauvaises surprises. Si les futures Idels se trompent rarement dans l’estimation du chiffre d’affaires, il n’est pas rare, en revanche, que des erreurs soient commises sur l’évaluation des charges, notamment lorsqu’elles n’ont pas anticipé l’activité exponentielle.

CONSEILS D’EXPERT

Les futures Idels doivent être dans une démarche entrepreneuriale

Daniel Guillerm, président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI)

« Avant de s’installer en libéral, il est indispensable que l’infirmière définisse son projet professionnel, notamment lorsqu’elle vient de l’hôpital. Elle se doit d’être dans une démarche entrepreneuriale, donc de mener une étude de marché, ce qui implique de s’interroger sur le zonage et sur les lieux d’installation possibles, d’étudier la démographie professionnelle sur le bassin de vie concerné, de s’informer sur les données socio-démographiques de la population âgée qui constitue la cible des Idels.

Si, sur le territoire envisagé, vivent essentiellement des jeunes, l’activité professionnelle risque d’être compliquée. Pour prendre en compte ce futur environnement de travail, il est conseillé d’utiliser les outils fournis notamment par les Caisses primaires d’assurance maladie ou les plateformes d’aide à l’installation. Les futures Idels doivent aussi, avant de s’établir, démarcher les banques, se renseigner sur leurs conditions générales concernant la gestion des comptes professionnels, démarcher un expert-comptable afin d’anticiper les charges et ainsi mettre en place les conditions d’un exercice professionnel optimal. Enfin, il important que les futures infirmières libérales ne croient pas que le libéral, c’est l’eldorado ! Elles vont conventionner avec l’Assurance maladie. Il s’agit d’un contrat qui donne certes des droits mais sous-entend aussi des devoirs. »