Hospitalisation pour sevrage alcoolique - L'Infirmière Magazine n° 417 du 01/07/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 417 du 01/07/2020

 

FORMATION

CAS CLINIQUE

THIERRY PENNABLE  

M.T., souffrant d’une consommation problématique d’alcool, est orienté vers un service d’addictologie par son médecin traitant à cause d’un état général dégradé. Le médecin de l’unité et lui fixent ensemble l’objectif d’un sevrage suivi d’une abstinence définitive.

L’HISTOIRE

→ M.T., 60 ans, retraité, ancien directeur de collège avec un bon niveau intellectuel et social, est hospitalisé le 2 février 2020 pour une dépendance alcoolique avec reprise d’une consommation non contrôlée et excessive, et dégradation de l’état général.

→ Il s’agit d’une rechute déclenchée par le décès de proches, associé à une déception amoureuse. M.T. a déjà été hospitalisé à quatre reprises lors des deux années précédentes pour le même motif.

→ M.T. vient de son domicile, adressé par son médecin addictologue, qui a insisté auprès des médecins du service pour une hospitalisation rapide.

→ M.T. est très dégradé physiquement, il est amaigri et a du mal à tenir sur ses jambes. Il présente aussi des problèmes dentaires et notamment des dents cassées.

→ Lors de sa dernière hospitalisation dans ce même service des addictions pour dépendance à l’alcool et début d’addiction aux benzodiazépines, M.T. présentait une dégradation de l’état général encore plus importante que lors de ses précédents séjours. M.T. n’avait récupéré l’intégrité de ses facultés physiques et psychologiques qu’au bout d’un mois et demi d’hospitalisation, contre une à deux semaines lors de ses précédents séjours à l’hôpital.

HOSPITALISATION

L’hospitalisation actuelle de M.T. est prévue pour une durée de trois semaines. L’objectif thérapeutique fixé en concertation avec le patient consiste en un sevrage alcoolique, suivi d’une abstinence totale et définitive soutenue par la mise en place d’un traitement médicamenteux.

Prise en charge bio-médico-sociale

→ Soins dentaires. Plusieurs rendez-vous sont pris par le service chez un chirurgien-dentiste pour l’extraction des dents trop abîmées.

→ Traitement médicamenteux du sevrage : diazépam (Valium et génériques), benzodiazépine indiquée dans le traitement des manifestations liées à un sevrage alcoolique, 10 mg × 4 à 6 cp par jour ; disulfirame (Esperal), médicament utilisé dans la dépendance alcoolique, 1 cp par jour (500 mg).

→ À l’entrée puis une fois par semaine : bilans sanguins afin de surveiller notamment le bilan hépatique et test de dépistage urinaire de la consommation d’alcool.

→ Fibroscan fait par le médecin du service une fois durant l’hospitalisation pour dépister une éventuelle cirrhose alcoolique.

→ Entretiens infirmiers à la demande du patient, tous les jours si nécessaire. La relation de compréhension qui s’instaure au cours de ces entretiens permet au patient d’exprimer tout ce qui lui pose question concernant sa prise en charge ou son traitement médicamenteux. Ils permettent au patient, respecté et valorisé, de reprendre confiance en lui et de progresser dans sa propre réflexion concernant sa relation à l’alcool.

→ Consultation médicale une à deux fois par semaine.

→ Séance avec le psychologue une fois par semaine.

→ Thérapie comportementale et cognitive (TCC) qui repose sur l’idée que les conduites addictives sont des comportements appris par conditionnement et par apprentissage social, qui peuvent être modifiés en utilisant les mêmes processus d’apprentissage. Une TCC vise notamment à prévenir les rechutes face à des situations considérées à haut risque, comme refuser un verre d’alcool proposé par un ami ou entrer dans un bar pour commander une boisson non alcoolisée. Si le patient abstinent peut gérer efficacement ces situations, cela augmente le sentiment personnel d’efficacité face à une re-consommation, sentiment qui réduit à son tour le risque de rechute ultérieure.

→ L’activité sportive est prévue tous les matins et l’après-midi un jour sur deux.

→ L’ergothérapie est programmée deux fois par semaine avec des activités choisies par le patient : atelier d’expression écrite ou orale et atelier théâtre avec scènes d’improvisation.

→ Tests de mémoire : test Moca, pour Montreal Cognitive Assessment, utilisé pour détecter un déclin cognitif léger, et test Bearni (Brief Evaluation of Alcohol-Related Neuropsychological Impairment) pour le dépistage des troubles neuropsychologiques liés à la consommation d’alcool.

→ M.T. accepte d’assister à des groupes de parole toutes les semaines avec des intervenants de diverses associations comme les Alcooliques anonymes, ainsi qu’à des réunions d’associations d’anciens buveurs telles que Vie libre.

Modalités de l’hospitalisation

→ Éthylotest pratiqué régulièrement afin de vérifier qu’aucune prise d’alcool n’est réalisée durant l’hospitalisation.

→ Permissions de sortie, organisées le week-end du samedi 9h au dimanche 17h mais non obligatoires, pour un retour à domicile ou un hébergement par des proches. Le traitement médicamenteux pour deux jours est fourni par l’infirmière. Le patient peut à tout moment rentrer de permission s’il en éprouve le besoin.

→ Entretien infirmier à chaque retour de permission pour faire le point avec M.T. sur ses ressentis et les éventuelles difficultés rencontrées. En règle générale, les permissions de M.T. se passent bien, sans envie de consommer de l’alcool. Il s’occupe de sa maison et rend visite à ses proches, heureux de le retrouver sobre. Il s’occupe également de ses papiers administratifs (loyer, impôts, etc.), ce qu’il n’était plus en mesure de gérer lors de ses alcoolisations.

Évolution en cours d’hospitalisation

La prise en charge proposée par le médecin est totalement acceptée par M.T.. En cours d’hospitalisation, le patient montre de l’anxiété lorsqu’il s’agit de baisser les doses des médicaments par crainte d’un état de manque et seule une diminution extrêmement lente peut être envisagée concernant l’anxiolytique (diazépam). Sur le plan physique, M.T. n’a récupéré ses capacités qu’au bout d’un mois et demi d’hospitalisation, bien que toujours fébrile physiquement à ce moment, avec notamment des tremblements.

Adaptation de la prise en charge

La baisse très progressive du diazépam et la récupération lente au niveau de l’état général justifient une prolongation de l’hospitalisation décidée en accord avec M.T.

Des questions ont été soulevées concernant les tests de mémoire. Il est décidé d’attendre une baisse significative du diazépam car les effets secondaires de ce traitement peuvent eux-mêmes entraîner des troubles de la mémoire.

Préparation de la sortie

→ Entretiens avec IDE, médecins et psychologue afin de mesurer la détermination du patient à rester abstinent et lui donner des conseils.

→ Le traitement médicamenteux en prévention d’une reprise de la consommation d’alcool mis en place pour les sorties pendant l’hospitalisation est maintenu après la sortie (Esperal, 500 mg).

→ La veille de la sortie, le médecin reçoit M.T. En entretien. Le patient ne montre pas d’appréhension quant à sa sortie. Au moment de son départ, l’infirmière remet à M.T. tous les documents nécessaires à son suivi en ambulatoire.

Suivi post-hospitalisation

M.T. revient à son domicile après presque deux mois d’hospitalisation. Le patient a eu l’occasion d’y retourner à plusieurs reprises durant les week-ends d’hospitalisation pour une mise en situation et une confrontation à la vie “réelle” sans rapporter de difficultés. Le suivi médical prévoit une consultation mensuelle avec l’addictologue qui assure la prise en charge de M.T. En ambulatoire. Un résumé d’hospitalisation est transmis au médecin qui a effectué la demande d’hospitalisation.