Du conseil à la formation - L'Infirmière Magazine n° 414 du 01/04/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 414 du 01/04/2020

 

INFIRMIÈRES EN NUTRITION CLINIQUE

CARRIÈRE

PARCOURS

LAURE MARTIN  

Créées en 2008, les UTNC (unités transversales de nutrition clinique) s’occupent de la prise en charge nutritionnelle des patients. Au sein de ces structures, les infirmières ont un rôle clé pour les soins, la coordination, l’éducation et la formation.

L’unité transversale de nutrition clinique (UTNC), comme son nom l’indique, est transverse à l’ensemble des services hospitaliers d’un établissement. « Nous n’avons pas de lit d’hospitalisation », explique Anne-Laure Lenoir, infirmière au sein de l’UTNC du CHU de Caen (14). « La nutrition peut concerner les patients de tous les services, donc nous nous déplaçons », précise le Pr Marie-Astrid Piquet, nutritionniste, gastroentérologue et hépatologue. Mais il y a des exceptions. Au CHRU de Nancy (54) par exemple, le travail de l’équipe de l’UTN a permis de démontrer l’importance de la prise en charge offerte dans le domaine de la nutrition. « Nous avons donc monté un dossier pour créer en parallèle une unité d’assistance nutritionnelle qui dispose aujourd’hui de douze lits pour les patients sous nutrition entérale », rapporte Aurélie Malgras, praticien hospitalier.

Les UTNC regroupent toutes les forces de la nutrition : médecins nutritionnistes, infirmières, diététiciens, psychologues ou encore éducateurs en activité physique adaptée. Au CHRU de Nancy, trois IDE sont dédiées à l’UTN. Elles travaillent avec une diététicienne, trois praticiens hospitaliers et un interne. À l’UTNC de Caen, ce sont quatre médecins, une IDE, vingt diététiciennes, deux internes et une cadre qui exercent ensemble. La prise en charge des patients est donc réalisée en interprofessionnalité.

EXPERTISE POUR LA PRISE EN CHARGE

Tous les membres de l’équipe soignante sont “volants”, c’est-à-dire qu’ils se déplacent dans les services de l’établissement pour donner leur avis sur la prise en charge d’un patient confronté à un problème de nutrition. « Lorsqu’un patient est hospitalisé dans un service, si les médecins constatent par exemple une perte de poids et la nécessité d’une prise en charge nutritionnelle adaptée, ils peuvent faire appel à l’UTN pour une première évaluation », explique Justine Krier, infirmière au sein de l’UTN du CHRU de Nancy.

Les IDE se rendent au lit du patient pour un premier bilan et restituent leur avis à l’équipe de l’UTN. Dif férents degrés de prise en charge peuvent être envisagés, par exemple une réévaluation des apports avec des compléments nutritionnels ou la mise en place d’une nutrition artificielle de type entérale ou parentérale. Les professionnels de santé de l’UTNC et ceux du service demandeur décident conjointement du plan de soins adapté pour une prise en charge optimale de la problématique du patient.

UN RÔLE TECHNIQUE ET ÉDUCATIONNEL

Le rôle infirmier est multiple au sein de l’UTNC. L’infirmière participe aux consultations programmées ou en urgence avec les médecins nutritionnistes, les internes, les diététiciennes. « Notre valeur ajoutée est la prise en charge de la partie technique des soins de nutrition, avec la mise en place des sondes pour l’alimentation entérale, la réalisation des pansements, les changements de sonde, indique Anne-Laure Lenoir. J’ai aussi un rôle de surveillance après la pose de sonde quant à son bon positionnement, la réfection des pansements, l’état cutané du patient et sa tolérance de la nutrition. » L’IDE a également un rôle relationnel auprès de la personne soignée et de son entourage. Elle organise des séances d’ETP concernant la nutrition artificielle, le fonctionnement, la préparation à la perfusion, l’usage de la sonde, le branchement du dispositif, la surveillance cutanée, les précautions à prendre pour que la sonde reste en place et soit utilisée de manière adaptée. « Je donne également des conseils sur la conduite à tenir lorsqu’une sonde se retire par inadvertance », ajoute Anne-Laure Lenoir. « Depuis 2010, nous avons un programme d’ETP dédié à la prise en charge des patients en nutrition artificielle, fait savoir Justine Krier. Les soins associés à la nutrition artificielle sont complexes pour le patient avec une composante psychologique lourde, il est important que nous les accompagnions. » L’UTNC du CHU de Caen développe d’ailleurs des consultations mixtes IDE/diététiciennes notamment pour la gastrostomie. « Souvent, ces patients sont sous le choc de l’annonce d’une maladie neurodégénérative grave, indique le Pr Piquet. L’intervention en binôme permet une meilleure prise en charge. »

LE SUIVI DU PATIENT

« Nous devons aussi organiser le retour à domicile du patient », fait savoir Justine Krier. Pour ce faire, les IDE de l’UTN demandent en amont au patient les coordonnées de ses professionnels de santé en ville. Puis elles échangent avec l’hospitalisation à domicile (HAD), les Idel, les médecins traitants, et organisent la sortie avec le prestataire. « Nous assurons par téléphone le suivi à domicile trois à quatre jours après la sortie et durant tout le temps de la prise en charge nutritionnelle », précise Justine Krier. « L’IDE de l’UTN voit régulièrement les prestataires de santé à domicile et est en contact avec les infirmières libérales afin d’assurer le lien avec les patients et informer le médecin en cas de problème dans le cadre de sa prise en charge », explique le Pr Piquet. C’est l’infirmière qui alerte les praticiens s’il faut, par exemple, réajuster la prescription. « Pour les Idel, je leur explique la réalisation des soins à la maison, j’ai surtout un rôle de conseil », ajoute Anne-Laure Lenoir.

ENSEIGNER AUX AUTRES SOIGNANTS

Les infirmières de l’UTNC assurent également l’éducation et la formation des soignants des services, notamment pour l’usage des dispositifs médicaux et la pose des sondes. « Si les IDE des services ont des difficultés avec l’utilisation et la mise en place des dispositifs médicaux de nutrition artificielle, nous allons leur montrer, pour une meilleure connaissance du geste et faire en sorte qu’elles deviennent indépendantes », explique Sabrina Leclerc, IDE à l’UTN du CHRU de Nancy. Elles peuvent aussi former les équipes au dépistage de la dénutrition. « Intervenir dans des formations institutionnelles pour les soignants de l’établissement ou des structures de la région fait partie du rôle infirmier », rapporte Anne Leclercq, cadre de l’UTNC du CHU de Caen. Elle peut intervenir pour former sur la dénutrition, sur le rôle infirmier en nutrition artificielle, sur les pansements.

UNE FORMATION DE TERRAIN

À l’UTNC du CHU Caen, Anne-Laure Lenoir fait partie, à l’origine, du pool de remplacement de l’établissement, elle a donc été formée progressivement à son intervention au sein de l’UTNC. « Les infirmières, en raison de leur formation initiale, détiennent un bagage solide par rapport aux plaies et aux sondes », souligne le Pr Piquet, qui estime néanmoins qu’une formation en interne est indispensable. Il existe un diplôme universitaire de nutrition clinique, mais « la formation de terrain avec les médecins et les diététiciens est déjà très riche », ajoute Anne Leclercq. L’équipe du CHU de Caen a d’ailleurs mis en place un staff nutrition, auquel participent tous les membres de l’équipe, et qui contribue à la formation des uns et des autres. Sabrina Leclerc, au CHRU de Nancy, est détentrice d’un certificat clinique de stomathérapie, une compétence qui lui permet d’assurer le suivi des patients stomisés. Elle a également suivi, comme toutes les infirmières de l’UTN du CHRU de Nancy, une formation de quarante heures à l’éducation thérapeutique, Justine Krier ayant fait le choix de suivre un DU complémentaire en ETP.

À L’ORIGINE DES UTNC

Des troubles nutritionnels sérieux

→ Les troubles nutritionnels touchent 25 à 50 % des patients adultes et enfants accueillis dans les établissements de santé. De même, 14,5 % de la population adulte et près de 20 % de la population pédiatrique française souffre d’obésité et sollicite le système de soins pour des raisons médico-chirurgicales directement liées ou non à cette maladie.

→ Les impacts délétères des troubles nutritionnels sont clairement reconnus : ils sont source de très nombreuses complications ayant des conséquences médicoéconomiques avérées, représentant ainsi un problème de santé publique majeur.

→ Ces constats ont conduit à la mise en œuvre, par le gouvernement, des programmes nationaux nutrition-santé (PNNS). La circulaire du 29 mars 2002 relative à l’alimentation et à la nutrition dans les établissements de santé appelait de ses voeux l’organisation, au sein des centres hospitaliers régionaux, d’une activité de nutrition clinique. À l’incitation du PNNS 2006-2010, la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins a lancé une expérimentation autour de huit UTNC créées en mars 2008 aux CHU de Caen, Lille, Lyon, Nancy, Paris (Joffre-Dupuytren et Necker), Rouen et Toulouse. Depuis, leur nombre s’est multiplié.