Je passe du travail de nuit au travail de jour. Comment m’y préparer ? - L'Infirmière Magazine n° 412 du 01/02/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 412 du 01/02/2020

 

ORGANISATION

SUR LE TERRAIN

MON QUOTIDIEN

FRANÇOIS RICORDEAU*   ANNE-GAËLLE MOULUN**  


*Neurologue, assistant spécialiste du sommeil au centre du sommeil de Croix-Rousse, à Lyon

Travailler la nuit est éprouvant pour le corps. « Quand il y a un travail de nuit, c’est anti-physiologique, car on est censé être couché et dormir la nuit », explique le Dr François Ricordeau, neurologue, assistant spécialiste du sommeil au centre du sommeil de Croix-Rousse à Lyon. Ainsi, passer du travail de nuit au travail de jour est moins sollicitant pour le corps que l’inverse. « Dans ce sens-là, cela pose moins de problèmes pour s’adapter », assure-t-il. En effet, il existe deux régulations du sommeil. En premier lieu, la régulation homéostatique. « Au fur et à mesure de l’éveil, il y a accumulation de substances hypnogènes dans le corps, notamment l’adénosine, reprend le neurologue. Le café est par exemple un anti-adénosine, qui réveille ! » La deuxième régulation est la circadienne, qui permet l’alternance veille/sommeil grâce à l’horloge biologique située dans le noyau suprachiasmatique, au niveau de l’hypothalamus. Cette horloge présente une activité rythmique endogène proche de vingt-quatre heures et permet l’adaptation de nombreux rythmes biologiques. Elle va être synchronisée sur les vingt-quatre heures grâce à différents facteurs, dont le principal est la lumière. En cas de changements de rythme de travail, « l’idée, pour favoriser l’adaptation va être de “recaler” son horloge circadienne le plus vite possible, pour aider son corps à reprendre ce rythme jour/nuit, poursuit le Dr François Ricordeau. Pendant la transition, réussir à s’endormir la nuit va aussi dépendre du rythme circadien de chaque personne. » Pour avoir son “horloge à l’heure”, on peut agir sur des “synchroniseurs” de notre horloge. Le principal est l’exposition à la lumière le matin, mais aussi d’autres facteurs (repas plus importants le matin et plus légers le soir, les contacts sociaux, l’activité physique). Tout cela peut permettre le passage serein d’un travail de nuit à un travail de jour.

Quelle législation ?

→ Le passage d’un travail de nuit à un travail de jour constitue pour les salariés du secteur privé une modification du contrat de travail. Il doit donc être formalisé par la rédaction et la signature d’un avenant. À noter : le travailleur de nuit qui souhaite occuper ou reprendre un poste de jour dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise, a priorité pour l’attribution d’un emploi ressortissant à sa catégorie professionnelle ou d’un emploi équivalent (article L. 3122-13 du code du travail). L’employeur doit porter à la connaissance de ces salariés la liste des emplois disponibles correspondants. Par ailleurs, l’article L. 3122-12 précise que « lorsque le travail de nuit est incompatible avec des obligations familiales impérieuses, notamment avec la garde d’un enfant ou la prise en charge d’une personne dépendante, le refus du travail de nuit ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement et le travailleur de nuit peut demander son affectation sur un poste de jour ».

Des solutions pour mieux dormir

→ Si des difficultés de sommeil persistent, des solutions existent, parfois sur prescription médicale. « Il est possible de s’aider de la mélatonine, sous une forme particulière qui se délivre avec une ordonnance », indique le Dr François Ricordeau. Elle se prend deux heures avant l’heure visée d’endormissement et elle le favorise. « Elle permet au corps, en cas de dérèglement, d’avoir un rythme régulier veille-sommeil. »

→ En complément, le matin, il est possible de mettre une lumière de luminothérapie pour se resynchroniser. « La lumière est un des plus importants synchroniseurs au niveau de l’horloge circadienne », détaille le Dr François Ricordeau.

L’exposition à la lampe doit durer trente minutes le matin à un horaire adapté, surtout en automne et en hiver quand le soleil se fait rare. Il faut une puissance de 10 000 lux pour qu’elle soit efficace. Néanmoins, la luminothérapie est contre-indiquée en cas de certaines affections oculaires ou psychiatriques. Dans ces cas, il faut en parler avec son médecin.

LES BONNES PRATIQUES

→ Disposer d’un environnement de sommeil adapté : atmosphère calme, dans l’obscurité, tempérée et bien ventilée.

→ Arrêter les écrans au moins une heure avant de se coucher.

→ Le soir, faire une activité calme type lecture et manger léger.

→ Éviter les activités sportives en soirée.

→ Garder un rythme de lever assez fixe les jours de repos et le week-end.

→ Ne pas faire de siestes de plus de quinze minutes dans la journée.