Une cécité volontaire - L'Infirmière Magazine n° 408 du 01/10/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 408 du 01/10/2019

 

ÉDITORIAL

HÉLÉNE TRAPPO  

RÉDACTRICE EN CHEF

En 2002, Jacques Chirac lançait, lors de son discours d’ouverture du IVe Sommet de la Terre : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Cette phrase, restée dans les mémoires, a ressurgi lors de la disparition de l’ancien président… trois jours après le discours plein de rage de Greta Thunberg, en larmes, au sommet de l’ONU sur le climat. Entre ces deux événements, que s’est-il réellement passé ? Toutes les prévisions sont de plus en plus alarmistes. Le dernier rapport du Giec (1), adopté le 24 septembre, conclut qu’il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre de près de 50 % d’ici à 2030 pour rester sous + 1,5 °C. Si, entre les deux événements, il s’est passé quelque chose. Ce ne sont plus seulement quelques politiques qui se mobilisent face à l’urgence climatique, mais des centaines de milliers de jeunes à qui, à force d’inertie, on offre un avenir bien sombre. Le discours de Greta Thunberg a suscité des réactions hostiles. Violent, son discours ? Mais ce qui est violent, c’est cette destruction programmée de la planète. On lui reproche d’hystériser le débat, une position trop radicale, sa condition de jeune fille issue de pays riche, etc. Qu’importe. Ces réactions sont révélatrices d’un certain malaise et d’une inaptitude à accepter l’alarme, à recevoir la colère qu’elle exprime, celle de toute une génération en proie à l’éco-anxiété. Caroline Hickman (2), enseignante à l’Université de Bath (États-Unis), explique dans un article relayé sur « ?e Conversation » que la colère, selon ses expériences, est le sentiment le plus approprié pour les enfants face à la gravité du changement climatique. Citons-la pour conclure : « Pour moi, les enfants portent le fardeau émotionnel du changement climatique avec plus de courage que les adultes. Raison de plus pour partager ce fardeau avec eux. »

1- Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) de l’ONU.

2- Elle est membre de la Climate psychology alliance. Voir : « Ce que les enfants ont à nous dire sur la crise climatique », The Conversation, sur : bit.ly/2nFUgkp