SARAH DUPONT INFIRMIÈRE EN RÉANIMATION PÉDIATRIQUE À L’HÔPITAL ROBERT-DEBRÉ (AP-HP) - L'Infirmière Magazine n° 406 du 01/07/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 406 du 01/07/2019

 

RENCONTRE AVEC

CARRIÈRE

PARCOURS

HÉLOÏSE RAMBERT  

« Les relations fortes que je pouvais vivre avec certaines familles ont commencé à me fragiliser. Je me souviens de cas dont j’ai eu du mal à me remettre. »

On choisit la réanimation parce qu’on a envie de découvrir des pathologies aiguës. Pour l’adrénaline, pour l’urgence, pour travailler sur ce qui va mal. Il faut l’avouer, on est un peu maso ! » lance Sarah Dupont. À 32 ans, elle est infirmière en réanimation depuis neuf ans. Ce n’est pourtant pas ce domaine qui, à la base, l’intéressait le plus. « J’étais principalement tournée vers le relationnel avec le patient. J’avais plutôt pensé à la pédopsychiatrie. J’avais même fait mon mémoire sur ce sujet. Puis j’ai fait un stage en réanimation pendant mes études et j’ai eu un coup de cœur pour ce service. » L’alliance entre la technicité et le relationnel la séduit. « Il faut de la rigueur et c’est vraiment très fort humainement. La réanimation est devenue mon objectif », se souvient-elle.

→ Le temps de la réflexion. Sarah Dupont commence sa carrière en réanimation médicale polyvalente, à l’hôpital Cochin, à Paris. Après quelques années, intenses, la jeune infirmière ressent le besoin de prendre du recul sur sa pratique et les questions d’éthique qu’elle soulève. Elle commence alors à suivre, sur son temps personnel et à sa propre initiative, un master d’éthique à l’espace d’éthique d’Île-de-France, à l’hôpital Saint-Louis. « On fait face à des problématiques comme le droit des patients en fin de vie, les directives anticipées, le risque d’erreur et d’obstination déraisonnable… Dans mes journées, j’étais sans arrêt dans l’action et j’avais peu de temps pour me poser. J’ai voulu sortir du contexte de la réanimation pour réfléchir plus sereinement à mon travail », rapporte la jeune infirmière. Sarah Dupont passe cinq ans à l’hôpital Cochin. Au fur et à mesure des années, elle gagne en expertise, mais pas en légèreté. Elle prend réellement conscience de la fragilité de la vie. « Même quand on commence à être l’“ancienne” du service, on n’est jamais de parfaits experts. Il y a toujours des situations nouvelles et on se rend compte des conséquences que peuvent avoir nos erreurs. Cela apprend l’humilité. »

→ Direction la pédiatrie. Au quotidien, Sarah Dupont tisse des liens forts avec les patients et leurs familles. Mais au fil du temps, ses émotions prennent de plus en plus de place. « Les relations fortes que je pouvais vivre avec certaines familles ont commencé à me fragiliser. Je me souviens de cas dont j’ai eu du mal à me remettre. Je me suis dit qu’il était temps pour moi, après cinq ans en réanimation adulte, de changer un peu d’univers. Mais ça ne devait pas me fragiliser tant que cela, vu que je suis partie en réanimation pédiatrique », s’amuse l’infirmière. Son envie d’aller en pédiatrie n’est pas soudaine: des expérience associatives auprès d’enfants l’ont nourrie. « J’ai fait du bénévolat, entre autres, dans une association qui s’appelle “À chacun son Everest”, qui s’occupe d’enfants en rémission de cancer. Cela m’a orientée, doucement mais sûrement, vers la pédiatrie. » Auprès des enfants et de leurs parents, elle expérimente un relationnel encore plus fort, mais aussi un contexte de travail où les émotions des soignants sont mieux acceptées. « En pédiatrie, les soignants s’accordent plus le droit d’être dans l’émotion, parce que la mort d’un enfant ne va de soi pour personne. Je sais que j’ai du mal à oublier les sourires, les jeux, tout ce que j’ai pu vivre avec l’enfant. »

Il y a un an et demi, la jeune femme est passée à mi-temps pour s’attaquer à un nouveau challenge: elle consacre désormais l’autre moitié de son temps à un poste de coordinatrice de prélèvement d’organes. Sarah Dupont attend aujourd’hui son premier enfant. L’occasion pour elle de s’interroger sur son avenir professionnel. « Après neuf ans à faire de la réanimation, neuf ans de pression continuelle, je suis plus fatiguée qu’avant, c’est vrai. Il m’arrive d’envisager d’arrêter. Mais pour l’instant, j’ai dans l’idée de continuer sur ces deux postes, qui m’enrichissent beaucoup. J’aime tellement ça… »

MOMENTS CLÉS

2010 : diplôme d’État infirmier à la Pitié-Salpêtrière (AP-HP).

2010-2015 : travaille à l’hôpital Cochin (Paris), en réanimation médicale polyvalente.

2013-2015 : master en éthique à l’Espace éthique, au CHU Saint-Louis (AP-HP).

2016-2019 : travaille en réanimation pédiatrique (à l’hôpital Trousseau puis à l’hôpital Robert-Debré, Paris).