L’ORDRE À L’ÉCOUTE DES RÉALITÉS DU MÉTIER - L'Infirmière Magazine n° 404 du 01/05/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 404 du 01/05/2019

 

GRANDE CONSULTATION NATIONALE

ACTUALITÉS

FOCUS

CAROLINE COQ-CHODORGE  

Grâce à une consultation en ligne et des forums régionaux, l’Ordre infirmier veut décrire la réalité des pratiques infirmières.

L’Ordre national infirmier (ONI) s’est lancé dans un exercice ambitieux et inédit : consulter, jusqu’à l’été, les infirmières, tout exercice confondu, sur leurs pratiques professionnelles, à travers un questionnaire sur Internet(1) et des forums organisés dans quinze régions. Tous ces témoignages seront compilés dans un livre blanc à la fin de l’année. L’objectif de l’ONI est d’obtenir des pouvoirs publics « un élargissement du champ de compétences des infirmières, un assouplissement de leur cadre d’exercice, et plus de coordination avec les autres professionnels de santé ».

Mobiliser la profession

« Faut-il jaunir nos blouses blanches ? » La présidente du conseil régional infirmier, Sonia Ferré, a ainsi introduit le premier forum régional, qui s’est tenu à Orléans, jeudi 21 mars. Avec passion, et colère parfois, une petite centaine d’infirmières, de tous âges et de tous exercices, se sont exprimées sur leurs pratiques et leurs conditions d’exercice.

Plusieurs ont déploré le faible poids de la profession dans le débat public. « Nous sommes 700 000, il faut enfin en prendre conscience, a exhorté Patrick Chamboredon, le président de l’Ordre. À l’Assemblée nationale, il y a une cinquantaine de médecins, et seulement neuf IDE. Il y a peu d’adhérents infirmiers dans les syndicats de salariés. »

Manque de reconnaissance

Sur le terrain, pourtant, les infirmières s’engagent, bien au-delà de leurs compétences. Une IDE de réanimation a partagé l’étude, conduite par ses homologues dans son service, qui montre que « 65 % des infirmières font des dépassements de tâches au quotidien. Notre décret d’actes est obsolète. » Une IDE travaillant dans un réseau de soins palliatifs a partagé les expériences conduites grâce à la télémédecine : « Nous délivrons des télésoins. Mais quel est le cadre juridique ? Peut-on espérer une revalorisation financière ? » L’écart entre le cadre réglementaire et les pratiques apparaît béant, à écouter cet infirmier titulaire d’un DU plaies et cicatrisation : « Aucun médecin généraliste ne prescrit de pansements, de Doppler ou d’analyse de sang sans demander mon avis. Cette autonomie de pratique n’est pas reconnue. »

Un Ordre plus fort ?

Ce grand débat a aussi révélé une forte attente des pratiques avancées.Une IDE en équipe mobile de soins palliatifs constate qu’il y a « beaucoup d’expériences de consultation infirmière, en maison de santé pluridisciplinaire, pour le sevrage tabagique, en oncologie avec la consultation d’annonce. Comment les faire reconnaître ? Il y a des formations, mais aucune valorisation statutaire et financière. » Sur la prescription, de nombreuses infirmières ont regretté de ne même pas pouvoir prescrire « un antalgique, du sérum physiologique ou des bas de contention ». Une IDE canadienne, qui exerce à Orléans, est en train de passer son doctorat infirmier, à distance, au Québec. Et elle s’interroge : « Que vais-je pouvoir en faire en France ? Au Québec, je pourrais trouver un emploi dans une université. » « Pour l’instant, les enseignants dans les masters de pratique avancée sont des médecins », regrette Patrick Chamboredon. Selon l’IDE canadienne, « plus nous aurons d’autonomie, plus nous serons combatifs. Pour y arriver, nous avons besoin d’un Ordre fort. Au Québec, il est puissant, central. » En France, seules 275 000 infirmières y sont inscrites.

1 - Disponible à cette adresse : https://grandeconsultation-infirmiere.org

Articles de la même rubrique d'un même numéro