SOIGNANT REPOSÉ, PATIENT EN SÉCURITÉ - L'Infirmière Magazine n° 403 du 01/04/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 403 du 01/04/2019

 

SIESTE AUX URGENCES

ACTUALITÉS

ÉTABLISSEMENTS

LAURE MARTIN  

Le service des urgences du CH d’Eure-Seine à Évreux (27) met à disposition des paramédicaux exerçant la nuit une salle de sieste. Une pratique fortement encouragée, mais qui a mis quelque temps à entrer dans les mœurs.

Depuis un an et demi, nous avons aménagé une salle pour la sieste des paramédicaux », explique François Haupais, cadre de santé aux urgences du CH d’Eure-Seine. À l’origine, le dispositif a été mis en place il y a environ deux ans pour les médecins. Arnaud Depil-Duval, chef de service du département des urgences, souhaitait, comme pour les forces spéciales, permettre une récupération rapide des praticiens. Désormais, pour les médecins de garde, la sieste de l’après-midi est obligatoire durant une heure. Si, au départ, ils étaient frileux à cette idée, ils en sont désormais adeptes. « La sieste a apporté de bons résultats pour les gardes des médecins car, après 22 h-23 h, ils sont encore frais et disponibles », rapporte le cadre de santé.

Convaincre les paramédicaux

Le service a par la suite reçu une prime d’intéressement en lien avec ses résultats économiques. « Avec le Dr Depil-Duval, nous avons souhaité réinvestir l’argent dans du matériel contribuant à améliorer la qualité de vie au travail des soignants », rapporte François Haupais. Les matelas dans la chambre de garde des médecins ont été changés, un frigo américain et des casiers individuels ont été achetés. « Nous avons aménagé le bureau des internes en salle de sieste avec deux poufs et un réveil simulateur d’aube et de crépuscule, pour les paramédicaux et les étudiants travaillant la nuit », indique François Haupais. Il a ensuite fallu convaincre les soignants de s’en servir, une démarche plus compliquée. « Ils ont fait preuve de résistance estimant par exemple ne pas pouvoir laisser leur collègue faire le travail à leur place, explique le cadre de santé. Leurs excuses étaient facilement contestables car, en nuit profonde, l’activité est moins importante et nous pouvons nous organiser pour permettre à un soignant de faire la sieste. C’est d’autant plus important que des agents reposés devant effectuer un calcul de doses pour un arrêt cardiaque à 6 h du matin risquent moins de faire des erreurs. Un agent reposé, c’est un patient en sécurité. »

Charte de fonctionnement

Une charte de fonctionnement avec des règles d’utilisation a été élaborée : la salle est accessible à tous les paramédicaux et étudiants après qu’ils ont effectué leur transmission et uniquement à une personne à la fois. La sieste, qui est recommandée mais non obligatoire, est soumise à l’activité du service. En cas de patient instable en salle d’accueil des urgences vitales, la sieste n’est pas possible, de même qu’un soignant peut voir son temps de repos interrompu en cas d’urgence. Le temps optimal est de trente minutes, entre 2 h et 4 h du matin, mais l’organisation du roulement entre les soignants est libre.

François Haupais a profité des entretiens individuels annuels pour parler de l’usage de cette salle aux soignants. « Beaucoup craignaient le regard des autres s’ils partaient faire une sieste, explique-t-il. Après en avoir parlé, ils sont rassurés et n’hésitent plus à s’y rendre. » Ils réalisent que cela joue sur leur récupération. « Du point de vue managérial aussi, cette salle a des avantages, conclut le cadre de santé. Lorsque je demande à des soignants un remplacement de nuit, il y a moins de résistance puisqu’ils savent qu’ils vont pouvoir se reposer. »

TÉMOIGNAGE

« Cette pause est bénéfique »

AURÉLIE FÉRON

IDE AUX URGENCES DU CH D’EURE-SEINE

« Il y a eu une évolution dans l’usage de la salle de sieste par l’équipe de nuit des urgences. Nous y avons tous de plus en plus recours. Son existence est très appréciable. Personnellement, je n’ai jamais été sceptique quant à son usage car le travail de nuit est difficile et contre-nature, un temps de pause est donc bénéfique. Physiquement, lorsqu’on ne fait pas de sieste, on doit lutter pour garder les yeux ouverts, on est aussi moins patient vis-à-vis des autres et notre attention est différente. Après une pause de trente minutes, on est plus détendu. Lorsque je ne peux pas faire de sieste, je m’en rends compte. Il m’est plus difficile de tenir jusqu’à 8 h du matin et le retour à mon domicile en voiture est plus compliqué. »