Une réponse thérapeutique spécifique et graduée - L'Infirmière Magazine n° 401 du 01/02/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 401 du 01/02/2019

 

FORMATION

PRISE EN CHARGE

THIERRY PENNABLE  

La prise en charge du pied diabétique commence avec la prévention de la survenue d’une plaie. Si les soins locaux sont semblables à ceux des autres plaies chroniques, ils n’aboutiront pas à la guérison sans une mise en décharge rigoureusement observée.

1. PRISE EN CHARGE DU PIED

→ Médecins et pédicures-podologues évaluent le risque de survenue d’une ulcération chronique ou d’une amputation dans le but :

- d’établir la gradation du risque podologique du patient (voir tableau ci-dessous) ;

- de lui proposer une prise en charge et des mesures de prévention ciblées. Pour cela, tout diabétique doit bénéficier d’au moins un examen annuel des pieds à la recherche :

- d’antécédent d’ulcération chronique du pied ou d’amputation ;

- de neuropathie périphérique au moyen du test au monofilament de 10 g ;

- d’artériopathie par la palpation des pouls périphériques et la mesure de l’IPS ;

- de déformations des pieds.

→ La conduite à tenir diffère selon le grade du risque. L’infirmière peut donner ou rappeler les conseils de prévention en fonction de la gradation du risque de survenue d’une lésion.

Grade 0

Pas de conseil spécifique mais simplement d’hygiène de base identique à celle d’un patient non diabétique.

→ À faire chaque jour :

• laver les pieds en séchant bien entre les orteils en évitant les bains de pieds prolongés ;

• changer de chaussettes ;

• choisir des chaussures confortables en cuir souple ;

• faire des mouvements d’assouplissement des pieds de type flexion/extension au niveau de l’avant-pied, de la cheville et des orteils ;

• hydrater les pieds secs avec une crème hydratante car la corne favorise les fissures (ex : Dexeryl), bien sécher les espaces entre les orteils avec du papier absorbant ;

• proscrire l’utilisation d’instrument en fer sur les pieds (lame, ciseaux pointus, râpe métallique…), ainsi que tout coricide (pansement ou solution).

→ En cas de blessures superficielles :

• laver la plaie avec de l’eau et du savon de Marseille ;

• utiliser un pansement gras (tulle gras, Adaptic, Jelonet…) et une compresse fixée par une bande ;

• consulter en cas de plaie inflammatoire ou de cause inconnue ;

• vérifier la vaccination antitétanique.

À partir du grade 1

→ À faire tous les jours.

• Examiner ou faire examiner ses pieds en recherchant la présence de cor, durillon fissuré ou gonflé sur les orteils ou sous le pied, rougeur autour des ongles, fissures ou macération entre les orteils, plaie.

• Ne jamais marcher pieds nus ni sans chaussette dans les chaussures.

• Passer la main dans les chaussures à la recherche d’un corps étranger ou d’une aspérité.

→ Prévenir les facteurs déclenchants.

• Éviter les hyperpressions répétitives lors de la marche. Prudence avec les chaussures neuves, trop serrées ou ouvertes, voire usées. Éviter les coutures saillantes ou les plis de chaussette qui peuvent blesser un pied fragilisé. Choisir des chaussures adaptées en cas de déformations du pied (hallux valgus, orteils en griffe…). Conseils : acheter toujours les chaussures fermées en fin de journée. Porter des chaussettes même en été. Préférer le cuir souple sur le dessus et rigide à la semelle. Privilégier les chaussures à lacets.

• Soigner l’hyperkératose. Enlever la corne qui se forme au niveau des points d’appui ou de frottement avec un instrument non agressif (ex. : pierre ponce) car l’hyperkératose fait le lit du mal perforant. Au niveau des talons, la corne entraîne fissures et crevasse à risque d’infection. Hydrater la peau pour éviter son retour. En cas de difficulté avec ces soins, s’adresser à un pédicure-podologue.

• Ongles blessants et ongles incarnés sont coupés pas trop courts et plutôt à angle droit avec des ciseaux à bouts ronds. Ils peuvent être raccourcis et désépaissis régulièrement avec une lime en carton. En cas de difficulté, faire couper les ongles par un pédicure-podologue ;

• Éviter les mycoses interdigitales. Une mycose est source de fissure et donc une porte d’entrée pour les germes. Prévenir les risques de macération en évitant bains de pieds prolongés, en réalisant un séchage soigneux des pieds et en changeant de chaussettes tous les jours (en coton de préférence). Préférer les chaussons fermés aux mules pour les déplacements dans le domicile.

• Présence de corps étrangers. Chasser les corps étrangers (graviers, aiguille…), qui peuvent se glisser dans une chaussure même fermée. Glisser toujours la main dans les chaussettes et les chaussures avant de les enfiler.

• Ne pas marcher pieds nus. À la plage et pour se baigner, porter des chaussons en caoutchouc.

• Sources de chaleur et de froid non perçues. Prévenir les brûlures d’un pied neuropathique insensible par une bouillote, un radiateur soufflant, un cataplasme…Éviter d’utiliser des objets chauffants sur les pieds. Prudence avec les sources de chaleur (cheminée, radiateur…). Avant de mettre ses pieds dans l’eau pour la toilette, vérifier la température.

→ En cas de blessure. La survenue d’une plaie chez un diabétique à risque, à partir du grade 1, doit conduire, dans un délai inférieur à quarante-huit heures, à adresser le patient : soit vers une équipe multidisciplinaire spécialisée(1) ; soit pour une hospitalisation immédiate en présence de signes d’infection étendue ou de signes systémiques(2).

Au-delà de la prise en charge locale de la plaie, « l’orientation vers un centre spécialisé permet aussi de faire entrer les patients de grade 2, voire grade 1, dans un parcours de prévention », précise le Pr Ariane Sultan, membre de l’équipe nutrition diabète du CHU Lapeyronie de Montpellier (34). Cela est valable « même en présence d’un cor relativement facile à traiter localement » mais qui montre que les mesures de prévention ne sont pas acquises par le patient. « En cas de découverte d’une plaie du pied chez un patient diabétique à l’hôpital, l’infirmière hospitalière doit adresser ce patient au service de diabétologie », ajoute la spécialiste.

2. PRISE EN CHARGE D’UNE PLAIE DU PIED DIABÉTIQUE

L’acronyme Midas permet de rappeler les éléments de la prise en charge d’une plaie du pied diabétique :

- M pour métaboliques : obtenir un équilibre glycémique et lutter contre la dénutrition. Un état de dénutrition altère toutes les phases de la cicatrisation, peut expliquer un retard de cicatrisation et augmente le risque d’infection ;

- I pour infections : soins anti-infectieux et antibiothérapie (si besoin) ;

- D pour décharge : mise en décharge du pied malade ou tout du moins des troubles trophiques ;

- A pour artériopathie : prise en charge de l’artériopathie des membres inférieurs ;

- S pour soins locaux de détersion.

L’équilibre glycémique

Le contrôle optimal du diabète, si nécessaire avec de l’insuline, pour obtenir une glycémie < 8 mmol/l ou < 140 mg/dl, est recommandé par le consensus international sur le pied diabétique(3). Le rôle exact de l’hyperglycémie dans le retard de cicatrisation fait encore l’objet de débats même si quelques études évoquent un lien possible avec des perturbations du fonctionnement de cellules intervenant dans le processus de cicatrisation. Toutefois, « il ne faut pas dire au patient que sa plaie ne cicatrise pas à cause du diabète », souligne le Dr Ha Van, spécialiste en médecine physique et de réadaptation dans l’unité de podologie du service de diabétologie de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. Précisant que, même en présence d’hyperglycémies, un patient diabétique peut très bien cicatriser en quatre à six semaines en l’absence d’artérite, et en quelques mois avec une artérite diagnostiquée et traitée, si la prise en charge est adaptée et bien observée. « Le problème majeur relève le plus souvent du retard d’une prise en charge bien conduite », observe le spécialiste, qui ajoute que « les plaies du pied concernent aussi des patients dont la glycémie est équilibrée ».

L’artériopathie

En cas d’ischémie tissulaire, une revascularisation par voie endovasculaire ou chirurgicale sera réalisée pour restaurer un apport artériel satisfaisant.

La mise en décharge

« Une plaie non déchargée est une plaie non traitée », souligne le Pr Ariane Sultan. « Cela doit être expliqué dès la première consultation avec plaie » et rappelé en cours de traitement en cas de difficulté à l’observance. Il convient de prescrire une décharge adaptée à l’âge et aux capacités du patient.

Objectifs thérapeutiques

→ Relancer le processus de cicatrisation : « La décharge, c’est le maître mot pour une plaie qui est toujours d’origine mécanique », souligne le Dr Ha Van (voir encadré P. 43). L’efficacité de la prise en charge de la plaie dépend de la diminution des contraintes mécaniques qui entretiennent l’inflammation et freinent le processus de cicatrisation. Une étude menée dans une consultation spécialisée sur deux groupes de patients présentant des ulcères neuropathiques et des équilibres glycémiques comparables(4) a montré que :

- dans le 1er groupe, l’ulcère excisé chirurgicalement montrait des signes d’inflammation marqués ;

- dans le 2e groupe, l’ulcère mis en décharge plâtrée pendant vingt jours puis excisé de la même manière montrait une diminution de la taille de la plaie et des signes de granulation (néovaisseaux, fibroblastes). Signes d’une reprise du processus de cicatrisation.

→ Prévenir les complications infectieuses : « En l’absence de décharge, le risque d’infection de la plaie est majeur, prévient le Dr Ha Van. La pression réalisée par l’appui provoque une exsudation de la plaie qui est un “nid à microbes”. De plus, les contraintes mécaniques entretiennent une “démolition” permanente des tissus et finissent par mettre à nu des tendons, des capsules articulaires, des cartilages, des ligaments ou des aponévroses, et, au pire, de l’os, autant de structures peu vascularisées incapables de se défendre contre l’infection », explique le spécialiste.

Dispositifs de décharge

→ Chaussures de décharge (voir photos p. 46) : les chaussures thérapeutiques a usage temporaire (CHUT), parfois appelées « demi-chaussures » ou « chaussures de cicatrisation », sont souvent prescrites en première intention en cas de lésions du pied d’origine médicale, traumatique ou post-opératoire. En fonction de la localisation de la plaie, il existe des CHUT de décharge de l’avant pied, et des CHUT de décharge de l’arrière pied (du talon). Elles permettent une déambulation raisonnable pour les actes essentiels du quotidien et nécessitent un apprentissage de la marche avec la CHUT, voire une aide technique, par exemple avec une canne de marche ou un déambulateur.

→ Bottes amovibles : « Ce sont des bottes faites en matériau léger et rigide, qui ressemblent un peu à des chaussures de ski, et que le patient peut retirer pour la nuit », explique Viviane Quiniou, infirmière à la Pitié-Salpêtrière, qui exerce en service de diabétologie et à la consultation infirmière dédiée au pied diabétique (voir encadré ci-dessus). Les bottes de décharge sont très efficaces à condition d’être correctement utilisées mais leur caractère amovible pose des problèmes d’observance, qui obligent les soignants à insister sur l’importance de les porter en toutes circonstances. Sachant que ces bottes sont contre-indiquées en présence d’une infection, d’une ischémie, d’œdème, de plaies multiples ou de plaie située au niveau du talon.

→ Botte plâtrée ou en résine : c’est le dispositif de référence recommandé par les sociétés savantes pour la décharge de l’ulcère neuropathique. Son caractère inamovible permet d’obtenir la guérison de la plaie dans 73 à 100 % des cas dans un délai compris entre trente et soixante-trois jours(4), donc plus rapidement qu’avec les autres dispositifs. Ceci prouve la capacité de cicatrisation des diabétiques dans des délais normaux en cas de prise en charge optimale. L’ischémie, lorsqu’elle existe, est la véritable cause de retard de cicatrisation. Le recours à un plâtre est contre-indiqué en présence d’une infection, d’une insuffisance artérielle, d’œdèmes des membres inférieurs, d’ulcères multiples ou bilatéraux ou d’ulcère talonnier.

→ Autres techniques de décharge :

• L’alitement est l’approche la plus radicale mais il doit être réservé aux cas sévères. Il est difficile à faire accepter, surtout durant des périodes prolongées, et nécessite le recours à un fauteuil roulant ou à des béquilles pour les soins d’hygiène. Il impose également une surveillance et un traitement des risques liés à l’immobilisation (survenue d’escarre, héparine de bas poids moléculaire en prévention des phlébites, kinésithérapie pour le maintien de la musculature, etc.).

• Canne de marche, béquilles ou déambulateur sont parfois difficilement envisageables compte tenu des troubles proprioceptifs liés à la neuropathie. Ils présentent aussi un risque d’ulcération de l’autre pied à cause des contraintes mécaniques accrues.

• Le fauteuil roulant peut être utile en cas de lésions sur les deux pieds ou en l’absence d’autre solution. Une attention particulière doit être portée au risque d’appui sur le pied atteint lors des transferts.

Soins de plaie locaux

Les soins du pied diabétique sont semblables à ceux des autres plaies chroniques.

Le nettoyage de la plaie

Le nettoyage est le premier temps du soin. Le lavage de la totalité du membre atteint à l’eau savonneuse sera privilégié, si possible en pression, et de préférence avec un savon doux, liquide, sans parfum et sans conservateur. En fonction des capacités du patient, le fait de doucher la plaie sous un jet d’eau tiède à faible pression permet de chasser une partie de la fibrine et/ou de la ramollir pour en faciliter le débridement. Si le patient ne peut se déplacer, un lavage à l’eau savonneuse avec une bassine sera plus efficace que les irrigations de sérum physiologique pratiquées en dernier recours (avec une seringue de 20 ml montée sur une aiguille sous-cutanée). Dans tous les cas, la peau périphérique est séchée après le rinçage pour prévenir le risque de macération.

La détersion

Comme pour toute plaie chronique, la détersion est indispensable pour favoriser la reprise du processus cicatriciel.

→ Objectifs thérapeutiques. Première étape de la cicatrisation dirigée, la détersion poursuit un double objectif :

- le parage de la plaie, c’est à dire la préparation du lit de la plaie par le nettoyage des fragments de tissus dévitalisés présents dans la plaie qui bloquent le processus cicatriciel et entraînent un risque infectieux important ;

- le maintien d’un milieu humide stimulant la prolifération de tissus sains.

→ Choix de la technique de détersion. Lorsque le contexte de la plaie est bien identifié, et en l’absence de contre-indications à la détersion (état artériel précaire ou inconnu… ), il revient à l’infirmière, en collaboration avec le médecin traitant, de déterminer la technique de détersion utilisée (détersion autolytique, mécanique ou chirurgicale), notamment en fonction :

- de l’aspect de la plaie (localisation, étendue…) ;

- du niveau de compétence de l’infirmière ;

- de la possibilité de contrôler la douleur liée au soin.

→ Détersion mécanique : « Pas de détersion mécanique sur une plaie sans accord médical, et surtout sans connaître l’état vasculaire du membre atteint, insiste Ariane Sultan. L’infirmière doit attendre l’aval du médecin, ce qui passe par une évaluation au minimum clinique avant d’engager une détersion mécanique qui, en cas d’artériopathie ou d’ischémie, aggraverait la situation. » La détersion d’un ulcère du pied diabétique doit être large. L’hyperkératose sous forme de corne très dure sur le pourtour de la plaie doit être retirée, après avoir été ramollie si besoin.

→ La détersion autolytique : beaucoup moins efficace que la détersion mécanique, la détersion autolytique repose sur l’utilisation de pansements actifs qui renforcent la détersion enzymatique naturelle en maintenant un milieu humide et en retirant les débris nécrosés et la fibrine.

• En cas de plaie sèche :

- les hydrogels hydratent les tissus nécrotiques secs et la fibrine en distillant progressivement les 70 à 90 % d’eau qui les composent. Ils peuvent être laissés en place entre quarante-huit et soixante-douze heures. Ils sont contre-indiqués sur plaies infectées ou à risque d’infection ;

- les pansements irrigo-absorbants (ex : Hydroclean) agissent comme les hydrogels, mais en diffusant une solution de Ringer.

• En cas de plaie peu ou modérément exsudative, les hydrocolloïdes peuvent être utilisés et changés toutes les quarante-huit heures. Lorsque l’exsudation impose de changer le pansement tous les jours, il vaut mieux opter pour des pansements plus absorbants ;

• En cas de plaie très exsudative :

- les alginates sont des pansements naturels à base d’algues avec une forte capacité d’absorption. En contact avec l’exsudat, ils enferment les débris et les bactéries. Ils doivent être évités sur les plaies peu exsudatives à cause du risque d’assèchement et sur les plaies sèches ou nécrosées. En cas d’adhésion avec une plaie trop sèche, imbiber le pansement de sérum physiologique avant de le retirer pour éviter un retrait traumatique et douloureux ;

- les hydrofibres, majoritairement composés de fibres de carboxyméthylcellulose qui se transforment en gel cohésif au contact de l’exsudat, ont un fort pouvoir absorbant. Ils doivent être évités sur les plaies sèches ;

- les hydrocellulaires superabsorbants sont indiqués en phases de détersion des plaies très exsudatives. Ils sont composés de plusieurs couches, dont une couche hydrophile contenant des polymères super absorbants. La couche en contact avec la plaie permet le passage des exsudats vers le coussin absorbant. La couche externe “déperlante” permet les échanges gazeux.

Remarques : en cas de plaie ischémique, l’utilisation d’hydrocolloïdes et d’hydrocellulaires est fortement déconseillée. La décharge est le meilleur traitement de l’exsudation.

Phase de bourgeonnement et d’épidermisation

Durant la phase de bourgeonnement et jusqu’à l’épidermisation de la plaie, les soins locaux ont pour objectifs(5) :

- la régulation du taux d’humidité de la plaie et des berges pour favoriser l’activité des cellules intervenant dans le processus de cicatrisation grâce à une large gamme de pansements “actifs” ;

- la surveillance de la qualité du bourgeonnement et de l’état de la peau périlésionnelle.

La phase de bourgeonnement est ralentie par des enzymes présentes dans la plaie, les metalloprotéases, qui retardent l’épidermisation chez la personne avec plaie chronique. Pour la première fois, une étude (Explorer) montre une efficacité supérieure d’un pansement sur le processus de cicatrisation. Ainsi, le pansement Urgostart, en inhibant ces enzymes, a ainsi permis de raccourcir de deux mois le délai de cicatrisation par comparaison au pansement Urgotulle chez des personnes diabétiques avec plaie du pied n’atteignant pas la structure osseuse, sans signe d’infection et avec ischémie des membres inférieurs modérée.

Prise en charge de l’infection

« L’infection survient le plus souvent après une plaie mal prise en charge. La plaie s’infecte dans un premier temps au niveau des parties molles puis, seulement dans un second temps, après quelques semaines, au niveau de l’os, infecté par contiguïté avec le sepsis des parties molles », précise le Dr Ha Van.

Sévérité de l’infection

Le groupe international de travail sur le pied diabétique a proposé une classification clinique permettant de définir à la fois la présence et la sévérité d’une infection(5).

→ L’absence d’infection sans signes ni symptômes d’infection.

→ L’infection superficielle correspond à une infection de la peau et du tissu sous-cutané sans atteinte des structures plus profondes. Caractérisée par la présence d’au moins deux signes suivants :

- œdème local ou induration ;

- érythème péri-ulcéreux compris entre 0,5 et 2 cm ;

- douleur ou sensibilité locale ;

- émission de pus.

→ L’infection modérée correspond à une atteinte des structures plus profondes (os, articulation, tendon) ou à la présence d’un érythème péri-ulcéreux s’étendant à plus de 2 cm des bords de la plaie dans n’importe quelle direction.

→ L’infection sévère, c’est-à-dire toute infection s’accompagnant d’un syndrome systémique inflammatoire caractérisé par au moins deux des signes suivants :

- température > 38° ou < 36° ;

- fréquence cardiaque > 90/mn ;

- fréquence respiratoire > 20/mn ;

- PaCO2 < 32 mmHg ;

- leucocytose > 12 000/mm3 ou < 4 000/mm3 ;

- plus de 10 % de polynucléaires immatures.

En présence de signes d’infection locale

En présence de signes de type rougeur, écoulement purulent, chaleur, tuméfaction, douleur, zone qui ressemble à un abcès, la prise en charge consiste en :

- un prélèvement bactériologique par écouvillonnage parfaitement réalisé ou par un prélèvement de pus en profondeur à la seringue ;

- en cas de contact osseux avec os friable (associé à une ostéite dans 80 à 90 % des cas), une radiographie permet de diagnostiquer l’ostéite. L’IRM permet de préciser la présence et la localisation des infections profondes des tissus mous (tissu graisseux, muscles, tendons et ligaments, vaisseaux sanguins et lymphatiques, nerfs périphériques…) ;

- une biopsie osseuse est le meilleur moyen d’isoler la bactérie responsable de l’infection en intra-osseuse avant l’instauration d’une antibiothérapie probabiliste ;

- recherche d’une infection systémique, bilan biologie, et hémocultures si température supérieure à 38°5.

Traitements

→ Hospitalisation.

• Le traitement en ambulatoire est envisageable pour la plupart des patients dont l’infection est modérée et la quasi totalité de ceux atteints d’une infection légère(5). À condition d’être réévalués tous les deux à trois jours et de consulter si l’infection s’aggrave.

• L’hospitalisation est le plus souvent préconisée en cas de :

- infection sévère qui nécessite souvent des gestes chirurgicaux notamment en cas d’infections profondes des tissus mous, un contrôle des anomalies métaboliques ;

- nécessité de réaliser un bilan vasculaire pré-revascularisation ;

- infection modérée lorsque la mise en décharge de la zone lésée et/ou des soins locaux adaptés ne sont pas réalisables en ambulatoire, lorsqu’une bonne observance de l’antibiothérapie n’est pas certaine, en cas d’antibiothérapie parentérale ou quand une surveillance attentive de la réponse au traitement est indispensable.

→ Antibiothérapie : elle doit être réservée aux plaies infectées pour lesquelles elle permet aussi de prévenir une destruction progressive des tissus et une mauvaise cicatrisation.

• Une antibiothérapie par voie parentérale permet d’obtenir rapidement une concentration thérapeutique au niveau du site de l’infection. Elle est recommandée :

- en cas d’infection sévère ;

- lorsque les bactéries ne sont pas sensibles aux antibiotiques per os ;

- chez les patients qui ne supportent pas une antibiothérapie orale.

• Le relais par une antibiothérapie orale est plus souvent possible lorsque l’état clinique du patient est stable et que l’infection répond bien au traitement.

→ Soins de la plaie : l’antibiothérapie est nécessaire mais insuffisante pour traiter les infections du pied diabétique. Elle doit être associée à des soins locaux :

- nettoyage et détersion soigneux des tissus nécrotiques et de l’hyperkératose périphérique ;

- réfection du pansement au moins une fois par jour pour un examen attentif de l’aspect de la plaie ;

- mise en décharge de la plaie rigoureusement observée, sachant que l’utilisation d’un plâtre est contre-indiquée car elle ne permet pas une surveillance quotidienne ;

- revascularisation en cas d’ischémie si possible ;

- optimisation de l’équilibre du diabète.

1- « Guide parcours de soins - diabète de type 2 de l’adulte », Haute Autorité de santé, mars 2014.

2- « Dépistage et prise en charge préventive des complications podologiques chez le patient diabétique », Cnamts/DSS, septembre 2014.

3- « Consensus international et des recommandations sur le pied diabétique », International Working Group on the Diabetic Foot (IWGDF), mai 2011.

4- « Importance de la décharge dans le traitement des lésions du pied diabétique », Revue médicale suisse, juin 2011.

5- Voir « Le traitement des plaies chroniques », L’Infirmière magazine n° 346, juin 2014.

TÉMOIGNAGE

« Une approche 100 % mécanique de la plaie du pied diabétique »

DR HA VAN SPÉCIALISTE EN MÉDECINE PHYSIQUE ET DE RÉADAPTATION DANS L’UNITÉ DE PODOLOGIE DU SERVICE DE DIABÉTOLOGIE DE L’HÔPITAL DE LA PITIÉ-SALPÊTRIÈRE, À PARIS

L’approche thérapeutique du pied diabétique est trop orientée sur la dermatologie par les soins locaux de la plaie, et métabolique par le contrôle de l’hyperglycémie. Alors que ce type de plaie devrait bénéficier d’une approche à 100 % mécanique. La plaie du pied diabétique a une origine mécanique : elle est entretenue par la persistance de l’hyperpression, est traitée de façon mécanique par sa mise en décharge et est prévenue par la diminution ou l’évitement des pressions sur les zones à risque. La réponse à un problème mécanique par un contrôle de la glycémie, des soins locaux et des antibiotiques pour l’infection, engendre souvent une perte de temps. Sans mise en décharge, la plaie devient chronique, donc plus susceptible de s’infecter, et l’infection peut se propager jusqu’à l’os. Il y a un risque d’amputation. En cas d’artérite associée, la gravité de l’absence de décharge est démultipliée.