Les initiatives fleurissent - L'Infirmière Magazine n° 399 du 01/12/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 399 du 01/12/2018

 

MIEUX MANGER

DOSSIER

Création d’un potager sur le toit, achats de produits labellisés, ouverture d’une épicerie pour les personnels… La clinique Pasteur, à Toulouse, innove et propose des repas de qualité aux professionnels et patients, dans le cadre d’une politique globale de responsabilité sociétale des entreprises (RSE).

Choix de la direction de l’établissement, les repas pour les salariés et les patients (soit 310 000 par an) sont préparés sur place, en liaison chaude, par une équipe de 40 personnes. « Tous les jours, le menu du patient est servi au restaurant des salariés, de 11 h à 15 h, afin qu’ils sachent ce que mangent les patients, souligne Jean-François Bellois, responsable restauration. Nous avons beaucoup de produits biologiques, locaux, de saison et labellisés Bleu blanc cœur. » Ainsi, on trouve au menu des tomates, des salades, des courgettes, des pommes, des poires, tous issus de circuits courts.

Un potager sur le toit

Depuis juin 2014, le toit de l’Atrium, bâtiment dédié à l’ambulatoire, accueille un potager et un jardin méditerranéen sur 500 m2. Au total, 200 jardinières et 800 plants biologiques de fruits, légumes et aromates sont cultivés chaque année. En fonction de la récolte, un légume référent (les haricots verts, par exemple) est déterminé et pourra, par sa production suffisante au jardin, combler les besoins de la restauration. Grâce au potager, courgettes, aubergines et petits fruits (framboises, mûres) se sont ajoutés à la liste. « Aujourd’hui, nous sommes sur la culture d’aromates et de plantes comestibles, précise Jean-François Bellois. Je les incorpore dans les entrées, plats chauds et desserts. Il y a beaucoup de choses à découvrir dans ce domaine. Les salariés en font l’expérience au club jardinage, qui se réunit une fois par semaine et lors de la cueillette. » Sauge, romarin, menthe chocolat, basilic, oseille, estragon viennent apporter des saveurs aux plats… Mais le potager est aussi un lieu de rencontre et partage pour les salariés des différents services, et les patients. Toujours en 2014, l’équipe de cuisine a souhaité faire profiter les salariés des produits de qualité servis au restaurant en montant une épicerie. « Les salariés commandent par Intranet, ils bénéficient du tarif fournisseurs pour 40 produits, et viennent les récupérer tous les jeudis, de 16 h à 20 h », poursuit-il. Cette initiative, exclusivement réservée aux salariés de la clinique, remporte un certain succès. Et à terme, un local dédié devrait voir le jour.

Un élément de la qualité de vie au travail

Loin d’être disséminées, ces actions s’intègrent dans une démarche globale de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Ici, l’alimentation des salariés est pensée comme un facteur de qualité de vie au travail (QVT). Quentin Deregnaucourt, IDE entré à la clinique en 2000, et aujourd’hui responsable du service de réanimation, le confirme. Il a participé aux réunions sur la QVT avec l’ARS Occitanie. « Le temps de pause de cinquante minutes pour le déjeuner est planifié, inscrit et respecté, précise-t-il. Nous travaillons en douze heures, et ce temps de pause n’est pas un temps de travail. Les départs sont organisés à des horaires différents - 11 h 30, 12 h 30 - selon les spécificités de chaque service. Les repas sont vraiment bons, donc la majorité des salariés mangent au self, ouvert de 11 h à 15 h tous les jours. Il y a trois ans, il est devenu obligatoire de s’y rendre en tenue civile pour des raisons d’hygiène. Du jour au lendemain, les professionnels de santé s’y sont pliés, même si cela demande quelques minutes supplémentaires. De fait, les IDE ne souhaitent pas augmenter leur temps de pause, elles préfèrent finir plus tôt le soir. Quand j’étais jeune infirmier, je ne réalisais pas l’importance de la qualité de la restauration. Mais aujourd’hui, je suis conscient que c’est un réel confort de travail. Je vais toujours déjeuner avec plaisir et il n’est pas rare que des IDE mangent sur place avant de rentrer à leur domicile. » Un constat partagé par Yamina Khedim, aide-soignante en réanimation. « Nous mangeons très bien et il y a beaucoup de choix, des pièces du boucher à la demande comme des légumes vapeur. Nous nous organisons au sein du service entre IDE et ASH pour déjeuner à tour de rôle. Et les rares fois où cela n’est pas possible, nous pouvons commander un sandwich et le manger à la tisanerie. » Un bémol à noter pour les salariés qui travaillent à l’Atrium, une unité pavillonnaire excentrée qui propose des services en ambulatoire. Du fait de la distance, ces derniers ne viennent pas au restaurant d’entreprise et apportent leur propre repas. Pour pallier cette différence, une sandwicherie, ouverte de 9 h à 15 h, a été mise en place début 2018 avec, là aussi, des produits préparés sur place (sandwichs et salades) mais sans tarif préférentiel pour le personnel à ce jour.

La nuit, une alimentation adaptée

Au-delà de la qualité des repas, la clinique s’est engagée dans une démarche de sensibilisation et d’information sur le bien-manger dans le cadre du Plan national nutrition santé entreprise (PNNS) de 2015. « Nous réalisons des interventions avec le médecin du travail pour le personnel de nuit, précise Chantal Despis, responsable diététique. Nous mettons à leur disposition un plateau collation type qui comprend, par exemple, des carottes râpées et une quiche ou une salade composée avec des féculents, puis un fruit, un yaourt BBC et du pain. Nous avons élaboré des plaquettes d’information distribuées au personnel à l’entrée du restaurant afin de toucher tout le monde. Je réalise aussi une fois par mois, et à la demande, des consultations en diététique personnalisées. » Question diététique, Claudine Maroudy semble en connaître un rayon. Diplômée de l’Ifsi de Rennes en 2009, elle a intégré le service pneumologie et oncologie de la clinique en 2010 et travaille de nuit (20 h 15-7 h 15) depuis deux ans. Elle a adapté son alimentation en conséquence. « Quand je commence une première nuit, je prends un bon goûter - tartines, fruits, yaourt - chez moi vers 18 h. Pour le soir, j’apporte un repas complet - féculents, viande, salade, dessert - que je partage vers minuit avec mes collègues. Nous avons une salle de repos avec une cafetière, un réfrigérateur, des couverts, un four à micro-ondes. J’ai le rappel de sonnette dans la salle où je mange, ce qui me permet d’intervenir si nécessaire. Comme le self n’est pas accessible la nuit, la clinique nous verse l’équivalent d’un repas par jour travaillé, soit 3,50 €. Dans mon service, nous sommes une IDE et une AS pour 18 patients. Je réalise de nombreux soins, des transmissions et des chimiothérapies de nuit. Je dois être particulièrement vigilante et je suis en alerte toute la nuit. C’est plus calme dans le service entre 3 h et 5 h du matin, et j’ai remarqué que je pouvais avoir un petit coup de barre vers 4 h. Je ne bois pas de café et j’ai arrêté le thé à cause des conséquences sur mon sommeil. Je bois en revanche beaucoup d’eau. Mais je ne grignote pas et j’ai la chance de faire le même poids depuis que je suis au collège ! » De retour chez elle, Claudine Maroudy prend un petit-déjeuner copieux, de préférence salé, avant de dormir jusqu’à 15 h 30. Puis elle déjeune, prend une collation vers 18 h, plus légère cette fois, avant de rejoindre la clinique pour sa deuxième nuit.

Bien sûr, les choses ne se passent pas forcément aussi bien pour tout le monde et ce, même pour celles qui travaillent le jour. Caroline Sanz, endocrinologue et diabétologue, s’est penchée avec le comité de liaison en alimentation et nutrition (Clan) sur l’amélioration de la santé des soignants. « Nous avons mis en place des réunions pour favoriser le bien-manger et l’activité physique avec des cours de sport gratuits, explique-t-elle. Nous proposons au quotidien un menu équilibré identifié que les salariés sont libres de suivre ou non. Le repas du midi permet d’avoir un taux de glycémie constant tout l’après-midi et de conserver son énergie. Si on saute le déjeuner, le taux de sucre baisse, on est alors attiré par des sucres et des graisses rapides. On a une carence en fibres, un stockage des calories le soir et une augmentation de la quantité des graisses absorbées qui peut générer des obésités, notamment abdominales. Il ne faut pas oublier que le temps du repas, c’est bien sûr le contenu de l’assiette mais aussi un temps de pause cérébrale et mentale nécessaire. »