ENCEINTES ? SOYEZ VIGILANTES ! - L'Infirmière Magazine n° 399 du 01/12/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 399 du 01/12/2018

 

SANTÉ AU TRAVAIL

ACTUALITÉS

FOCUS

ISABEL SOUBELET  

L’ ANMTEPH(1) et l’INRS(2) ont mené une étude sur les grossesses au travail dans les établissements de santé. Les résultats alertent sur l’importance des risques encourus par les infirmières et les aides-soignantes.

Près de 60,7 % des infirmières et 69,2 % d’aides-soignantes cumulent, durant leur grossesse, au moins cinq risques professionnels. C’est ce que révèle l’étude de l’INRS et de l’ANMTEPH, qui représente les médecins du travail et les IDE en santé au travail. Elle a eu lieu d’avril à décembre 2017, auprès de 1 116 salariées dont 73 % de soignantes(3). Les résultats, présentés fin septembre aux 55es journées de l’association devraient alerter les médecins de santé au travail, les directions des ressources humaines des hôpitaux et, bien sûr, les soignantes directement concernées.

Des risques multiples

« C’est la pluri-exposition qui est marquante chez les soignants, estime Hélène Béringuier, médecin du travail et présidente de l’ANMTEPH. Il n’existe pas, à ma connaissance, d’autres métiers où l’on cumule l’exposition au risque physique, au risque biologique et au risque organisationnel. Mais, dans leur quotidien, cela est presque banalisé. »

Selon l’enquête, 51,8 % des femmes qui travaillent à l’hôpital sont exposées à au moins cinq risques. On note celui d’exposition aux produits biologiques (83 %), la position debout (79 %), le port de charges (59 %), la position courbée (48 %), les postures difficiles (35 %), les produits chimiques au travail (33 %) et le travail de nuit (27 %). Par ailleurs, un tiers des personnes interrogées ne bénéficient pas de deux jours de repos consécutifs. Les médecins établissent un fort lien de causalité entre le port de charges de plus de 15 kg et le petit poids de naissance d’un bébé. Ils font également l’hypothèse d’une relation entre les expositions à des substances cancérogènes mutagènes ou reprotoxiques (CMR) et les avortements spontanés.(4)

Agir en prévention

Disponible auprès des services de santé au travail, l’enquête doit être diffusée plus largement pour que les actions de prévention atteignent les femmes concernées. « L’intérêt est de faire remonter ces résultats aux employeurs publics hospitaliers car, souvent, ils veulent minorer les problèmes, souligne Hélène Beringuier. Une attention particulière doit aussi être portée aux femmes en situation de précarité qui, dans l’échantillon, représentent 16 %, c’est vraiment considérable. Il est également important de présenter les résultats aux soignants suivant les grossesses, afin de les sensibiliser aux risques présents sur les postes hospitaliers. Et bien sûr, il faut sensibiliser les femmes en âge de procréer ou en début de grossesse. Cela peut se faire lors d’une séance d’information prévention à l’embauche. »

Pour ce faire, l’ANMTEPH a déjà constitué un groupe de travail spécifique, qui s’est réuni fin novembre 2017. « En 2019, nous allons créer des dépliants d’information sur les risques, la prévention et élaborer un modèle de fiche d’aptitude “restrictions médicales en début de grossesse” afin d’écarter les expositions aux risques majeurs, et un modèle de « fiche de poste aménagé grossesse », précise Hélène Beringuier. Je regrette que la solution aujourd’hui pour protéger la grossesse soit l’arrêt du travail. Cela pose question sur l’égalité hommes-femmes. » Reste à ce que les établissements l’entendent et l’appliquent

1 - Association nationale de médecine du travail et d’ergonomie du personnel des hôpitaux.

2 - Institut national de recherche et de sécurité.

3 - 46 % d’IDE, 18 % d’AS et 9 % d’autres.

4 - L’ANMTEPH souhaite lancer une enquête complémentaire sur ce point.