« NOUS AVONS TOUS À Y GAGNER » - L'Infirmière Magazine n° 399 du 01/12/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 399 du 01/12/2018

 

PRESCRIPTION INFIRMIÈRE EN ESPAGNE

ACTUALITÉS

AILLEURS

FRANCIS MATÉO  

En Espagne, un décret(1) permet désormais aux IDE de prescrire des médicaments. Explications avec Diego Ayuso, secrétaire général du Conseil général d’infirmerie(2).

Comment jugez-vous le décret autorisant les prescriptions pour les IDE ?

C’est évidemment très positif, car nous avons obtenu par ce décret ce que nous poursuivions depuis quinze ans.

C’est une avancée considérable pour les infirmières de pouvoir désormais prescrire des médicaments, en collaboration avec les médecins, et avec toute la sécurité juridique nécessaire.

Quelles prescriptions l’infirmière peut-elle réaliser ?

Tous les médicaments qui ne nécessitent pas de diagnostic médical peuvent être prescrits de manière autonome. C’est le cas des vaccins, de la prise en charge des blessures, des prescriptions d’analgésiques, entre autres…

Dans le cas des médicaments soumis à un diagnostic médical, les IDE peuvent prescrire conformément à des protocoles concertés avec les médecins et les autorités sanitaires. Après la première ordonnance du médecin, une infirmière peut par exemple directement prescrire la dose d’insuline nécessaire au traitement d’un diabète, là où elle devait auparavant renvoyer le patient chez son médecin pour établir une nouvelle prescription avant d’ajuster le traitement.

Il reste maintenant à rédiger l’ensemble des protocoles d’ici deux ans, comme le prévoit le décret du 23 octobre.

Quelles sont les compétences requises ?

Les IDE disposent déjà de toutes les compétences qui font partie de leur formation. Par conséquent, le diplôme d’infirmier suffit. Il est simplement nécessaire de s’accréditer auprès des autorités sanitaires régionales, puisque la santé est déléguée aux communautés autonomes en Espagne. Même si, afin de rassurer les médecins, le décret stipule que les infirmières doivent avoir au moins un an d’expérience pour pouvoir prescrire des médicaments.

Quels sont justement les rapports avec les médecins ?

Nous continuons de travailler avec eux de façon coordonnée comme nous l’avons toujours fait. Il est vrai qu’il y avait des inquiétudes chez certains d’entre eux, mais dans leur grande majorité, ils reconnaissent que ce décret ne fait que valider en partie des pratiques déjà existantes, sauf qu’elles étaient auparavant en dehors d’un cadre juridique.

Et surtout, c’est un texte qui va dans le sens d’une amélioration de la santé publique, donc nous avons tous à y gagner.

1 - Décret du 23 octobre 2018.

2 - L’équivalent de l’Ordre national infirmier français.

EN ANDALOUSIE

Huit ans d’avance sur le décret

→ Les compétences en matière de santé sont décentralisées en Espagne. Chacune des dix-sept communautés autonomes (ou régions) dispose donc de sa propre réglementation (même si les décrets nationaux comme celui qui vient d’être promulgué s’imposent à toutes). La communauté autonome d’Andalousie a exercé cette prérogative en signant son propre décret autorisant les prescriptions des IDE depuis 2010. « Nous avons donc huit ans d’avance sur la nouvelle législation nationale », commente l’infirmière Susana Rodriguez, également responsable de la stratégie de soins au sein du département de santé en Andalousie.

→ Les protocoles qui ont été élaborés pour permettre aux infirmières andalouses de prescrire concernent aujourd’hui un millier de pathologies et traitements, dont les maladies chroniques, les soins palliatifs ou les risques vasculaires. « Le changement le plus important concerne la sécurité juridique, ajoute Susana Rodriguez. C’est un élément fondamental pour exercer de manière plus rationnelle, et même plus professionnelle. » L’infirmière prend l’exemple de la prise en charge de la douleur : « Nous nous appuyons déjà en Andalousie sur un protocole pour l’usage de médicaments en fonction de l’échelle de la douleur ; lorsqu’un patient a une première ordonnance établie par un médecin, je peux ensuite intervenir directement sur le dosage pour soulager plus rapidement la douleur et donc, mieux traiter la personne. »

→ Dans ce cadre protocolaire, que reprend au niveau national le décret du 23 octobre, Susana Rodriguez assure que les rapports avec les médecins sont très bons : « En huit ans, nous n’avons jamais eu de réclamation de la part du corps médical, et pas davantage de plainte des patients… Au contraire, c’est un moyen de désamorcer les pressions des personnes qui menaçaient de se retourner contre nous quand nous leur refusions des traitements, faute de protocoles et de cadre juridique adapté. »