Gérer les effets indésirables des traitements - L'Infirmière Magazine n° 397 du 01/10/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 397 du 01/10/2018

 

FORMATION

PRISE EN CHARGE

Claire Manicot*   Francine Pfeil-Thiriet**  


*Cadre du département de soins de support, centre de lutte contre le cancer Paul-Strauss, Strasbourg (Bas-Rhin)

Les traitements du cancer du sein ont de nombreux effets indésirables. L’enjeu pour les équipes soignantes est d’aider les patientes à les éviter ou les atténuer grâce à la prévention, à certains médicaments et à des soins de support.

1. LA CHIRURGIE

Amputation et modification de l’image corporelle

→ La reconstruction mammaire est une possibilité pour la femme qui le désire. Elle ne retrouvera ni son sein “d’avant” ni la sensibilité de celui-ci mais une forme et un volume qui lui redonneront un sentiment d’intégrité physique et de féminité. Comme nous l’avons vu précédemment, elle peut être envisagée aussitôt après la chirurgie (selon la pathologie) ou à distance des traitements.

→ La prothèse mammaire externe (produite par les laboratoires Amoena, Thuasne et Anita) peut être une solution intermédiaire dans l’attente d’une reconstruction mammaire ou un choix définitif. Aussitôt la mastectomie, on utilisera une prothèse légère en mousse à glisser dans le soutien-gorge. Lorsque la cicatrisation est terminée, on préfèrera une prothèse en gel de silicone. Des modèles ont été conçus pour les maillots de bain et des prothèses adhérentes à la peau peuvent être proposées dans un délai de six à douze mois après la fin des traitements. Il existe aussi des prothèses mammaires partielles (en cas de chirurgie partielle) et des aréoles auto-adhésives à ajouter sur les prothèses. Enfin, il existe une lingerie post-mastectomie avec des soutiens-gorge présentant des poches à l’intérieur des bonnets.

→ Les tatouages sont le recours de certaines femmes qui veulent embellir leurs cicatrices et se réapproprier cette partie du corps amputée. Les pigments utilisés doivent présenter un marquage CE médical.

Lymphœdème

Ce risque, lié au curage ganglionnaire axillaire, survient chez une femme sur cinq, parfois des années après la chirurgie, généralement après un effort important (soulèvement) ou une blessure. Le blocage de la circulation de la lymphe provoque un gonflement du bras. Les mesures préventives sont primordiales, la patiente doit protéger son bras opéré, donc éviter :

- la survenue de plaies (porter des gants pour la cuisine, les travaux ménagers, le jardinage) ;

- le port ou le déplacement de charges lourdes ;

- les sports avec effort violent (tennis, squash…) et préférer les sports doux (natation, gymnastique…) tout en veillant à ne pas trop solliciter ses bras ;

- les vêtements serrés ou les bijoux ;

- les coups de soleil, le sauna, le hammam.

L’activité physique adaptée apporte un effet bénéfique dans la prévention. En cas de survenue de lymphœdème, le traitement passe par le port continu d’un manchon ou de bandes de compression et le drainage lymphatique manuel.

2. LA RADIOTHÉRAPIE

Érythème cutané

Semblable à un coup de soleil, c’est la réaction la plus fréquente qui apparaît lors de la troisième semaine de traitement. La rougeur laisse ensuite la place à une coloration brunâtre et régresse à l’arrêt du traitement. On recommandera à la patiente de :

- porter des vêtements amples, en coton ;

- utiliser un savon surgras pour la toilette, sécher en tamponnant, ne pas frotter ;

- éviter les déodorants, l’eau de toilette, le talc ;

- appliquer une crème hydratante entre les séances (mais jamais juste avant une séance) ;

- éviter l’exposition au soleil pendant le traitement et l’année qui suit.

Autres

Il peut apparaître une fatigue, une gêne à avaler si les ganglions lymphatiques près de la clavicule sont irradiés (rare), ou un œdème du sein (exceptionnel).

Effets secondaires tardifs

Ces complications sont rares mais irréversibles : érythèmes et pigmentation ou dépigmentation de la peau, modification de l’apparence du sein, fibrose mammaire douloureuse, lymphœdème.

3. LA CHIMIOTHÉRAPIE

Le protocole FEC 100 (épirubicine, cyclophosphamide et fluorouracil) est la chimiothérapie de référence (voir tableau ci-contre). Des taxanes (docétaxel, paclitaxel) peuvent y être associés.

Nausées et vomissements

Un traitement préventif sera souvent prescrit :

- antiémétiques centraux : aprépitant (Emend 80 mg par jour) jusqu’à quatre jours ;

- avec, si nécessaire, des corticoïdes (1 mg/kg) ou des antiémétiques de type sétrons (Zophren ou Kytril).

Par ailleurs, il sera recommandé de fractionner les repas, manger des plats froids ou tièdes, éviter certains aliments (acides, épicés), fractionner les boissons, préférer l’eau gazeuse et adopter la position assise ou semi-assise en cas de sensation nauséeuse.

Enfin, l’acupuncture, l’hypnose et l’homéopathie peuvent aider à atténuer nausées et vomissements.

Alopécie

Bien que le plus souvent réversible à l’arrêt du traitement, la perte des cheveux est un des effets secondaires les plus mal vécus, car elle touche à la perte de la féminité et expose au regard des autres la maladie. Elle apparaît une quinzaine de jours après le début de la chimiothérapie et la repousse débutera six semaines après son arrêt. La repousse est estimée à un centimètre par mois et peut présenter une modification de la couleur et de la texture du cheveu. Le casque réfrigérant, à appliquer sur cheveux humides pendant les chimiothérapies, peut être proposé mais son efficacité reste aléatoire et il peut ne pas être bien toléré (céphalées, douleurs oculaires).

Afin de faire face à ce moment particulier de la chute des cheveux, on recommande :

- d’adopter une coupe courte dès le début du traitement, d’éviter de se brosser les cheveux ;

- d’hydrater son cuir chevelu une fois que la chute s’est produite.

Selon leur personnalité, les femmes souhaiteront cacher ou non la perte de leurs cheveux.

→ Les prothèses capillaires sont en partie prises en charge par l’Assurance maladie et, éventuellement, par les complémentaires santé. On retrouvera, sur le site de l’Inca, une liste de magasins qui ont souscrit à une charte et s’engagent à respecter des principes au niveau de l’accueil, de la présentation des produits et du service après-vente. Il faudra apprendre à positionner la perruque et éviter certains gestes (ne pas se baigner avec, ne pas la porter la nuit, ne pas s’approcher d’une source de chaleur…).

→ Les accessoires : les foulards, turbans, bonnets ou chapeaux sont autant d’accessoires pour camoufler la perte des cheveux. En été, on conseillera de se protéger la tête et, pour les zones non couvertes, d’utiliser une crème solaire. L’hiver, il est recommandé de porter un bonnet pour limiter la perte de chaleur.

Perte des cils et sourcils

La perte des sourcils est transitoire, le recours au tatouage est donc déconseillé. En revanche, les soins esthétiques sont les soins de support de circonstance.

Les socio-esthéticiennes pourront apprendre aux patientes à dessiner la ligne de leurs sourcils.

Risque d’infections

La survenue d’infections est favorisée par la neutropénie. Pour limiter les risques, la patiente devra se laver les mains fréquemment, avoir une bonne hygiène corporelle, désinfecter toute plaie et limiter le contact avec les personnes malades de l’entourage. Prévenir le médecin en cas de température supérieure à 38 °C.

Toxicité des muqueuses

La mucite peut atteindre tout type de muqueuse : buccale, oculaire, digestive, vaginale, anale. La mucite buccale peut aller de simples aphtes à la présence d’ulcérations douloureuses rendant douloureuse la prise de repas. On recommande en prévention l’usage d’une brosse à dents extra souple, l’éviction des aliments acides tels que la tomate, les épices, les fruits secs, la moutarde, l’alcool et le tabac. En cas de survenue, faire des bains de bouche très fréquents au bicarbonate à 1,4 % et consommer des crèmes glacées et des boissons rafraîchissantes.

Dessèchement cutané

Il est conseillé d’utiliser pour la toilette des produits hypo-allergéniques et un gel nettoyant doux. Il peut être utile d’hydrater la peau plusieurs fois par jour.

Autres effets spécifiques aux taxanes

Les patientes doivent être informées de effets spécifiques aux taxanes afin d’informer le médecin en cas de la survenue de :

- symptômes digestifs (diarrhée, vomissements…), qui doivent alerter car ils peuvent être le signe d’une toxicité gastro-intestinale ;

- neuropathies périphériques (sensations d’engourdissement, fourmillement au niveau des membres), douloureuses et handicapantes.

4. L’HORMONOTHÉRAPIE

La particularité de l’hormonothérapie est d’être un traitement au long cours qui survient quasiment un an après le début du cancer. Ses effets indésirables peuvent être décourageants, d’où l’importance de conseils adaptés. Le moment de la prise du médicament pourra être adapté en fonction de la survenue des effets indésirables.

Bouffées de chaleur

On conseille à la patiente de repérer les éléments déclencheurs (alcool, caféine, chocolat, aliments épicés, stress…) et, en cas de survenue, de rester dans un endroit frais et de boire beaucoup d’eau.

Douleurs musculaires et articulaires

Le maintien d’une activité physique adaptée est important. Si les douleurs sont importantes, le médecin prescrira des antalgiques.

Insomnie

En cas d’insomnie, proposer la prise du médicament le matin. Si le problème persiste, suggérer la phytothérapie, l’homéopathie, les techniques de relaxation et, si besoin, envisager un somnifère avec le médecin traitant.

Nausées et vomissements

Un traitement symptomatique peut être prescrit par le médecin. En préventif, éviter les aliments gras, frits, épicés, fractionner les repas.

Œdème des membres

Il est recommandé de manger peu salé, de surélever ses jambes en position assise et d’éviter les vêtements serrés.

5. EFFETS INDÉSIRABLES NON SPÉCIFIQUES

Asthénie

La fatigue est multifactorielle, elle peut être due à l’ensemble des traitements et leurs effets secondaires, la maladie elle-même, le stress et la douleur. Pour autant, il est conseillé de poursuivre ses activités quotidiennes autant que possible en faisant des pauses, des siestes.

Les équipes soignantes, à l’écoute, essaieront d’aider les patientes à trouver les soins de support qui leur conviennent le mieux. Citons les techniques de relaxation (yoga, massage, sophrologie…), l’activité physique adaptée, l’acupuncture ou encore l’hypnose.

Le recours à une assistante sociale permettra éventuellement de trouver des solutions pour les tâches domestiques et la vie familiale.

Enfin, une supplémentation en vitamine D peut être discutée avec le médecin.

Anxiété

Les troubles anxieux et dépressifs sont très fréquents chez les patients atteints de cancers. On recommandera l’art-thérapie, l’hypnose, les techniques de relaxation, l’homéopathie, un soutien psychologique et, éventuellement, un traitement médicamenteux.

Prise de poids

La chimiothérapie, l’hormonothérapie ainsi que l’aménorrhée induite par la chimiothérapie semblent être à l’origine d’une prise de poids chez la moitié des patientes. Les soins de support tels que le suivi diététique et l’activité physique adaptée prennent là tout leur sens.

Troubles sexuels

→ Les difficultés sexuelles sont très fréquentes pour de multiples raisons. L’amputation du sein, l’organe de la féminité par excellence, est une blessure profonde pour la femme, qui voit son image corporelle modifiée et son estime de soi diminuée ; elle peut avoir le sentiment d’être moins désirable et craindre l’éloignement du partenaire.

En outre, la fatigue, l’ensemble des effets indésirables de ses traitements et les traitements eux-mêmes perturbent sa libido. La tentation peut être grande de laisser s’installer une distance par manque d’envie ou par peur de la douleur et de mettre un terme aux relations sexuelles.

Or, une vie intime de qualité peut être maintenue à condition de communiquer au sein du couple, de faire preuve d’attention et de patience. Des consultations en onco-sexologie pourront permettre au couple de dépasser ses difficultés.

→ La sécheresse vaginale, responsable de rapports sexuels douloureux, est un effet indésirable fréquent, les crèmes et les ovules à base d’hormones sont déconseillés. On peut utiliser les gels lubrifiants lors des rapports mais leur effet est de courte durée.

En traitement de fond, on recommande, par voie vaginale, des soins hydratants riches en acide hyaluronique, à appliquer deux ou trois par semaine, et de l’huile de millepertuis, à utiliser après la toilette.

On peut prendre également des gélules d’huile de bourrache, d’onagre ou de germe de blé par voie orale ou vaginale (dans ce cas, percer les capsules).

Enfin, de nouveaux traitements commencent à se diffuser en France :

- le traitement de la muqueuse vulvo-vaginale par laser CO2 fractionné à raisons de trois séances espacées de six semaines ;

- l’infiltration d’acide hyaluronique dans la paroi du vagin, qui permet de réhydrater la muqueuse en une seule séance, à renouveler tous les huit à douze mois.

Cette méthode coûteuse (400 € la séance) est dérivée des techniques utilisées en médecine esthétique pour combler les rides d’expression.