Les Mici : des premiers signes aux traitements - L'Infirmière Magazine n° 396 du 01/09/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 396 du 01/09/2018

 

FORMATION

L’ESSENTIEL

Nathalie Belin*   Pr Laurent Beaugerie**  


*Docteur en pharmacie
**Chef du service de gastrœntérologie et nutrition, hôpital Saint-Antoine, Paris

Regroupant la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique, les Mici évoluent, en général, par poussées symptomatiques, altérant significativement la qualité de vie. La prise en charge vise la rémission clinique et, surtout, la prévention des rechutes.

1. INTRODUCTION

Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, ou Mici (prononcer « miki »), sont caractérisées par une inflammation chronique, intermittente ou continue, de la paroi d’une partie du tube digestif. Elles sont essentiellement représentées par la maladie de Crohn (MC) et la rectocolite hémorragique (RCH). Près de 10 % d’entre elles sont inclassées. La MC peut atteindre l’ensemble du tube digestif, de la bouche à l’anus, avec une localisation préférentielle au niveau de l’iléon, du côlon et de l’anus. La RCH atteint toujours le rectum et une partie plus ou moins importante du côlon en amont (voir schéma p. 37).

Épidémiologie

En France, en 2015, on a dénombré 212700 personnes atteintes de Mici(1). Selon le registre Epimad(2), l’incidence actuelle de la MC est d’environ 7,6 pour 100 000 habitants, avec une légère prépondérance féminine. Celle de la RCH est en moyenne de 4,4 pour 100 000 habitants, avec une légère prépondérance masculine.

→ Le pic de survenue se situe entre 20 et 30 ans pour la MC, et entre 30 et 40 ans pour la RCH.

→ De 7 à 25 % des Mici surviennent chez l’enfant, avec un âge médian de 14 ans au diagnostic(3).

Physiopathologie et facteurs de risque

L’origine des Mici est encore imparfaitement connue. Il est toutefois admis qu’un déséquilibre du microbiote intestinal (ou dysbiose) favorise une réponse immunitaire inadaptée (lire encadré p. 38). Des facteurs génétiques et environnementaux pourraient être impliqués dans la survenue de cette dysbiose.

→ Une prédisposition génétique : plusieurs gènes de susceptibilité ont été identifiés (notamment NOD2/ CARD15). Cependant, le risque d’être atteint d’une Mici pour une personne porteuse d’une variation génétique par rapport à celui d’une personne non porteuse de cette variation est faible.

→ Des facteurs environnementaux(4) :

• Le mode de vie en général : plusieurs études montrent une incidence plus élevée des Mici dans les pays riches et développés (Amérique du Nord, Europe de l’Ouest) et une augmentation de leur incidence dans les pays émergents (Asie, par exemple), suggérant l’implication de nombreux facteurs de type alimentation, stress, etc.

• Le tabagisme : c’est un facteur environnemental clairement identifié pour la MC, multipliant par deux le risque d’en être atteint. C’est aussi un facteur aggravant de la maladie, augmentant le risque de recours aux corticoïdes, aux immunosuppresseurs et le risque de récidive postopératoire. À l’inverse, le tabac est un facteur protecteur dans la RCH : son arrêt doit être entrepris en période de rémission et sous traitement d’entretien.

• Antécédent d’appendicectomie : une appendicectomie réalisée après une appendicite aiguë à l’adolescence réduit le risque de survenue de la RCH. À l’inverse, elle constitue un facteur de risque de survenue de la MC.

2. SIGNES CLINIQUES

Ils varient selon la localisation et l’étendue de l’inflammation. Les signes cliniques les plus fréquents sont les douleurs abdominales, les diarrhées et les rectorragies.

Symptômes digestifs

→ Dans la MC, des douleurs sont souvent localisées au niveau de la fosse iliaque droite, témoignant d’une atteinte iléale ou iléocolique droite. Des nausées et vomissements sont possibles en cas d’atteinte digestive haute. Des douleurs anales et un écoulement en dehors des selles font suspecter des lésions anopérinéales, fréquentes au cours de l’évolution de la maladie et parfois présentes d’emblée : fissures, fistules anales, abcès périnéaux. Des sténoses intestinales peuvent conduire à un syndrome sub-occlusif révélant parfois la maladie (douleurs abdominales, gargouillements, débâcle diarrhéique, nausées…).

→ Au cours de la RCH, les patients ont fréquemment des rectorragies (sang dans les selles) et des diarrhées glairo-sanglantes. Un syndrome rectal peut être présent avec ténesmes (contractions douloureuses de l’anus avec envie d’aller à la selle), épreintes (douleurs abdominales à type de colique, avec fausse envie d’aller à la selle), faux besoins. Les formes pancoliques (atteinte de l’ensemble du côlon) concernent environ 15 % des patients(5).

Manifestations

→ Manifestation générale : l’asthénie est quasi systématique et un amaigrissement est possible, surtout dans les formes sévères. La fièvre est fréquente au cours des poussées.

→ Manifestations extra-digestives : touchant 30 à 50 % des patients(4), elles évoluent en général parallèlement aux poussées de la maladie mais parfois pour leur propre compte. Les manifestations articulaires sont les plus fréquentes (oligo-arthrite périphérique), puis viennent les manifestations cutanées (érythème noueux, inflammation du tissu hypodermique se manifestant par des nodules douloureux de couleur rouge ou violacée, aphtes…), oculaires (uvéite…) et hépatobiliaires, dont la cholangite sclérosante primitive (atteinte inflammatoire et fibrosante des voies biliaires), le plus souvent associée à la RCH.

→ Chez l’enfant, le début de la maladie de Crohn est le plus souvent insidieux, d’où un retard fréquent de diagnostic. Une perte de poids ou un ralentissement de la croissance staturale sont fréquents.

La RCH survient le plus souvent de façon aiguë avec une diarrhée souvent sanglante accompagnée d’un syndrome rectal.

3. DIAGNOSTIC

Lors d’une première poussée, le principal diagnostic différentiel est la colite infectieuse.

→ L’interrogatoire précise la localisation des douleurs, la fréquence, l’aspect des selles, la présence de glaires, de rectorragies, la possibilité d’un voyage récent à l’étranger et la prise de certains médicaments pour éliminer une colite iatrogène (par exemple, antiinflammatoires non stéroïdiens, AINS).

→ L’examen proctologique examine le périnée, l’anus et éventuellement le rectum. Il recherche des lésions fréquentes au cours de la MC comme les fissures, ulcérations endo-anales, abcès et/ou fistules. Non systématique, il est indiqué notamment en présence de douleurs anales, saignements et écoulements.

Bilan biologique initial

→ Outre une coproculture pour écarter une infection à Clostridium difficile notamment et un examen parasitologique des selles, sont notamment réalisés un hémogramme (recherche d’une anémie, d’une hyperleucocytose, d’une thrombocytose témoignant d’un état inflammatoire), le dosage de la protéine C réactive (CRP), témoin d’une inflammation, et un ionogramme sanguin.

→ La calprotectine fécale, marqueur de l’état d’inflammation de la muqueuse colique, est parfois effectuée (sans remboursement par la Sécurité sociale) : un taux supérieur à 50 µg/g confirmé sur deux prélèvements fait écarter un syndrome de l’intestin irritable.

→ La recherche d’anticorps sériques aSCA (anticorps anti-Saccharomyces cerevisiae) et pANCA (anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles de type périnucléaire) peut être réalisée pour aider à différencier la RCH d’une MC colique isolée.

Une augmentation des pANCA est plutôt en faveur d’une RCH, alors qu’une augmentation des aSCA évoque plutôt une MC.

→ Les carences vitaminiques sont également dépistées, notamment vitamines B9, B12 et D.

Confirmation diagnostique

L’iléocoloscopie avec biopsie systématique confirme le diagnostic et permet de différencier les deux Mici.

→ Dans la MC, les lésions inflammatoires alternent avec des zones saines. Elles sont souvent profondes et peuvent intéresser l’ensemble de la paroi intestinale. L’examen histologique des biopsies peut révéler un granulome épithélioïde et gigantocellulaire (amas de cellules épithélioïdes, de cellules géantes et de lymphocytes), qui est très évocateur de la maladie de Crohn.

→ Au cours de la RCH, les lésions sont continues, sans intervalle de muqueuse saine. L’atteinte est plus superficielle sauf dans des formes sévères (colites aiguës graves).

→ Dans 10 % des cas(4), la distinction entre les deux ma ladies est difficile : on parle de « colite indéterminée ou inclassée ».

→ Des scores, établis sur les données cliniques et les examens, permettent notamment de classer les Mici selon leur degré d’activité (légère, modérée, sévère) : CDAI (score clinique, Crohn’s Disease Activity Index) et CDEIS (score endoscopique, Crohn’s Disease Endoscopic Index of Severity) pour la MC ; score de Mayo (score clinique) et UCEIS (score endoscopique, Ulcerative Colitis Endoscopic Index of Severity) pour la RCH.

Autres examens

→ Entéro-IRM : effectuée dans l’exploration de la MC, elle évalue précisément les lésions et le degré d’inflammation de l’intestin grêle et guide le choix thérapeutique.

→ Endoscopie œsogastroduodénale : elle est systématique au cours du bilan d’une MC afin d’identifier des lésions digestives hautes (œsophage, estomac et duodénum).

→ Vidéocapsule endoscopique (de la taille d’une gélule, c’est une sorte d’endoscope miniature qui progresse dans le tube digestif avant d’être éliminée par voie naturelle) : utile pour détecter de petites lésions, cet examen non invasif de l’intestin grêle nécessite d’écarter tout risque de rétention capsulaire liée à une sténose digestive.

4. ÉVOLUTION ET COMPLICATIONS

→ Les deux pathologies évoluent classiquement par poussées entrecoupées de périodes de rémission plus ou moins longues. Dans certains cas, elles peuvent évoluer de façon continue avec des exacerbations. Au cours de la RCH, on observe fréquemment une extension des lésions avec développement de lésions coliques. Au cours de la MC, la localisation initiale de la maladie reste classiquement stable mais l’évolution naturelle conduit à des complications à type de sténoses, de fistules et d’abcès, qui peuvent nécessiter hospitalisations et résections chirurgicales. Plus d’un malade sur deux est opéré après dix ans d’évolution(4) et les récidives post-opératoires sont fréquentes. Les sténoses intestinales secondaires à l’inflammation chronique peuvent entraîner un syndrome occlusif ou sub-occlusif.

→ La colite aiguë grave (au moins six évacuations glairo-sanglantes par jour, fièvre, tachycardie) est une complication fréquente observée chez 25 % des patients(4). C’est une urgence médicochirurgicale qui peut se compliquer de colectasie (distension colique) avec risque de perforation colique.

Au long cours

→ Surtout en cas d’atteinte colique étendue, les patients ont un risque augmenté de cancer colorectal. Un dépistage systématique de la dysplasie colique doit être réalisé, quelle que soit l’étendue de la maladie après sept années d’évolution.

Pour la MC, en cas d’atteinte ancienne du grêle, il existe un risque accru d’adénocarcinome du grêle. Des résections chirurgicales répétées du grêle peuvent aboutir au syndrome du grêle court (avec diarrhées, malabsorption des nutriments, désordre hydro-électrolytique…).

→ Il existe aussi un risque augmenté de complications osseuses, et notamment d’ostéoporose, en raison de l’inflammation sévère, des carences possibles en vitamines et minéraux et des traitements cortisoniques. Au cours des poussées, il existe un risque augmenté de thrombose veineuse profonde et d’embolie pulmonaire.

Qualité de vie

Certains patients ont une qualité de vie très altérée en période de poussées, avec des répercussions importantes (fatigue, absences répétées…) sur la vie sociale, professionnelle ou scolaire, les loisirs et la vie de couple, notamment chez les jeunes adultes (lire p. 52).

5. PRISE EN CHARGE

L’objectif est d’obtenir une rémission clinique et une cicatrisation muqueuse endoscopique afin de maintenir la qualité de vie et de prévenir les rechutes et complications.

Stratégie thérapeutique

Elle consiste le plus souvent en une escalade thérapeutique progressive (stratégie « step-up »). Toutefois, pour des formes sévères, notamment de la MC, un traitement par anti-TNF alpha peut être d’emblée prescrit, suivi d’une désescalade thérapeutique progressive (stratégie « top-down »).

→ Traitement des poussées.

• RCH : dans les formes légères à modérées, les aminosalicylés sont le traitement de référence par voie orale ou topique (suppositoires, lavements). En cas d’échec, une corticothérapie est préconisée par voie orale (trois à quatre mois maximum) ou locale.

• MC : la corticothérapie est le traitement de référence après une première poussée avec utilisation, dans les formes légères à modérées iléocæcales, du budésonide, corticoïde à libération iléocolique droite.

Dans les formes étendues ou avec lésions anopérinéales sévères, les anti-TNF alfa peuvent être indiqués d’emblée (stratégie « top-down »), le plus souvent associés à un immunosuppresseur comme l’azathioprine (on parle de combothérapie).

→ Traitements d’entretien.

• RCH : les aminosalicylés peuvent suffire en traitement de fond (dose réduite). De plus, ils jouent un rôle important dans la prévention du cancer colorectal. En cas d’échec, c’est-à-dire récidives fréquentes ou évolution vers une corticodépendance (réapparition des symptômes en dessous d’une dose seuil de corticoïdes ou peu après leur arrêt), on a recours à l’azathioprine (ou à son métabolite actif la 6-mercaptopurine, Purinethol, hors AMM), puis aux anti-TNF alpha en cas de corticorésistance (persistance des symptômes malgré la corticothérapie). La ciclosporine est parfois utilisée hors AMM dans les poussées sévères de RCH.

• MC : l’instauration d’un traitement de fond par azathioprine (ou parfois méthotrexate) est souvent nécessaire pour prévenir les rechutes. En cas de corticorésistance, un anti-TNF alpha est prescrit.

– Pour les formes réfractaires, d’autres immunosuppresseurs sont utilisés : védolizumab dans la RCH (non remboursé dans MC), ustékinumab dans la MC.

– En cas de grossesse, les avortements spontanés, le risque de prématurité et d’hypotrophie fœtale sont plus fréquents si la maladie est active. Il est donc fortement conseillé de planifier le projet de grossesse et de ne pas envisager de conception tant que la maladie est évolutive. Selon le Centre de référence sur les agents tératogènes (Crat), l’azathioprine et les anti-TNF alpha peuvent être poursuivis si besoin; le méthotrexate est formellement contre-indiqué.

→ Autres traitements.

• Les complications telles que les abcès et les fistules font appel à un drainage et une antibiothérapie (quinolone, métronidazole) avant, parfois, une intervention chirurgicale.

• Vu le risque thrombotique augmenté, une anticoagulation préventive par héparines de bas poids moléculaire (HBPM) est prescrite lors de poussées sévères.

• Des antalgiques de palier 1 ou 2 (à l’exception des AINS, à éviter), des antispasmodiques et des antidiarrhéiques peuvent être nécessaires.

• Une supplémentation nutritionnelle par perfusion intraveineuse ou voie orale peut être nécessaire lors de dénutrition.

• L’arrêt du tabac est impératif dans la MC.

→ Chirurgie.

• Dans la MC, elle est envisagée en cas de complications (abcès, sténose, fistules….) ou d’échec du traitement médical.

• Dans la RCH, la coloprotectomie totale (exérèse du côlon et du rectum) avec anastomose iléo-anale est le seul traitement curatif disponible mais la colectomie totale, mieux tolérée et plus simple à réaliser, est généralement l’alternative proposée. Cette chirurgie n’intervient qu’en dernière intention en cas d’échec du traitement médical. La pochite, correspondant à l’inflammation du réservoir iléal confectionné, en est une complication fréquente.

Principales caractéristiques et effets indésirables des traitements

→ Aminosalicylés : ils sont globalement bien tolérés. L’olsalazine peut être responsable d’une diarrhée généralement transitoire et diminuée par une prise au cours du repas. Une surveillance de la fonction rénale est impérative. Exceptionnellement, des réactions allergiques (rash, pancréatite aiguë, péricardite, pneumopathie…) sont possibles, plus fréquentes avec la sulfasalazine, qui expose également à des troubles hématologiques.

→ Corticoïdes : ils sont utilisés essentiellement par voie orale en cure courte lors des poussées (1 mg/kg par jour d’équivalent prednisone ou prednisolone) avec arrêt progressif pour éviter un effet rebond et le risque d’insuffisance surrénalienne. Ils peuvent induire prise de poids, insomnie, poussée d’acné, troubles de l’humeur, atrophie musculaire; et au long cours : risque de déstabilisation d’un diabète, d’aggravation d’une hypertension artérielle, ostéoporose cortisonique, troubles oculaires (glaucome à angle ouvert, cataracte). Le risque infectieux est augmenté à partir du 15e jour de traitement à des doses supérieures à 10 mg/jour. Le budésonide a des effets systémiques moindres.

→ Immunosuppresseurs.

• Azathioprine : expose à des troubles hématologiques (surveillance hebdomadaire de l’hémogramme les huit premières semaines de traitement puis au moins tous les trois mois), digestifs et à des manifestations immuno-allergiques (fièvre, éruption cutanée, myalgies ; pancréatite aiguë nécessitant l’arrêt du traitement). Le risque infectieux est légèrement accru. Il existe aussi un sur-risque de lymphome qui concerne les patients âgés de plus de 60 ans et les adolescents qui n’ont pas eu la mononucléose infectieuse (lymphome induit par une primo-infection à virus Epstein-Barr) ainsi qu’un risque de cancers cutanés non mélanocytaires.

• Méthotrexate : parfois utilisé par voie injectable, il impose une surveillance hépatique, hématologique et rénale, ainsi qu’une contraception efficace, y compris pour la partenaire d’un homme traité, jusqu’à trois mois après l’arrêt du traitement.

→ Anticorps monoclonaux.

• Les anti-TNF alpha permettent la rémission des symptômes et la cicatrisation des lésions endoscopiques. Leur efficacité est d’autant plus importante que les lésions ne sont pas encore compliquées et qu’ils sont associés à l’azathioprine. L’infliximab (Remicade et biosimilaires : Remsima, Inflectra, Flixabi) et l’adalimumab (Humira) ont une AMM dans la MC et la RCH. Le golimumab (Simponi) n’est indiqué que dans la RCH.

• L’ustékinumab (Stelara, inhibiteur d’interleukines) est indiqué dans la MC après échec des traitements conventionnels et d’au moins un anti-TNF alpha. Le védolizumab (Entyvio, anti-intégrine) est également un traitement de troisième ligne dans la RCH.

• Effets indésirables communs : le principal risque est infectieux, incluant des infections opportunistes, notamment une pneumocystose justifiant une antibiothérapie préventive par cotrimoxazole en cas d’association de plusieurs immunosuppresseurs. Le dépistage d’une tuberculose latente et la recherche d’une infection virale susceptible de se réactiver (VHB, VIH, herpès…) sont réalisés avant la mise en route du traitement. La surveillance des signes infectieux se poursuit jusqu’à cinq mois après l’arrêt du traitement. Parfois, des céphalées, des troubles gastro-intestinaux, une fatigue, des arthralgies ou myalgies, une urticaire surviennent les jours voire les mois suivant l’injection. Ces réactions d’hypersensibilité retardée liées au développement d’auto-anticorps sont plus fréquentes sous infliximab et peuvent nécessiter un changement de molécule.

• Concernant les anti-TNF alpha : des cas d’insuffisance cardiaque et de maladies neurologiques démyélinisantes sont rapportés ce qui implique de vérifier l’absence de maladie cardiaque sévère ou neurologique (SEP…) avant mise en route du traitement. Ils augmentent légèrement le risque de lymphomes et de cancers cutanés.

1- Données du Système national d’information inter-régimes de l’Assurance maladie (SNIIRAM), à voir sur : bit.ly/2zfenLU

2- À consulter sur : bit.ly/2tXr3Sz

3- Selon les données de l’Association française de formation médicale continue en hépatogastro-entérologie. À lire sur : bit.ly/2IWpvNk

4- « Maladies chroniques de l’intestin », La Revue du praticien, mars 2018.

5- Source : bit.ly/2zcEov5

MICROBIOTE

Les liens entre dysbiose et Mici

Les Mici se caractérisent par une dysrégulation des défenses immunitaires intestinales et par une dysbiose. Ces deux phénomènes semblent étroitement intriqués.

Rappel

→ La muqueuse intestinale joue un rôle majeur dans les défenses immunitaires : barrière physique assurée par la jonction des cellules épithéliales de la muqueuse; capacité de renouvellement rapide de ces cellules et péristaltisme intestinal empêchant les pathogènes de s’installer durablement; présence d’un tissu lymphoïde secondaire, le Galt (Gut-associated lymphoid tissue), regroupant des lymphocytes et d’autres cellules immunocompétentes.

→ Chaque individu a un microbiote (bactéries essentiellement, mais aussi champignons, levures, virus) qui lui est propre. Cependant, il existe quelques grands groupes (ou phyla) de bactéries dominants que l’on retrouve chez tous les individus, en particulier les Firmicutes et les Bacteroidetes.

→ Le microbiote joue un rôle de protection contre des pathogènes en entrant en compétition avec eux pour les nutriments et l’espace disponible et en sécrétant des substances antimicrobiennes. Il renforce les jonctions serrées de l’épithélium intestinal et joue un rôle essentiel dans le développement du système immunitaire intestinal et dans son fonctionnement.

Perméabilité intestinale accrue

→ Au cours des Mici, il existe une diminution de certaines espèces de Firmicutes et Bacteroidetes au détriment d’autres espèces pro-inflammatoires (E. coli adhérent invasif, notamment). Cette dysbiose a des répercussions sur le système immunitaire local et conduit à une augmentation de la perméabilité intestinale, à une infiltration massive de lymphocytes T pro-inflammatoires, notamment Th1 et Th17, et à la synthèse de cytokines pro-inflammatoires (interleukines 12 et 23, TNF alpha…) avec, pour conséquence, une inflammation intestinale chronique.

AVANT LE TRAITEMENT

La vérification des vaccins

→ Avant initiation d’un traitement immunosuppresseur, une mise à jour des vaccinations est impérative. Les vaccinations contre l’hépatite B et la varicelle (si sérologie négative ou absence de varicelle) sont recommandées, ainsi que la vaccination contre le HPV chez l’adolescente et les vaccinations anti-pneumococcique et anti-grippale.

→ Les vaccins vivants atténués (ROR, varicelle-zona, fièvre jaune, BCG…) sont contre-indiqués sous immunosuppresseur (dont anticorps monoclonaux, azathioprine, corticothérapie. ≥ 10 mg/jour d’équivalent prednisone pendant plus de deux semaines), et ce, jusqu’à trois mois après l’arrêt de ces traitements. Ils doivent, si besoin, être réalisées au moins trois semaines avant mise en route du traitement immunosuppresseur.

Source : Club de réflexion des cabinets et groupes d’hépato-gastrœntérologie : bit.ly/2tWKDOE

ÉCLAIRAGE

« Les essais de transplantation fécale sont encourageants »

Pr Laurent Beaugerie Gastro-entérologue, Hôpital Saint-Antoine, Paris

Avec quinze ans de recul, quel bilan peut-on tirer des anti-TNF alpha ?

C’est un traitement majeur qui donne le plus souvent de bons résultats mais certains patients y répondent mal ou présentent, à un moment donné, une perte de réponse ou des complications infectieuses. On peut alors soit essayer un autre anti-TNF alpha, soit se tourner vers les nouvelles biothérapies : ustékinumab, védolizumab.

Où en est la transplantation fécale dans le cadre des Mici ?

Pour l’instant, uniquement au stade d’études. Les résultats des premiers essais cliniques chez des patients atteints de RCH sont positifs, et ceux de la MC très préliminaires mais encourageants. Elle est à ce jour indiquée en cas d’infections récidivantes à Clostridium difficile, y compris chez des patients atteints de Mici, et donne de bons résultats dans ce contexte.

NDLR : La transplantation de microbiote fécale consiste à administrer des échantillons de selles d’un individu sain à un individu malade pour rétablir l’équilibre de sa flore intestinale.