Des soins solidaires - L'Infirmière Magazine n° 393 du 01/05/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 393 du 01/05/2018

 

MÉDICO-SOCIAL

SUR LE TERRAIN

INITIATIVE

Laure Martin  

Depuis mai 2014, un Ssiad (service de soins infirmiers à domicile) un peu particulier opère dans le Nord de la France. Sa caractéristique principale : il cible les personnes en situation de grande précarité.

Ce service de soins infirmiers à domicile (Ssiad) solidaire est né en 2013, après un appel à projets de l’ARS Nord-Pas-de-Calais [devenue ARS Hauts-de-France, NDLR], afin d’améliorer la prise en charge médico-sociale des personnes très précaires. « L’ARS a voulu mettre en place deux services de ce type », explique Claire Barros, infirmière coordinatrice du Ssiad de l’Association baptiste pour l’entraide et la jeunesse (Abej) solidarité. L’association, qui a répondu à l’appel à projets, intervient depuis 2014 dans la métropole lilloise et dispose de 30?places en file active. Mais un autre Ssiad agit, lui, dans le bassin lensois. Le projet, certes innovant, n’est pas expérimental. Les deux structures, financées par l’ARS, ont une autorisation de fonctionnement pour quinze ans.

Sur prescription médicale

« Un Ssiad “standard” intervient auprès des personnes âgées ou handicapées, souligne Claire Barros. Nous n’avons pas à respecter ce critère. Nous accompagnons tous les majeurs sans droits à la santé ouverts ou en situation de grande précarité. » L’intervention du Ssiad, qui regroupe deux infirmières, quatre aides-soignantes et quatre aides-médicopsychologiques (AMP), se fait sur prescription médicale. « En général, nous intervenons après la demande des équipes éducatives des structures d’hébergement des personnes en situation de précarité », décrit Claire Barros. Ces personnes sont souvent hébergées dans des établissements du dispositif Accueil, hébergement et insertion (AHI) – donc des logements d’urgence –, des Centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), des accueils de nuit, des pensions de famille, des résidences sociales… « Normalement, nous n’agissons pas dans des camps de Roms mais nous avons été sollicités par des partenaires de notre réseau à cause de la mauvaise observance des traitements de cette population, précise l’infirmière. Notre champ d’action s’est donc élargi. »

Du soin relationnel

Si le Ssiad intervient au sein de ces structures, c’est parce que les professionnels libéraux disponibles pour y dispenser des soins sont rares. Ou que les infirmières libérales ou les aides à domicile ont été confrontées sur place à des refus de soins. « Les personnes en grande précarité manquent parfois de confiance dans le soignant, explique Claire Barros. Dans d’autres cas, la notion de soin n’est pas toujours leur priorité. Elles préfèrent trouver à manger ou un endroit où dormir. »

À l’Abej, dont la mission est de permettre aux personnes les plus exclues de trouver leur place au sein de la société, l’ensemble des professionnels connaît ce public-cible et sait comment agir à ses côtés. Le financement global du Ssiad permet également aux professionnels « de prendre le temps qu’il faut pour accompagner chaque personne, reconnaît Claire Barros. Nous faisons du soin relationnel afin de développer un rapport de confiance, pour faire en sorte que chacun se réapproprie son corps et accepte progressivement les soins ». Cette prise en charge peut également servir de tremplin. Ainsi, lorsque les personnes retournent dans le droit commun, notamment lorsqu’elles obtiennent une place dans un Ehpad ou dans un foyer d’accueil spécialisé, l’acceptation des soins facilite leur intégration.

TÉMOIGNAGE Hélène Legras Infirmière au Ssiad « Précarité » de l’Abej depuis janvier 2016

« Une démarche bienveillante et neutre »

« J’ai candidaté à l’Abej quand l’équipe recherchait une infirmière pour le Ssiad. Ce qui m’a attirée, c’est l’engagement solidaire, qui sous-tend les valeurs humaines des soins infirmiers. Cet accueil inconditionnel, cette tolérance, m’animent tous les jours. Avec cette prise en charge, nous allons aussi à la rencontre d’autres cultures, avec des patients aux profils très variés. C’est très riche en termes d’échanges et de partage. Certes, les conditions d’hygiène peuvent rendre les soins un peu plus compliqués et il arrive que ces patients soient réticents lorsqu’ils nous voient arriver. Mais cela se passe généralement bien, notamment parce qu’ils ressentent que nous sommes dans une démarche bienveillante et neutre. »