Des évolutions se profilent - L'Infirmière Magazine n° 393 du 01/05/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 393 du 01/05/2018

 

FORMATION

INTRODUCTION

Marielle Marbach Rouillard  

La procédure de certification V 2020 envisage de multiplier le recours aux patients traceurs pour évaluer la qualité des soins. Une méthode qui inspire aussi des expérimentations novatrices.

1. LE PATIENT TRACEUR DANS LA V 2020

Développée sous l’égide de la Haute autorité de santé (HAS), la procédure de certification se doit d’être en constante évolution. Importée des États-Unis il y a une vingtaine d’années, elle propose des méthodes et des outils pour évaluer la qualité des soins dans les établissements de santé. Depuis son introduction, en 1999, les établissements de santé ont déjà été soumis à quatre sessions d’accréditation. La dernière version de la certification (V 2014), dont les visites ont démarré en janvier 2015, marque une étape importante. Le dispositif « a été pensé et développé pour permettre une certification plus continue et efficiente », indique la HAS. Parmi les orientations stratégiques, citons « poursuivre des approches centrées sur le patient » ; « renforcer la capacité de la certification à maîtriser les risques » ; « rendre continue la démarche d’amélioration de la qualité des établissements ». La cinquième version de la certification, dont le début des travaux ont été annoncés par la HAS en septembre 2017, devrait s’appliquer en 2020. Le collège a fixé les grandes orientations, en cohérence avec la Stratégie nationale de santé (SNS). Il souhaite que la certification des établissements « investigue davantage ce qui est important pour les patients en matière de qualité des soins tout en se rapprochant des professionnels de santé dont elle valorisera en particulier les démarches d’amélioration en équipe ». Il attend qu’elle « s’appuie sur les parcours de patient et intègre l’enjeu de la pertinence des soins ». Cette itération sera aussi plus simple dans sa mise en œuvre, qui tiendra compte des recompositions hospitalières, liées notamment à la mise en place des groupements hospitaliers de territoire (GHT) et aux regroupements locaux d’établissements.

La HAS souhaite encore « renforcer à l’avenir l’appréciation du niveau de qualité des soins délivrés aux patients ». De concert avec des professionnels du monde hospitalier et des représentants de patients et d’usagers, seront définis « les points critiques des différentes prises en charge sur lesquels elle évaluera les résultats atteints par les établissements de santé ». Ces points critiques s’appliqueront à des domaines transversaux (comme la douleur), à des secteurs spécifiques (comme la chirurgie), à des populations (personnes âgées) ou à des situations cliniques particulières (prise en charge des AVC). « Ces points seront en nombre limité et évalués soit par un indicateur, quand il existe, soit par la méthode du patient traceur. » La V 2020 prévoit ainsi de démultiplier le recours aux patients traceurs… En outre, « l’évaluation par système traceur sera introduite pour évaluer les processus (méthode qui s’attache en premier lieu à observer la mise en œuvre des processus sur le terrain et ne remonte à l’évaluation de l’organisation de ces processus que si nécessaire) ».

2. UNE ENQUÊTE NOVATRICE

En attendant des informations plus précises de la HAS, le concept d’expérience patient suscite des expérimentations inédites. Comme cette enquête interrégionale menée en janvier dernier à l’initiative de la Forap (Fédération des organismes régionaux et territoriaux pour l’amélioration des pratiques et organisations en santé). Réalisée auprès d’établissements de santé de trois régions (dont l’Île-de-France), pilotée par la Structure régionale d’appui à la qualité et sécurité des prises en charge (Staraqs), elle avait pour objectif de mesurer l’expérience du patient vis-à-vis de la douleur. L’évaluation a été conduite auprès de l’ensemble des patients présents dans différentes unités d’établissements de santé volontaires un jour donné. Cette méthode comporte, comme celle du patient traceur, un entretien avec le patient ainsi qu’avec l’équipe soignante et une évaluation de la traçabilité dans le dossier patient. L’objectif est de confronter la perception des patients sur la douleur et leur prise en charge à celle des soignants.

À la différence du patient traceur, l’intérêt de cette démarche était de permettre une restitution statistique de l’évaluation réalisée. Les établissements engagés ont pu connaître le pourcentage de patients douloureux dans leurs différents services (supérieur à 3 sur l’échelle d’évaluation) le jour de l’investigation. Cette enquête est donc, pour eux, une opportunité pour prendre en compte le jugement des patients, reconnu comme essentiel dans l’appréciation de la qualité des soins, et pour faire évoluer leurs pratiques. Une synthèse des évaluations doit être réalisée prochainement, permettant en outre de réaliser une évaluation comparative par type de prise en charge (médecine, chirurgie, psychiatrie, urgences). Autre point intéressant : l’enquête « expérience patient  », en impliquant l’ensemble des soignants d’une unité ou d’un établissement, offre également la possibilité de mener une évaluation basée sur une comparaison entre professionnels et patients. Le comité de lutte contre la douleur, ainsi que la commission des usagers, vont pouvoir être les promoteurs et les ambassadeurs de ce projet participatif.

POINTS CLÉS

Les conditions de réussite du patient traceur

→ Une mobilisation collective est nécessaire pour réaliser le patient traceur puis pour conduire les actions d’amélioration.

→ Une formation institutionnelle est dispensée afin de partager une même approche du patient traceur et d’en connaitre les enjeux.

→ Le patient traceur sert à identifier collectivement une action d’amélioration qui n’a pas pu être mise en œuvre.

→ Le patient traceur doit mobiliser des acteurs impliqués dans la prise en charge.

→ L’ensemble des actions d’amélioration doivent être centralisées par le service qualité gestion des risques pour aboutir à un plan d’action réaliste quant au nombre de projets à mettre en œuvre et à leur priorisation.

→ Le service qualité classe les axes d’amélioration selon les ressources nécessaires pour leur réalisation. Si l’intitulé des actions s’avère très générique, il faut veiller à ce que l’action ait un objectif précis, un calendrier de réalisation et que le pilote, lorsqu’il est identifié, accepte d’être missionné sur le projet.