ET LA MUPA S’IMPOSA… - L'Infirmière Magazine n° 392 du 01/04/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 392 du 01/04/2018

 

GÉRIATRIE

ACTUALITÉS

ÉTABLISSEMENTS

Hélène Colau  

Le CHU de Limoges a ouvert, fin 2014, la toute première unité de médecine d’urgence de la personne âgée (Mupa) de France. Une expérience concluante, estiment les porteurs du projet.

Il y a un peu plus de trois ans, les équipes du CHU de Limoges (Haute-Vienne) traversaient une période difficile : les urgences connaissaient une affluence inhabituelle de personnes âgées, qui restaient parfois plusieurs jours dans le service. Le personnel, débordé, dénonçait alors un insupportable manque de moyens qui mettait, selon eux, la vie des patients en danger. Dans la foulée, le chef du service démissionnait…

Cette crise entraîne, en novembre 2014, la création de la première unité de médecine d’urgence de la personne âgée (Mupa) de France. Trois ans et demi plus tard, elle a largement fait ses preuves, estiment les responsables de l’initiative, et a d’ailleurs remporté, en 2017, le prix « Hospitalisation en services non gériatriques et aux urgences des personnes atteintes de troubles cognitifs : pour un meilleur accueil et une nouvelle prise en charge », remis par la Fondation Médéric Alzheimer et la Fédération hospitalière de France (FHF).

Le rôle central de l’IDE

Dans le Limousin, où les personnes âgées sont plus nombreuses que la moyenne nationale – en 2010, les plus de 75 ans représentaient 13 % de la population(1) –, l’unité prend en charge environ 3 000 patients par an, dont 500 atteints de troubles cognitifs majeurs. Et, contrairement aux urgences classiques, l’équipe de la Mupa – formée de trois équivalents temps-plein médecins et quatre infirmières – assure une prise en charge globale des patients.

Ainsi, à son arrivée, la personne de plus de 75 ans est accueillie par l’infirmière d’accueil et d’orientation des urgences, qui vérifie d’abord qu’elle répond à certains critères. La personne doit être polypathologique, ne pas être en urgence vitale ou chirurgicale, et ne pas nécessiter de surveillance continue ni d’hospitalisation immédiate dans une unité spécialisée. S’il remplit ces conditions, le patient est directement pris en charge par la Mupa, ce qui décharge les urgentistes.

Parallèlement à l’évaluation gériatrique, l’équipe contrôle l’autonomie du patient et constate d’éventuelles fragilités. Le rôle des IDE – formées à la gérontologie et spécialisées dans les soins aux personnes âgées – est ici central : ce sont elles qui sont chargées de cette dernière mission. Pour cela, elles tâchent de repérer divers signes, de la malnutrition à la perte neuronale en passant par la sédentarité ou un changement social, tel que le veuvage. « Les infirmières ont un vrai savoir-faire dédié à la personne âgée, précise Achille Tchalla(2), chef du service de médecine gériatrique du CHU. Si elles n’étaient que dans la technique, la Mupa ne fonctionnerait pas. »

Les soignants de la Mupa orientent ensuite au mieux la personne dans la filière gériatrique du CHU (lire encadré). « En étant aux urgences, on porte en nous la filière gériatrique, poursuit le Dr Tchalla. On a les outils en tête donc on peut intégrer toute la prise en charge et travailler sur la trajectoire de soins dès ce moment-là. Sans la filière, on ne pourrait pas être aussi efficace. »(2) Ils assurent enfin un suivi ambulatoire pour que le retour au domicile se passe au mieux. Une évaluation gériatrique est enfin réalisée avant toute sortie.

De nouveaux défis

Selon les évaluations réalisées au CHU de Limoges, l’unité a permis de désengorger les urgences tout en améliorant la prise en charge des personnes âgées. Le temps de passage aux urgences a ainsi diminué de trois heures trente-cinq. Tandis que le taux de retour à domicile a augmenté de 40 % et les taux de réhospitalisation à 48 h ou 72 h, ainsi que de réhospitalisation à trente jours, ont diminué de moitié.

Mais la Mupa ne se repose pas sur ses lauriers : elle a désormais de nouveaux objectifs. Elle envisage, par exemple, d’étendre ses horaires de fonctionnement – aujourd’hui limités à la journée (8 h-18 h) –, d’organiser des consultations dans d’autres établissements du GHT(3) du Limousin grâce à la télémédecine ou encore, de monter une équipe mobile d’intervention rapide qui prendrait le relais lors du retour au domicile.

1- Chiffres de l’Insee.

2- Dans un entretien accordé à APMnews.

3- Groupement hospitalier de territoire.

PROJET EN COURS

Un nouveau pôle gérontologique

Actuellement, la filière gériatrique du CHU de Limoges comporte un secteur de post-urgences gériatriques, un service de médecine interne gériatrique, des soins de suite de réadaptation gériatrique, une unité de recours cognitivo-comportementale, une unité d’hébergement transitoire d’urgences, une unité de prévention, de suivi et d’analyse du vieillissement, une plate-forme de régulation téléphonique et une unité de recours et de soins gériatriques pour les résidents d’Ehpad. Une grande restructuration est en cours et devrait voir émerger un nouveau pôle gérontologique au printemps.