LES ACTES INUTILES, NOUVELLE CIBLE À ABATTRE - L'Infirmière Magazine n° 389 du 01/01/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 389 du 01/01/2018

 

POLITIQUE SANTÉ

ACTUALITÉS

COLLOQUES

Adrien Renaud  

La Haute autorité de santé (HAS) a organisé, mi-novembre, un colloque sur la pertinence des soins. Un concept séduisant dont la mise en œuvre nécessite des efforts importants.

D’après l’Organisation de coopération et développement économiques (OCDE), 20 % des dépenses de san té sont inutiles. Réduire ce chiffre étant à la fois un enjeu financier et de santé publique, la HAS avait convié plusieurs responsables du système de santé à réfléchir sur le sujet lors d’un colloque, organisé le 14 novembre, à Paris.

Sur le banc des accusés, ces dé ci deurs ont tout d’abord placé le paiement à l’acte. « Nous avons des modes de rémunération qui sont plutôt pousse-au-crime », a estimé Nicolas Revel, président-directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie.

Autres coupables présumés : les systèmes d’information. Cécile Courrèges, directrice générale de l’offre de soins au ministère de la Santé, a par exemple fait remarquer combien il pouvait être difficile d’accéder à l’historique des examens effectués sur un patient.

La formation continue des médecins est également dans le collimateur, ainsi que le comportement des patients. Claude Rambaud, administratrice du collectif France Assos Santé, a reconnu que bien des malades arrivaient chez le médecin avec leur diagnostic et leur ordonnance déjà établis dans leur tête.

Bon diagnostic, traitement à revoir

Le problème, c’est qu’après cette belle analyse des racines du mal, les responsables invités par la HAS ont peiné à fournir des solutions convaincantes. Pour résoudre la question des systèmes d’information, Cécile Courrèges a par exemple déclaré compter sur le Dossier médical partagé (DMP), qu’elle estime être le « support essentiel pour la limitation des doublons ».

Un outil qui devrait être généralisé courant 2018, mais dont la sortie a été tant de fois reportée qu’on peine à croire à son succès.

Pour faire face au problème de la formation continue des médecins, le Pr Olivier Claris, président de la Commission médicale d’établissement (CME) des Hospices civils de Lyon (HCL), a quant à lui évoqué « un système intelligent de recertification »(1). Un chantier récemment relancé par la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, mais qu’on évoque depuis si longtemps qu’il fait lui aussi figure de serpent de mer.

Le paiement à l’acte dans le collimateur

Reste le mode de paiement. Une question épineuse, car elle touche aux intérêts financiers des professionnels de santé. En guise d’exemple, Nicolas Revel a raconté que, lors des dernières négociations conventionnelles avec les médecins libéraux, la priorité de ces derniers avait été de revaloriser la consultation de base de 23 à 25 €.

« Je leur ai dit qu’on pouvait prendre cet argent et l’investir dans les consultations longues, s’est souvenu le patron de l’Assurance maladie. Ce débat a été vite réglé : les cinq syndicats ont pensé qu’il était impossible de ne pas commencer par revaloriser les consultations de base. » Les Idel, qui doivent clôturer leurs propres négos conventionnelles en 2018, sauront-elles être plus malléables que leurs homologues médecins Réponse en juin prochain.

1- Il s’agirait d’instaurer une formation continue obligatoire des médecins.

À SAVOIR

→ La Fédération hospitalière de France (FHF) a publié un atlas des variations de pratiques concernant cinq actes chirugicaux connaissant de fortes disparités : la césarienne, la chirurgie du rachis, le pontage coronarien, la chirurgie du cristallin et les endoprothèses vasculaires sans infarctus du myocarde.

Exemple : le taux de recours moyen standardisé pour 100 000 habitants au pontage coronarien affiche un coefficient de variation de 27,7 % selon les départements.

L’atlas est consultable sur : bit.ly/2BwcQOF

UN MOUVEMENT MONDIAL

Quels sont les actes trop utilisés ?

Et si chaque société savante identifiait cinq actes ou traitements trop utilisés ? Telle est la question que se sont posée en 2012 les responsables de la campagne Choosing wisely (choisir avec soin). Il s’agit ensuite pour les soignants et les patients de s’interroger sur les recommandations émises. Cette initiative, partie des États-Unis, est en train d’essaimer à travers le monde : le mouvement dit être actif dans 21 pays. Le Dr Sandra Vernero, qui coordonne Choosing wisely en Italie, était venue expliquer son action au colloque de la HAS. « Il s’agit de choisir cinq procédures, sans parler de leur coût, a-t-elle précisé. Seul le ratio bénéfice-risque compte. » En Italie, les généralistes ont décidé de travailler, entre autres, sur les inhibiteurs de la pompe à protons. Les infirmiers ont choisi les cathéters urinaires. En France, les choses démarrent doucement (lire À savoir). Reste qu’identifier les actes trop utilisés n’est que la première partie du travail. « Il y a beaucoup de recommandations. Maintenant, il faut les appliquer », sourit Sandra Vernero. Il n’y a plus qu’à !

https://choisiravecsoin.org