UN AUTRE REGARD - L'Infirmière Magazine n° 386 du 01/10/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 386 du 01/10/2017

 

MALADIES NEURODÉGÉNÉRATIVES

ACTUALITÉS

COLLOQUES

Claire Pourprix  

Les inventions sociales seront bientôt l’objet d’évaluations et de recherches, pour mieux partager les bonnes pratiques.

Pour faire progresser l’accompagnement des malades atteints de maladies neurodégénératives, il y a bien sûr les nouvelles technologies et les recherches scientifiques. Mais pas que. Depuis quelques années, les inventions sociales se développent et offrent de nouvelles perspectives de prise en charge. Elles ont été au centre des interventions de l’Université d’été « Éthique, Alzheimer et maladies neurodégénératives », qui s’est déroulée à Lyon, du 11 au 13 septembre 2017.

Nouveaux modes d’accompagnement (Montessori, Eval’zheimer®), création d’Ehpad hors les murs, évolution des formules de répit, modes d’hébergement alternatifs… Les exemples cités par Fabrice Gzil, responsable du pôle soutien à la recherche et à l’innovation sociale de la Fondation Médéric Alzheimer, illustrent l’inventivité des acteurs « défricheurs et veilleurs » de divers horizons (soignants, aidants, personnes malades…). Leur fil rouge : mettre l’expérience du patient et des aidants au cœur de la prise en charge avec une conscience aiguë des enjeux sociétaux.

Bistrots mémoire

Lutter contre l’exclusion, créer des solidarités… À l’image des Dementia friendly communities, ces villes qui essaiment à travers le monde, où commerçants, agents municipaux et habitants sont sensibilisés à ne pas agir de façon stigmatisante. En France, Rennes est la première commune à devenir « ville accueillante pour les personnes vivant avec des difficultés cognitives », notamment grâce au travail du premier bistrot mémoire, créé en 2004(1). Le concept : accueillir, dans un lieu ouvert à tous, des personnes souffrant de troubles de la mémoire avec leurs proches. Des rencontres sont aussi organisées avec des experts. « Notre objectif est de sensibiliser les personnes à la différence, de faire perdurer le plaisir d’être ensemble », souligne Isabelle Donnio, sa cofondatrice. Comme l’écrit Emmanuel Hirsch dans l’éditorial du programme de l’Université d’été : « Moins médiatiques, moins spectaculaires ( que les innovations technologiques et recherches scientifiques, NDLR), elles sont peut-être plus nécessaires aujourd’hui puisqu’aucun soin, aucune technique, ne peut apporter un réel bien-être s’il n’est pas inscrit dans les réseaux de solidarités vivantes. »

Un réseau éthique national

Dès lors, l’innovation sociale doit « faire l’objet d’une évaluation et d’un questionnement éthique, estime Fabrice Gzil. Il faut s’assurer qu’elle apporte un bénéfice, sans « discréditer des postures plus classiques » et « ne pas confondre promotion de l’innovation et apologie naïve du changement et injonction permanente à plus d’efficacité et d’efficience ». Tout l’enjeu est de la reconnaître et de la déployer à grande échelle.

C’est dans cette optique qu’a été annoncé, lors de l’université d’été, le lancement d’un Réseau éthique national Alzheimer et maladies neuro-évolutives (Renane), auquel participeront des chercheurs. Un Ethic’Lab MNE a été créé(2). « Il va permettre d’analyser les pratiques, identifer les enjeux émergents, concevoir, accompagner et évaluer les initiatives innovantes et produire des données scientientifiques de nature à éclairer l’arbitrage des décideurs, confiait le Pr Hirsch à l’APM(3). Ce nouveau réseau « répond aux attentes, exigences et besoins de reconnaissance, de mutualisation des compétences et des expertises de terrain dans le cadre d’une approche associant l’ensemble des acteurs du soin et de l’accompagnement. »(4) Sans doute parce que, peu à peu, une évidence s’impose : les maladies dégénératives sont l’affaire de tous. En 2040, nous serons 2,5 millions de personnes malades.

1- Depuis, l’Union des bistrots mémoire a été créée, en 2009, afin de favoriser la création de bistrots mémoire dans tout le territoire. Infos sur : www.bistrot-memoire.com

2- La coordination du Renane sera assurée par L’Espace national de réflexion éthique MND et le Département de recherche en éthique de l’Université Paris-Sud – Paris-Saclay.

3- Dépêche du 20 septembre 2017.

4- Extrait du site www.espace-ethique.org/ qui présente également le détail des douze missions du Renane.

LES MAISONS DE CROLLES

Un hébergement alternatif

Pas de porte fermée à clé, faible médicamentation, emploi du temps adapté et habitudes de vie respectées : les Maisons de Crolles (Isère) ont ouvert en février 2016 et accueillent une trentaine de personnes malades. Nées à l’initiative de Blandine Prevost, diagnostiquée jeune de la maladie d’Alzheimer, et de son mari Xavier, elles s’inspirent des méthodes développées au Canada par l’association Carpe Diem. L’objectif principal est de maintenir « une ambiance apaisée et joyeuse », comme à la maison, tout en conservant des liens avec les proches, ainsi que les commerces alentours. Blandine Prevost a lancé ce message : « Je ne suis le malade de personne, je suis une personne qui a une maladie. Je ne vous appartiens pas, je suis quelqu’un qui a besoin de vous, de votre connaissance, c’est tout. »