L’œil des patients - L'Infirmière Magazine n° 384 du 01/07/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 384 du 01/07/2017

 

PHOTOGRAPHIE

DOSSIER

La photographie pour apaiser les patients en cancérologie. C’est le projet d’Hélène Mauri, IDE et photographe : un cliché hors des murs, intime et unique, pour aider à traverser la maladie.

Chaque semaine, Hélène Mauri se rend à l’Institut Curie, à Paris, présenter le projet « S’il n’y avait qu’une image » à des patients ayant une maladie grave, évolutive ou en fin de vie. Un projet philanthropique et humaniste dont elle est l’initiatrice, en collaboration avec l’association ASP fondatrice – une association d’accompagnement et de développement des soins palliatifs au sein de laquelle elle est bénévole –, mis en place en 2015 et soutenu par la Fondation Dominique et Tom Alberici et la Fondation de France. Par la photographie, l’infirmière, diplômée de l’École nationale supérieure Louis-Lumière, se veut médiatrice entre l’intérieur de la chambre et le monde extérieur dont le patient n’a pas ou plus accès. « Certains patients ont une idée très précise de ce qu’ils veulent. D’autres ont besoin d’un peu plus de temps. Je suis alors là pour en discuter avec eux », explique-t-elle. Avant de rencontrer les patients, Hélène Mauri commence par présenter son projet aux différents professionnels de santé : aides-soignantes, infirmières, cadres de santé, médecins, kinés… Ce sont eux qui l’orientent vers les patients qui pourraient être intéressés.

« Intervenant dans plusieurs hôpitaux, je me suis interrogée sur ce lieu qui représente un espace clos, fermé, avec peu d’ouverture sur le monde extérieur et dépersonnalisé, avec un mobilier identique dans chaque chambre. Les patients ne peuvent pas en sortir tant que leur état de santé ne le permet pas et parfois, les hospitalisations peuvent être longues », poursuit-elle. Pour aborder la photo au service du patient, elle mène dès lors une réflexion sur le cadre et l’environnement dans lequel se trouvent les personnes malades. Sans omettre de gérer au mieux la relation, en la respectant. « L’expérience acquise en tant qu’infirmière me paraît indispensable. De fait, pour acquérir des outils supplémentaires, j’ai également obtenu un DU en soins palliatifs. » À l’Institut Curie, elle mène son projet en tant que bénévole. À l’Institut Gustave-Roussy, elle est infirmière à temps partiel dans le service de chirurgie générale. Dans les deux cas, elle sait trouver la bonne place auprès des patients.

Changer de paysage

Une cascade, un arbre, un souvenir, un portrait… Chaque tirage est une œuvre unique, une réelle démarche photographique, de la prise de vue jusqu’au choix de l’image rapportée au patient qui produit toujours un texte indissociable de la photo. Plus encore, un lien avec l’extérieur, le monde. Et un acte d’espérance. Les bienfaits sont concluants : sérénité, évasion et soutien tout au long de la maladie des patients qui n’hésitent pas à emmener l’image chez eux et à la ramener à l’hôpital lors d’hospitalisations successives. « Lorsque l’on est dans un lit d’hôpital, c’est ce dont on a besoin. On est confrontés à la maladie, on ne bouge pas ; imaginer, observer une image permet de voyager », écrit Isabelle, 52 ans, sous sa photo. Si chaque demande est urgente, selon l’évolution de la maladie, pour les familles, cette image peut être l’occasion d’échanger avec le patient. La photo amorce aussi une communication supplémentaire avec les soignants et peut servir lors de soins. « Ce que je vois, ce sont des coquelicots ouverts et d’autres en fin de course, cela montrerait la vie et le fait qu’elle se termine pour tout. Je pense à l’idée de faire un pas, puis un autre », écrit à son tour Gisèle, 67 ans, sous un champ en fleurs. L’art mis au service du patient participe ainsi à son bien-être et à sa prise en charge globale. « C’est un complément précieux aux soins techniques et relationnels », affirme Hélène Mauri. Sa démarche, universelle, peut s’ajuster à d’autres formes de pathologies, à d’autres cadres. Ainsi, elle projette d’étendre ses interventions aux Ehpad dès septembre et réfléchit à d’autres lieux ou formes d’actions.