Lutte sans relâche - L'Infirmière Magazine n° 382 du 01/05/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 382 du 01/05/2017

 

HYGIÈNE

DOSSIER

Chantal Léger  

cadre de santé hygiéniste, Cclin Sud Ouest, Arlin Poitou-Charentes

Nouveau matériel, nouvelles organisations… En 30 ans, la sécurité des soins s’est grandement améliorée. Si l’infirmière hygiéniste y a acquis ses lettres de noblesse, de nouveaux enjeux l’attendent.

Que d’évolutions pour notre métier ! À la fin des années 70, nous utilisions encore des pinces à servir immergées dans de l’alcool pour prendre, dans un tambour en acier, des compresses réutilisables. Après les injections, les seringues étaient lavées, séchées et rangées dans des boîtes de tailles adaptées… L’arrivée du matériel à usage unique a énormément simplifié notre quotidien et apporté une sécurité des soins considérable. De même, pour l’hygiène des mains, la seule technique à notre disposition était le lavage avec un pain de savon, moins efficace que la friction avec une solution hydroalcoolique (SHA).

En 30 ans, ce ne sont pas seulement les matériels qui ont changé, mais aussi les pratiques et les organisations. À partir de 1973 apparaissent les premiers CLI (comités de lutte contre l’infection), devenus des Clin (comité de lutte contre l’infection nosocomiale) en 1988. C’est à cette même période que les postes d’infirmières hygiénistes voient le jour, à l’initiative de certains établissements de soins. En 1992, cinq Cclin (comité de lutte contre l’infection nosocomiale) ont été créés pour leur venir en appui. La mise en place des équipes opérationnelles d’hygiène a suivi en 1995 ; dans le même temps, des correspondants en hygiène se déploient dans les services de soins. La montée en puissance de ces organisations a été encouragée par des programmes nationaux successifs qui prévoyaient des objectifs quantifiés et la mise en œuvre d’indicateurs de lutte contre les infections associées aux soins (Lias). La surveillance des infections associées aux soins se fait, elle, à travers les enquêtes de prévalence. À cela, il faut ajouter une législation incitant à une modification en profondeur de la manière d’appréhender la sécurité des soins. Un décret du 12 novembre 2010 (voir encadré ci-contre) oblige les établissements de santé à disposer d’une expertise concernant l’analyse des causes des événements indésirables et à développer une culture de la sécurité. Les infirmières hygiénistes ont dû se former à l’évaluation des pratiques professionnelles, à la gestion des risques a priori, à l’analyse des causes des événements indésirables – une démarche qui nécessite d’associer toujours l’équipe concernée. La qualité du travail repose sur nos capacités à nous adapter aux changements, à remettre sans cesse en question nos connaissances et habitudes. Par exemple, travailler en tenant compte des évolutions scientifiques, savoir faire une lecture critique des publications est essentiel pour la crédibilité de notre profession.

Beaucoup de choses ont été faites, les résultats sont là. Ainsi, la prévalence des patients victimes d’une infection nosocomiale (IN), acquise en établissement de santé, est passée de 6,9 % en 1994 à 5,1 % en 2012. La densité d’incidence des IN à Sarm (staphylocoque résistant à la méticilline) – un germe typique de la transmission croisée – a ainsi diminué avec un taux de 0,27/1 000 journées d’hospitalisation (JH) en 2012 contres 0,68/1 000 JH en 2003.

BMR et BHRE, les nouveaux dangers

Le respect des précautions standard n’en reste pas moins une préoccupation quotidienne des équipes opérationnelles d’hygiène, le manuportage étant à l’origine d’environ 70 à 80 % des infections associées aux soins. De nouveaux challenges attendent les infirmières. À l’image des bactéries multirésistantes aux antibiotiques (BMR) ou hautement résistantes (BHRE) qui représentent une menace à laquelle nous devons déjà, et devrons faire face dans les années à l’avenir. S’agissant des IN à EBLSE (enterobactéries résistantes aux antibiotiques), témoins de la transmission croisée mais aussi de la gestion des excrétas et de l’antibiothérapie, on constate que leur densité d’incidence a augmenté de 0,13/1 000 JH en 2002 à 0,62 en 2014. La réactualisation des précautions standard par la SF2H (Société française d’hygiène hospitalière) en juin prochain devra être une nouvelle occasion de tous nous mobiliser contre des colonisations, des infections voire des épidémies évitables par l’appropriation et la mise en œuvre de ces mesures d’hygiène de base. C’est un enjeu pour l’avenir non seulement à titre professionnel, mais également à titre personnel pour la santé publique des générations à venir.

DATES CLÉS

→ 2009 : dernier plan national Lias en cours. Il comprend pour la première fois un volet touchant les établissements médico-sociaux. Les professionnels de santé de ville verront le volet de ce plan décliné à leurs spécialités dans les années à venir.

→ 2010 : décret n° 2010-1408 du 12 novembre relatif à la lutte contre les événements indésirables associés aux soins dans les établissements de santé. La désignation d’un coordonnateur de la gestion des risques associés aux soins ou constituer un Clin n’est plus obligatoire.

→ 2017 : les cinq Cclin et leurs antennes régionales se substitueront à la création d’un Cpias (centre d’appui pour la prévention des infections associées aux soins) par nouvelle région.