Un parcours de soin coordonné au mieux - L'Infirmière Magazine n° 381 du 01/04/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 381 du 01/04/2017

 

FORMATION

SUR LE TERRAIN

Anne-Gaëlle Moulun  

Mettre en place des soins de suite le plus tôt possible et favoriser l’intégration sociale, tel est l’objectif des structures en place en Rhône-Alpes. L’accent est mis sur le lien ville-hôpital et les compétences en pédiatrie.

Sur le territoire de l’ancienne région Rhône-Alpes, plusieurs structures œuvrent pour la prise en charge des enfants victimes, entre autres, d’un AVC. Avec comme objectifs communs :

– intervenir de manière la plus précoce possible afin de préserver les capacités motrices des enfants ;

– éviter toute rupture de la prise en charge ;

– offrir la prise en charge la plus égale pour tous.

L’Escale, centre de référence

Au cœur de l’hôpital Femme mère enfant, aux Hospices civils de Lyon, l’Escale, service de médecine physique et de réadaptation pédiatrique, accueille les enfants souffrant de déficiences motrices, qui peuvent parfois être dues à un AVC. Ici, on évalue, on accompagne, on guide, on appareille et surtout, on aide ces enfants à reprendre pied dans la « vraie » vie, hors de l’hôpital. Une kinésithérapeute coordonne ainsi les soins réalisés par les différents professionnels hôpital-ville, afin qu’il y ait une cohérence de la prise en charge. « Nous accueillons des familles perdues dans le système de santé et qu’il faut accompagner dans ces démarches, relève Françoise Girardot, cadre de santé rééducation à l’Escale. Notre objectif est que tous les enfants puissent bénéficier des mêmes soins. »

Équipe mobile

Le service intervient dès la période d’hospitalisation, notamment par le biais d’une équipe mobile. « Nous avons commencé cette activité grâce à notre classement en centre de référence AVC de l’enfant et, depuis 2013, nous essayons d’intervenir systématiquement », explique le Dr Carole Vuillerot, pédiatre, coordinateur SSR pédiatriques de l’Escale (lire l’encadré p. 42). Un médecin, un ergothérapeute et un kinésithérapeute se rendent auprès de l’enfant pour l’évaluer, discuter avec les parents, organiser la prise en charge et surtout la sortie de l’hôpital. Après l’hospitalisation, l’enfant est soit pris en charge dans un centre de rééducation, soit à son domicile en libéral. Pour plus d’efficacité, des protocoles sont mis en place à l’hôpital : « Notre logiciel nous permet d’orienter l’enfant en centre de rééducation, dès qu’il y a une place. Mais si le centre ne peut pas le prendre avant trois semaines, par exemple, on l’oriente en libéral si son état de santé le permet. Et tant que son état n’est pas stabilisé, il reste à l’hôpital », détaille Françoise Girardot. « Le but de ce dispositif est d’éviter qu’une famille fasse des demandes partout, sans les annuler ensuite, ce qui fausse le nombre de places disponibles dans les centres de rééducation et pénalise les autres patients ».

Évaluation et coordination

Au sein même de l’Escale, une équipe pluridisciplinaire – médecins, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, appareilleurs, psychomotriciens, orthophoniste, etc. – reçoit les enfants et leur famille. Les médecins évaluent les troubles neuro-orthopédiques des enfants pendant toute leur croissance et leur proposent des solutions thérapeutiques médicales, rééducatives, orthopédiques ou chirurgicales adaptées à leur déficience et leur vie quotidienne. Ils travaillent en collaboration avec les kinésithérapeutes et ergothérapeutes et créent le lien avec tous les professionnels autour de l’enfant.

Ici, les seuls soins pratiqués – en hôpital de jour – sont l’appareillage et les injections de toxine botulinique (lire encadré p. 52). « Nous ne faisons pas de rééducation, développe le Dr Vuillerot. Notre but, c’est moins d’agir sur la déficience que d’aider les enfants à vivre avec, et donc de favoriser leur retour dans la vie réelle et leur participation sociale. »

Lien avec le médico-social

La question du retour à l’école et de la réintégration sociale « doit être appréhendée dès la période aiguë, estime le Dr Vuillerot. Il faut en effet se pencher d’ores et déjà sur les démarches administratives à faire, par exemple la demande d’auxiliaire de vie scolaire (AVS) pour l’enfant, de congé ou allocation pour les parents devant réduire leurs activités professionnelles. Il faut faire des démarches auprès de la maison départementale des personnes handicapés (MDPH), se renseigner sur les allocations de la CAF, etc. » (lire p. 53). De plus, en cas de rééducation au long cours, il faut commencer très tôt à envisager le lien avec les équipes du médico-social. Les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) ou les centre d’action médico-sociale précoce (Camsp) peuvent prendre le relais. « Au niveau de l’Escale, nous pouvons aussi faire ce lien entre l’hôpital, les libéraux et le médico-social », complète la pédiatre. Enfin, le service assure le suivi et effectue des bilans au fur et à mesure de l’évolution du jeune patient. « Nous effectuons au moins un suivi annuel pendant toute la croissance de l’enfant », conclut le Dr Vuillerot.

HAD pédiatrique

À Lyon et Saint-Étienne, le service d’hospitalisation à domicile (HAD) pédiatrique ALLP se charge également de faire le lien entre ville et hôpital. « L’hôpital peut nous contacter pour les enfants qui ont fait un AVC, quand les séquelles ne sont pas trop lourdes et que la prise en charge est possible en ville, explique Julia Séon, cadre de santé HAD pédiatrique Lyon-Saint-Étienne. Nous réalisons alors une évaluation clinique des séquelles en coordination avec l’hôpital et nous effectuons une visite de pré-admission, avec les parents et les professionnels de santé. » Quand l’ALLP dispose d’un état des lieux complet des besoins en rééducation, un projet de soin personnalisé est élaboré. « Nous déterminons le nombre de séances nécessaires, par exemple avec un kiné, un psychomotricien ou un orthophoniste, et nous nous occupons de toute la coordination et de la mise en place, détaille Julia Séon. Nous intervenons dans la coordination initiale des soins, pour éviter aux parents la recherche de professionnels et s’assurer que ces derniers soient formés à la pédiatrie. Cela peut être simple, mais parfois, en fonction des secteurs d’habitation, nous sommes confrontés à des manques de professionnels formés en pédiatrie et à des refus de prise en charge, car le contexte de la pédiatrie peut parfois effrayer. » Dans ces cas-là, le service peut faire plus que de la simple coordination. « Nous pouvons mettre en lien les professionnels libéraux avec l’hôpital pour qu’ils puissent suivre des formations par exemple. Nous pouvons aussi organiser des rencontres avec l’enfant pour dédramatiser la prise en charge. Nous en proposons ainsi aux infirmières libérales qui ne font pas souvent de pédiatrie. Lors d’une visite conjointe auprès de l’enfant, nous leur montrons le soin et nous leur fournissons un protocole détaillé », poursuit la cadre de santé.

Mutualiser les compétences

Par ailleurs, le Réseau régional de rééducation et de réadaptation pédiatrique en Rhône-Alpes (R4P), créé en 2007, permet de rassembler les professionnels – libéraux et salariés des secteurs sanitaires et médicosociaux, assistantes sociales, psychologues, etc. – impliqués dans la prise en charge de l’enfant et de l’adolescent en situation de handicap. « Nous sommes la seule région en France à avoir des médecins de coordination de soins pédiatriques. Nous en avons trois, au CHU de Grenoble, de Saint-Étienne et de Lyon, explique Pascale Roger-Dalbert, animatrice du réseau. Les professionnels qui travaillaient dans ce domaine se sont aperçus qu’ils avaient besoin de se retrouver, d’échanger et de mutualiser leurs compétences. » Le premier séminaire, en 2007, a déjà rassemblé près de 170 personnes. Depuis, tous les deux ans, le réseau organise un nouveau séminaire. « Nous proposons des conférences, des ateliers pour permettre des échanges et de faire émerger d’autres besoins de rencontres, d’autres groupes de travail », détaille Pascale Roger-Dalbert. Désormais, le réseau compte plus de 2 200 personnes, dont des professionnels impliqués dans la prise en charge de l’enfant ou de l’adolescent, qu’ils travaillent dans le secteur sanitaire, médico-social voire éducatif, mais aussi des familles. « L’inscription est gratuite par le biais de notre site Internet(1). Les adhérents reçoivent une newsletter mensuelle pour suivre les actualités du réseau, et des informations pouvant intéresser les professionnels : colloques, formations, appels à projets, appels à communication, parution de documents, etc. », poursuit-elle.

Le réseau R4P propose également un service pour mettre en lien les professionnels qui recherchent des prises en charge spécifiques en région Rhône-Alpes. « Un professionnel peut être amené à rechercher un kinésithérapeute, un orthophoniste par exemple. Ils peuvent nous adresser par mail une demande et nous recherchons un professionnel pour tel enfant, dans le cadre de telle pathologie. Nous le contactons et nous demandons l’accord du professionnel pour donner ses coordonnées », explique Pascale Roger-Dalbert. Un dispositif qui permet un gain de temps et d’efficacité dans le prise en charge des enfants.

1- Pour en savoir plus : www.r4p.fr

OUTIL

Compilio, un carnet numérique

Depuis juin 2016, le carnet de soin numérique Compilio est en cours de déploiement en Auvergne-Rhône-Alpes. Cet outil est destiné à améliorer la coordination du parcours de soins et de l’accompagnement des personnes souffrant d’un handicap ou d’une maladie chronique. Initialement réservé aux enfants, Compilio peut désormais être utilisé par toute personne ayant des besoins spécifiques. Sa particularité : les droits d’accès aux données sont établis en fonction des professionnels, médicaux ou médico-sociaux. Le médecin peut avoir le droit de visualiser un certain type de document, tandis qu’un éducateur spécialisé pourra accéder à d’autres données. C’est le patient qui choisit avec qui il partage ses données et qui alimente le dossier avec ses documents et ses informations personnelles. Les professionnels habilités par le patient peuvent eux aussi mettre leur compte-rendu ou d’autres documents dans le Compilio. Le dispositif est déployé pour l’heure sur les CHU de Grenoble, Lyon, Saint-Étienne et Clermont-Ferrand. Parallèlement, de nombreux établissements médico-sociaux et cabinets libéraux sont sensibilisés sur toute la région. Compilio est aujourd’hui utilisé par plus de 1 100 familles et 330 professionnels d’Auvergne-Rhônes-Alpes. Vidéo disponible sur : https://compilio.sante-ra.fr

SOUTIEN ASSOCIATIF

DES RÉPERCUSSIONS SUR LA VIE FAMILIALE

Un AVC chez un enfant est toujours un événement difficile pour les familles. Pour partager son expérience, Viviane Noleau a créé l’association AVC de l’enfant.

Avant que cela arrive à ma fille, je ne savais pas que l’AVC pouvait toucher des enfants. D’ailleurs, il est difficile de trouver des renseignements sur l’AVC pédiatrique ». Partant de ce constat, Viviane Noleau a donc créé l’association AVC de l’enfant, afin d’offrir informations et espace de parole aux parents. « En général, ils viennent à nous quand on a diagnostiqué un AVC à leur enfant, explique-t-elle. Contrairement à une pathologie où on opère et où l’enfant reste quelques jours à l’hôpital puis sort, on navigue à vue avec un AVC. En effet, les neurologues ne peuvent pas prévoir les séquelles. D’un enfant à un autre, même si l’AVC se situe au même niveau, ils peuvent prévoir les soucis moteurs, mais pas les soucis cognitifs. Seul le temps pourra nous le dire. Pour les parents, c’est on ne peut plus difficile ! »

Sa fille, âgée de 6 ans, s’est elle très bien remise de son accident. « Elle a énormément de chance, car la seule séquelle motrice, c’est qu’elle est gauchère. Elle a fait de la rééducation dès l’âge d’un mois, jusqu’à ses 6 ans. Elle a eu de la kiné, de la psychomotricité, de l’ergothérapie et de l’orthophonie, développe Viviane Noleau. Elle a la chance d’avoir une vie normale, d’aller à l’école toute la journée », témoigne-t-elle. Composée uniquement de bénévoles, l’association permet un partage d’expérience et de conseils en fonction du propre vécu de ses membres. « Nous sommes là pour accompagner, soutenir les parents en cas de coup de blues, car il faut absolument qu’ils puissent se décharger, pour mieux accompagner leur enfant. Ils doivent pouvoir venir crier leur mal et crier à l’injustice, car dans 80 % des cas, on ne trouve pas la cause de l’AVC. Par moments, nous devons secouer un peu les parents, car parfois ils sont tétanisés et tellement désemparés qu’ils ne réagissent plus pour le bien de leur enfant », relève Viviane Noleau. Un groupe Facebook a en outre été créé pour échanger les expériences. « On se transmet les noms des rééducateurs dans les régions, car il n’est pas toujours facile d’en trouver un spécialisé en neurologie pédiatrique. Et on se soutient aussi psychologiquement les uns les autres », explique Viviane Noleau. L’association compte une trentaine d’adhérents à ce jour.

A.-G. M.

SOINS

Injections de toxine botulinique et hypnoanalgésie

→ Utilisée pour traiter la spasticité la toxine botulinique est une toxine sécrétée par la bactérie responsable du botulisme, clostridium botulinum. Cette neurotoxine permet de bloquer l’influx nerveux qui contrôle la contraction musculaire. Elle provoque un relâchement du muscle en le paralysant. Selon les recommandations de bonnes pratiques de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), « il faut procéder pour chaque patient à l’établissement d’une liste d’objectifs personnalisés, évaluables séparément, après avoir démêlé les différentes composantes du trouble moteur et en avoir évalué autant que possible la part respective dans la gêne fonctionnelle. La stratégie thérapeutique est fondée sur cette approche par objectif ». La toxine diminue la spasticité de façon transitoire mais ne la guérit pas. « Il ne faut pas dépasser une certaine dose en fonction du poids de l’enfant. Les effets secondaires peuvent en effet être importants, avec notamment un risque de paralysie », souligne le Dr Vuillerot, pédiatre à l’Escale (Hospices civils de Lyon).

→ L’équipe de soins effectue une évaluation de l’enfant, définit des objectifs, puis réalise l’anesthésie avant de faire des injections intra-musculaires, souvent en hôpital de jour. Ensuite, une évaluation est réalisée un ou deux mois après l’injection, pour s’assurer que les objectifs sont atteints. Les parents reçoivent un document d’information leur rappelant les effets secondaires possibles.

→ Une prise en charge globale de la douleur est de mise, car il s’agit d’une injection intra-musculaire. À l’Escale, les enfants reçoivent un peu de gaz Meopa et une anesthésie par voie locale (patch Emla). En plus, les soignants utilisent la distractibilité et l’hypnoanalgésie pour réaliser ce geste sans douleur.

REPÈRES

LA SCOLARISATION, LES DROITS…

La survenue d’un AVC suppose de multiples démarches administratives. Les informations doivent être données à la famille dès la phase aiguë.

→ Quand l’état de santé de l’enfant nécessite la présence en continu d’un parent, ce dernier peut bénéficier d’un congé de présence parental auprès de son employeur. Il fonctionne comme une réserve de 310 jours ouvrés qui peuvent être pris sur trois ans de façon continue ou discontinue. Durant cette période, le salarié peut bénéficier de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) qui s’élève à 43,01 € par jour (lorsque le parent vit en couple) ou 51,11 € par jour pour un parent isolé. Quand ce droit est épuisé, la loi Mathis permet aux fonctionnaires ou aux employés du privé de bénéficier de jours de RTT offerts par les autres salariés.

→ Quand la présence du parent est toujours requise auprès de l’enfant et qu’un parent s’arrête de travailler, il peut bénéficier de compléments d’allocation éducation de l’enfant handicapé (Aeeh) ou de la prestation de compensation du handicap, qui permet de le dédommager en tant qu’aidant familial et de prendre en charge les questions de matériel, l’aménagement du domicile et/ou d’un véhicule. La demande s’effectue auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Le montant de l’allocation de base est fixé à 130,12 € par mois et par enfant depuis le 1er avril 2016. Peuvent s’y ajouter des compléments définis en fonction de la catégorie de handicap ainsi qu’une majoration pour parent isolé.

→ L’enfant peut bénéficier d’une prise en charge à 100 % de tous les soins liés à sa pathologie (ALD).

→ Pour sa scolarisation, la prise en charge dépend de nombreux critères : l’enfant est-il autonome ou pas, en partie, peut-il suivre une scolarité classique ou pas ? C’est étudié au cas par cas. Il existe des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), anciennement auxiliaire de vie scolaire. La demande s’effectue auprès de la MDPH, conjointement avec l’école. En outre, un projet d’accueil individualisé (PAI) est réalisé avec l’école et explique toutes les modalités d’accueil de l’enfant. Si l’enfant a une reconnaissance handicapé supérieure à 80 %, il peut bénéficier d’un programme personnalisé de réussite scolaire (PPRS) pour adaptation de la scolarité.

→ Si l’enfant reste à domicile, le service d’assistance pédagogique à domicile, un service de l’Éducation nationale, se charge de demander aux enseignants de l’école de l’enfant d’intervenir, sur la base du volontariat, quand l’enfant ne peut pas aller en classe. S’ils ne peuvent pas, il peut faire intervenir un enseignant spécialisé qui travaille déjà à domicile.

Article réalisé avec l’aide de Séverine Berthereau, assistante sociale à l’HAD pédiatrique à Saint-Étienne

ÉTUDIANTS EN IFSI

Références d’UE en lien avec le dossier et extrait :

→ UE 2.3.S2,

compétence 1, « Santé, maladie, handicap, accidents de la vie » ;

→ UE 2.8.S3, compétence 4, « Processus destructifs » : anatomie et physiologie du cerveau ;

→ UE 3.3.S5,

compétence 9 « Rôle infirmier, organisation du travail et interprofessionnalité » ;

→ UE 4.1.S1,

compétence 3 « Soins de confort et de bien-être » ;

→ UE 4.3.S2,

compétence 4 « Soins d’urgence » : surveillance, bilans neurologiques ;

→ UE 4.4.S4,

compétence 4 « Thérapeutiques et contribution au diagnostic médical ».